Justice ordinale

Quel recours après une condamnation par l'Ordre des médecins ?

Si un médecin condamné par le Conseil national de l’Ordre peut former un recours en cassation devant le Conseil d’Etat, ce pourvoi fait l’objet d’une procédure préalable d’admission qui n’est pas souvent favorable au médecin.

24/06/2024 Par Nicolas Loubry
Déontologie
Justice ordinale

Le contentieux disciplinaire porte sur les manquements au code de déontologie médicale. Une plainte peut être déposée contre un médecin devant son conseil départemental qui transmet cette plainte au conseil régional de l’Ordre, juridiction disciplinaire de première instance. Si ce médecin est condamné à une sanction disciplinaire (avertissement, blâme, interdiction d’exercice, radiation), il peut faire appel de cette décision devant la chambre disciplinaire du Conseil national de l’Ordre qui confirmera, révisera ou annulera cette sanction. Si ce praticien est encore condamné, il pourra saisir le Conseil d’Etat en formant un recours en cassation. Mais attention, ce recours n’est pas suspensif : la décision contestée, comme une interdiction d’exercice, doit être exécutée jusqu’à la décision du Conseil d’Etat qui intervient, en règle générale, bien après la fin de la période d’interdiction.

Pour éviter d’avoir à respecter cette mesure d’interdiction d’exercice, il faut alors demander au Conseil d’Etat de prononcer, avant la décision définitive, un sursis à exécution. Cette procédure permet au Conseil d’Etat d’ordonner que soit différée l’exécution de la décision disciplinaire frappée de cassation, lorsque certaines conditions sont remplies : selon l’article R821-5 du Code de justice administrative, ce sursis à exécution peut être accordé si la décision prononcée, comme une peine d’interdiction d’exercice, risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués par le médecin condamné semblent sérieux et de nature à justifier l’annulation de la condamnation. A titre d’exemple, si un médecin est condamné à six mois d’interdiction d’exercice, il perdra inévitablement sa patientèle alors même qu’il ne pourra se faire remplacer pendant cette période d’interdiction. Si ce sursis à exécution n’est pas accordé, le médecin condamné n’est pas sûr, pour autant, de voir son pourvoi prospérer favorablement.

 

Procédure préalable d’admission

En effet, avant d’examiner le fond de son affaire, le Conseil d’Etat met en place une procédure préalable d’admission avant l’examen des arguments et la prise de décision. Cette procédure vise ainsi à écarter les pourvois irrecevables (par exemple, un délai de pourvoi dépassé) ou qui ne sont pas fondés sur un moyen sérieux (comme une argumentation insuffisante). Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure préalable d’admission, et si le pourvoi est admis, qu’il sera ensuite examiné. A titre d’exemples récents, issus de la jurisprudence, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 4 avril 2024, a rejeté le pourvoi formé par un médecin condamné à une suspension d’exercice pour manquements aux devoirs de moralité et de probité. Le Conseil d’Etat a jugé "qu’aucun des moyens avancés par le requérant ne sont de nature à justifier l’admission du pourvoi". Même décision prononcée également par le Conseil d’Etat, le 4 avril 2024, à l’encontre d’un médecin suspendu pour n’avoir pas respecté la réglementation en matière de facturation et pour avoir utilisé des procédés médicaux insuffisamment éprouvés. Dans une autre décision, du 29 mars 2024, un médecin avait été radié du tableau de l’Ordre à la suite de prescriptions fautives : le Conseil d’Etat a estimé que son pourvoi n’était pas admissible car fondé sur aucun moyen sérieux. Dernier exemple : un médecin interdit d’exercice, en raison d’un manquement à son obligation légale d’information et d’une pratique de paiement anticipé de ses honoraires. Dans un arrêt du 29 mars 2024, le Conseil d’Etat a jugé qu’aucun des moyens avancés par le requérant n’était de nature à rendre ce pourvoi admissible.

Autant de décisions qui nécessitent, pour les intéressés, d’être conseillés et défendus par des avocats spécialisés, connaissant parfaitement les arcanes de ces procédures devant l’Ordre et devant le Conseil d’Etat.    

 
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