Campagne de vaccination contre le Covid : "On va commencer prudemment", assure le "Monsieur vaccin" du Gouvernement

07/12/2020 Par Louise Claereboudt
Santé publique
Nommé par le Gouvernement pour conduire la stratégie de vaccination contre le Covid, le Pr Alain Fischer a esquissé les premières pistes de réflexion pour mener à bien sa mission dans une interview exclusive accordée au Journal du Dimanche. Selon le professeur d’immunologie pédiatrique et chercheur en biologie, il faudra faire preuve de prudence et de transparence.
 

  “Prudence est mère de sûreté.” L’expression prend tout son sens dans la communication du Pr Alain Fischer, récemment désigné par le Gouvernement pour conduire la stratégie de vaccination contre le Covid-19. Alors que les premières doses de vaccin doivent être administrées cette semaine au Royaume-Uni, l’ancien chef de service à l’hôpital Necker a détaillé lors d’un entretien au Journal du Dimanche, les premières pistes de réflexion pour mener à bien la campagne de vaccination. Le président du nouveau Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale contre le Covid-19 a d’emblée annoncé qu’il souhaitait mettre sur pied un “petit comité” associant des compétences en biologie et en sciences humaines et sociales afin de “réfléchir collectivement à la vaccination”. Celui-ci pourrait être composé de professionnels de santé, mais aussi de sociologues, de représentants de la société civile ou encore d’associations de patients.

Alors que la campagne doit débuter dès le début du mois de janvier dans les Ehpad, le Pr Fischer s’est montré relativement confiant. “D’après les annonces de Pfizer et Moderna, le nombre de formes sévères est très réduit dans le groupe vacciné par rapport au groupe contrôle”, a-t-il déclaré, précisant que “des informations complémentaires devront être recueillies concernant l’efficacité du vaccin chez les personnes âgées”. Les médecins et infirmières seront vraisemblablement chargés de réaliser les deux injections à trois semaines d’intervalles. Les personnes qui recevront le vaccin devront donner leur accord au préalable ou, en cas de troubles cognitifs, leurs familles. “Il n’y aura pas de vaccination sans consentement. Et pas d’obligation bien sûr”, a-t-il martelé, affirmant qu’ “en santé publique, il faut d’abord essayer de convaincre”.   “On va commencer prudemment” Toutefois, comme lors de la conférence de presse jeudi 3 décembre, le pédiatre de 71 ans s’est montré plus prudent quant aux incertitudes scientifiques. “Oui, il va y avoir des effets secondaires. Même s’il est difficile d’établir une causalité quand ils sont extrêmement rares. L’information et la communication tournent forcément autour de l’analyse du bénéfice-risque, centrale dans le processus de décision. Est-ce que les bénéfices attendus pour se protéger d’une maladie potentiellement grave sont bien supérieurs au risque éventuel d’une pathologie liée à la vaccination ? De petites marges d’incertitude persistent mais, d’après les données partielles dont on dispose, ce risque est très faible. En France, on va commencer prudemment.” Afin de rassurer, le Pr Alain Fischer a indiqué que les personnes qui recevront le vaccin seront...

suivies par l’ANSM et les médecins “qui feront remonter les informations en cas de problèmes”. Par ailleurs, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sera également chargé de surveiller des cohortes dans la population “pour analyser d’éventuels évènements indésirables”. “Sur plusieurs dizaines de millions de Français vaccinés, quelques milliers développeront une pathologie dans les semaines suivant l’injection. On comparera alors la fréquence de la survenue de ces maladies hors vaccinations pour voir s’il y a un surcroît ou pas”, a-t-il expliqué au JDD.   “Pas de recette miracle pour combattre l’hésitation vaccinale” Face à la grande défiance des Français vis-à-vis des vaccins, le “Monsieur vaccin” du Gouvernement, qui a annoncé qu’il allait lui-même se faire vacciner car “en tant que professionnels, nous devrons être bien informés et nous montrer exemplaires”, a enfin prôné la transparence. “Il n’y a pas de recette miracle pour combattre l’hésitation vaccinale'”, a-t-il dit, évoquant le besoin de “messages bien faits, ciblés et répétés” et écartant “les arguments d’autorité, les injonctions émanant des responsables sanitaires”. Pour porter ces informations, le Pr Fischer a insisté sur le rôle des généralistes, pharmaciens ou encore infirmières libérales. “Mais pour répondre, ces professionnels doivent eux-mêmes avoir accès à de bonnes informations.” Il espère par ailleurs que les personnes qui se seront fait vacciner deviendront des “ambassadrices du vaccin”, susceptibles de limiter la défiance du grand-public dont les inquiétudes liées à la provenance et aux potentiels effets secondaires des vaccins se font de plus en plus grandes.

Revenant sur les critiques évoquées quant à sa prudence, il a estimé que “faire part du questionnement scientifique n’est pas une preuve de faiblesse. Il faut dire les choses comme elles sont, sinon on est décrédibilisé.” Ainsi le professeur d'immunologie a assumé de ne pas avoir la réponse à toutes les questions, à commencer par celle qui se pose sur toutes les lèvres : “Est-ce que les trois vaccins empêchent la transmission du virus ?” “Il faudra du temps pour voir s’ils apportent une protection collective”, a-t-il répondu. Quoi qu’il en soit, le scientifique a déclaré que la vaccination “ne doit pas apparaître comme une protection collective”, capable d'éviter une troisième vague du Covid. “Dans les trois mois à venir”, elle “va concerner au mieux 3 millions de personnes. Ce sera sans impact sur la dissémination du virus”, a-t-il souligné, appelant à maintenir la vigilance et les gestes et mesures barrières, en particulier lors des fêtes de fin d’année. [avec le Journal du Dimanche]

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