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Non-respect de la moralité : l'Ordre peut-il refuser d'inscrire un médecin au tableau?

Pour les professions réglementées par un Ordre (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes…), l’inscription au tableau de l’Ordre est obligatoire pour pouvoir exercer, et nul ne peut être inscrit sur ce tableau s’il ne remplit pas les conditions nécessaires de moralité.

03/06/2024 Par Nicolas Loubry
Déontologie
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L’inscription au Tableau de l’Ordre est obligatoire pour exercer légalement la médecine en France. Pour demander son inscription auprès du Conseil départemental de l’Ordre du lieu où il envisage d’exercer, un médecin devra remplir un dossier comportant un certain nombre de documents, dont un extrait de casier judiciaire et une déclaration sur l’honneur certifiant qu’aucune instance pouvant donner lieu à condamnation ou sanction est susceptible d’avoir des conséquences sur cette inscription. 

Un formulaire d’inscription doit ainsi être rempli par l’intéressé qui devra notamment préciser les éventuelles sanctions définitives prononcées contre lui, notamment pénales, civiles ou administratives ainsi que les instances en cours en France mais aussi à l’étranger. Le Conseil départemental, et en particulier son rapporteur, pourra demander, au casier judiciaire national, la communication du bulletin n°2 du postulant qui comporte l’ensemble des condamnations judiciaires et des sanctions administratives. Au vu de son dossier et des pièces demandées, le rapporteur désigné par l’Ordre rédigera un rapport écrit après avoir vérifié si l’intéressé remplit les conditions requises d’inscription, notamment celles de moralité et d’indépendance, de compétences professionnelles et s’il ne présente pas une infirmité ou un état pathologique incompatible avec l’exercice de la profession.

Moralité exemplaire

Toute décision de refus d’inscription doit être motivée et peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil régional de l’Ordre, puis devant le Conseil national et enfin devant le Conseil d’Etat. Ces appels ne sont pas suspensifs. Comme l’indique l’article R.4112-2 du Code de la santé publique, le Conseil départemental de l’Ordre peut refuser une inscription si l’intéressé ne remplit pas, notamment, les conditions nécessaires de moralité. Et l’article R.4127-3 d’ajouter que « le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ». 

Des conditions pouvant être sujettes à contestation, comme le rappellent certaines décisions de jurisprudence. On se souvient de l’affaire Cahuzac, du nom de l’ancien ministre condamné pour fraude fiscale alors que son casier judiciaire faisait état de ces condamnations. Le CNOM a estimé, à l’époque, que cette condamnation fiscale ne contrevenait ni aux compétences médicales de l’ancien ministre, ni à sa moralité de médecin…. 

Un médecin radié par l'Ordre pour violences sur ses enfants

Dans un arrêt du 6 mars 2013, le Conseil d’Etat a donné raison au Conseil national de l’Ordre des infirmiers pour avoir rejeté la demande d’inscription au tableau d’une infirmière qui ne présentait pas les garanties de moralité exigée, du fait de sa condamnation en 2005 à dix-huit mois de prison avec sursis assortie d’une interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs, puis de son signalement à l’ARS en 2010 pour des actes de maltraitance envers une pensionnaire d’un EHPAD. 

Dans une autre décision du 2 avril 2021, le Conseil d’Etat a donné raison à  l’Ordre pour avoir refusé la demande d’inscription d’un masseur-kinésithérapeute au tableau d’un conseil départemental. Ce praticien avait fait l’objet de poursuites devant la chambre disciplinaire de l’Ordre pour des faits d’agression sexuelle sur une consœur et sur plusieurs patientes, d’encaissements frauduleux de chèques, et de facturation d’actes non effectués. Autant d’éléments justifiant que la condition de moralité requise pour exercer cette profession n’était pas remplie. 

Autre condamnation du Conseil d’Etat, dans un arrêt du 2 décembre 2020, envers un chirurgien-dentiste qui avait volontairement omis, dans sa demande d’inscription, de faire état d’un jugement du tribunal correctionnel qui l’avait condamné pour des faits qualifiés d’escroquerie en lien direct avec l’exercice de sa profession. Ce praticien avait été condamné à deux ans de prison, dont dix-huit mois avec sursis, avec une peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une durée de cinq ans. Dans sa demande de réinscription au tableau de l’Ordre, ce chirurgien-dentiste s’était abstenu de mentionner cette instance, alors qu’il avait continué à exercer sa profession en méconnaissance de cette interdiction d’exercice. 

Enfin, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, dans une décision du 9 avril 2019, a tenu à préciser, à l’égard d’un chirurgien cervico-facial, condamné pénalement à deux reprises pour violences volontaires sur sa concubine, et qui avait omis de déclarer ces deux condamnations sur son questionnaire d’inscription,  qu’il ne pouvait soutenir « avoir été de bonne foi en pensant que le questionnaire d’inscription ne visait que d’éventuelles procédures et condamnations relatives à des faits en lien avec l’activité médicale… ». Le rappel de ces dispositions a ainsi pour but de permettre à l’Ordre de vérifier si le médecin qui sollicite son inscription a un casier judiciaire compatible ou non avec l’honneur et la dignité de la profession médicale.   

 
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