Madame B, médecin généraliste, fait l’objet en septembre 2020 d’une première décision de suspension de l’exercice de la médecine pour une durée de six mois, en raison d’un état pathologique lié à l’usage de l’alcool et de sédatifs. Cette interdiction temporaire d’exercice faisait suite à une procédure déclenchée par l’Ordre, conformément à l’article R.4124-3 du Code de la santé publique, applicable aux situations d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession de médecin.
A la suite de cette première condamnation, Madame B est autorisée à reprendre son activité, par une décision du 20 mai 2021. Dès le mois de septembre suivant, et alors qu’elle bénéficiait d’un suivi par un médecin addictologue et un psychiatre, cette généraliste fait l’objet d’un signalement d’une patiente auprès du Conseil départemental de la Sarthe de l’Ordre des médecins, décrivant un état d’ébriété à l’occasion de consultations la concernant personnellement ou des tiers.
En octobre 2021, nouveau signalement émanant cette fois de deux employés de la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe lui ayant rendu visite à son cabinet et relatant un état de très grande confusion, évocateur d’un trouble analogue. Nouvelle procédure et nouvelle sanction de l’Ordre (suspension d’exercice pendant un an et reprise d’activité subordonnée aux résultats d’une nouvelle expertise).
Pour le Conseil national de l’Ordre, le Dr B n’a pu apporter d’éléments circonstanciés pouvant permettre de mettre en doute la matérialité des faits ayant donné lieu à ces signalements. Pour sa défense, cette généraliste s’appuyait sur le rapport d’expertise établi à la demande de l’Ordre par trois médecins désignés comme experts, le premier par l’intéressée, le deuxième par le Conseil régional et le troisième par les deux premiers experts. Ce rapport concluait que son état n’était pas de nature à rendre dangereux l’exercice de la médecine.
Saisi en dernier recours, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 13 avril 2023, a donné raison à l’Ordre et justifié cette mesure d’interdiction d’exercice en tenant à rappeler qu’un rapport d’expertise ne lie pas le Conseil national, qui peut ainsi en avoir une lecture différente. Et le Conseil d’Etat de rappeler que le Dr B continue de présenter des troubles liés à l’usage de l’alcool et constate que l’intéressée se trouve dans une posture de déni de ses difficultés. Pour l’Ordre, et au vu de l’ensemble des éléments dont il disposait, l’état de santé de cette médecin généraliste rendait dangereux l’exercice de la médecine et justifiait une mesure de suspension d’une durée d’un an.
Si, le plus souvent, l’Ordre suit les conclusions des experts, dans certaines situations il peut s’en démarquer, en rendant une décision qui se doit d’être motivée et visant à protéger le praticien mais surtout sa patientèle.
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