Dans un arrêt du 5 juillet 2022, le Conseil d’Etat a jugé qu’un signalement de maltraitances sur mineur ne pouvait être sanctionné sur le plan disciplinaire, dès lors que le professionnel de santé a agi de bonne foi.
Le 7 novembre 2017, un médecin psychiatre, exerçant dans un centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA), adresse un courrier de signalement à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) du département, pour l’alerter sur le comportement de la mère d’une jeune fille alors âgée de neuf ans, prise en charge par le CMPEA à la suite d’une première information préoccupante adressée à la CRIP en juin 2017. A la suite de ce signalement, la mère de l’enfant porte plainte devant l’Ordre contre ce médecin : cette plainte est rejetée en première instance et en appel. La mère décide alors de saisir le Conseil d’Etat.
En matière de signalement de maltraitances sur mineur, un médecin peut alerter le médecin de la CRIP s’il a pu constater que la santé, la sécurité ou la moralité d’une personne mineure l’exposaient à un risque de danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social peuvent être gravement compromises. Cette alerte a pour finalité d’évaluer la situation de ce mineur et de déterminer des actions de protection et d’aide. Si un médecin constate sur un enfant des sévices ou privations, sur le plan physique ou psychique, qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises, il procède à un signalement au procureur de la République ou à la CRIP, comme le préconise l’article 226-14 du Code pénal. Et cet article de préciser que « le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi ».
Signalement justifié et de bonne foi
Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, la juridiction administrative a donné raison à l’Ordre en considérant que le signalement adressé par ce praticien à la CRIP s’appuyait sur des constatations objectives issues de ses consultations, qu’il avait agi de bonne foi afin de protéger l’enfant. Pour le Conseil d’Etat, « lorsqu’un médecin signale au procureur de la République ou à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes des faits laissant présumer qu’un mineur a subi des violences physiques, sexuelles ou psychiques et porte à cet effet à sa connaissance tous les éléments qu’il a relevé dans la prise en charge de son patient, notamment des constatations médicales, des propos ou le comportement de l’enfant et, le cas échéant, le discours de ses représentants légaux ou de la personne accompagnant l’enfant soumis à son examen médical, sa responsabilité disciplinaire ne peut être engagée à raison d’un tel signalement, s’il a été effectué dans ces conditions, sauf à ce qu’il soit établi que le médecin a agi de mauvaise foi ». Une absence de signalement, en présence de faits objectifs, précis et avérés, pourrait se retourner contre le professionnel de santé et l’exposer à des poursuites pour non assistance à personne en danger.
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