Innovation en santé : quand les CHU et les start-up travaillent main dans la main

Les CHU sont des lieux essentiels dans la conception d’une innovation médicale. «C’est un peu la clef de voûte du système de santé. Ce sont eux qui sont à la pointe de la recherche médicale», estime Philippe El Saïr, directeur général du CHU de Nantes et président de la Conférence des directeurs généraux de CHU. Ces structures sont, ainsi, un enjeu majeur pour les start-ups et tout l’écosystème entrepreneurial qui agit pour développer ces innovations. 

Les biotechs, c’est-à-dire les entreprises qui créent des dispositifs médicaux, «collaborent pour le développement de leurs produits, avec les CHU, qui vont finalement être les utilisateurs privilégiés des technologies développées», indique Frédéric Girard, président de France Biotech.

Pour que les partenariats puissent se faire, «il faut absolument que les acteurs de terrain [les professionnels de santé, NDLR] puissent rencontrer en direct les industriels de la healthtech», explique le Pr Karim Asehnoune, PU-PH, président du Comité national de coordination de la recherche (CNCR) et président de la commission médicale d’établissement du CHU de Nantes.

Pour rassembler ces deux secteurs pourtant bien différents, la Conférence des directeurs généraux de CHU ainsi que France Biotech ont décidé de créer une rencontre annuelle, appelée le CHU HealthTech Connexion Day, qui s'est tenue, pour sa troisième édition, ce lundi 2 décembre à Lille. «C’est un événement qui fait sens et qui nous fait dire que notre système de santé a des difficultés, mais qu'en tout cas, il a des projets d’avenir et que nous représentons cet avenir», estime Florence Favrel-Feuillade, présidente de la commission recherche et innovation de la Conférence des directeurs généraux de CHU, et directrice générale du CHU de Brest.

13 tiers-lieux et 19 IHU déployés

Etablissements de santé et biotechs travaillent parfois déjà ensemble. Pour preuve, 13 tiers-lieux d’expérimentation en santé numérique et 19 instituts hospitalo-universitaires ont déjà été déployés en France. «On est très heureux de constater une dynamique très forte de projets communs entre les start-ups, le monde de l’entreprise et les CHU», souligne Philippe El Saïr. «26% des CHU sont d’ores et déjà partie prenante au capital d’une start-up. On n’est pas sur un ou deux établissements, c’est un mouvement général», assure-t-il, fièrement.

Certains établissements de santé sont plus investis que d’autres. Au CHU de Lille par exemple, un budget programme innovation est spécialement dédié. «On consacre entre 1 million et 1,5 million tous les ans au financement de l’innovation, [c’est-à-dire aux] projets proposés par les services du CHU», indique Frédéric Boiron, directeur général du CHU de Lille.

C’est d’ailleurs dans ce CHU qu’est né Hemerion therapeutics, une start-up qui développe des solutions technologiques innovantes contre le cancer. «L’innovation est née dès 2016 au sein de l’UMR de recherche, en collaboration avec différents services», explique Maximilien Vermandel, son cofondateur. «Un réseau de professionnels et de chercheurs se sont mis à travailler ensemble pour finalement délivrer une première mondiale au CHU de Lille, qui est le traitement du cancer du cerveau par une thérapie photo dynamique, développée totalement sur site.» Des essais cliniques ont été lancés aux Etats-Unis, trois patients ont déjà été soignés par cette nouvelle technologie, précise-t-il. «Ce n’est que le début du chemin, la route est encore longue avant la mise sur le marché […], reconnaît le cofondateur. Mais ça illustre bien la collaboration entre les CHU et le monde entrepreneurial.»

«Le cadre réglementaire européen est le plus strict du monde»

Si ces deux secteurs travaillent déjà ensemble, il reste néanmoins des problématiques communes à lever, comme le sujet de la réglementation. «Le cadre réglementaire européen est le plus strict du monde», indique Stéphane Tholender, vice-président et coordinateur de la commission numérique en santé de France Biotech. «Nous défendons depuis les Assises de Versailles un assouplissement de cette réglementation qui date et qui est un peu limitante», poursuit Philippe El Saïr.

Étant de grandes institutions, les CHU doivent également se rendre visibles des entreprises. Pour ce faire, ils mettent en place des guichets innovation, permettant aux entreprises d’avoir un service dédié. «Même si les CHU ont beaucoup fait, il en reste encore à créer», admet le directeur général du CHU de Nantes. Il précise également que la conférence des directeurs généraux de CHU s’est engagée dans la réalisation d’une feuille de route sur l’innovation. Elle devrait être rendu publique à l’été 2025.

Aujourd’hui France Biotech travaille aussi de son côté, pour émettre des propositions à destination des pouvoirs publics, afin de développer un «écosystème favorable pour les entreprises», indique Frédéric Girard. Il a ainsi précisé six défis majeurs à relever : l’accès à l’information, faciliter les financements publics et privés pour les entreprises, favoriser l’ancrage des entreprises en France, accompagner les grandes réformes françaises et européennes, faciliter l’accès à la donnée de santé et renforcer l’attractivité du secteur.