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Un médecin exerçant a titre libéral au sein d’une SELARL dispose-t-il d’une patientèle propre ?

D'après un arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2023, lorsqu’un médecin généraliste exerce au sein d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), il ne dispose pas d’une patientèle propre, ladite société étant "seule titulaire de la clientèle".

19/05/2024 Par Nicolas Loubry
Déontologie
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Le Dr M., médecin généraliste exerçant en libéral au sein d’une SELARL, informe son associé, le Dr S., par lettre du 10 octobre 2010, qu’il cessera ses activités au sein de leur société en janvier 2011. Fin janvier 2011, il s’installe comme médecin généraliste dans un autre centre médical. Le 9 décembre 2012, le Dr M. reproche à son ancien associé d’avoir détourné une partie de ses patients en longue maladie et décide d’engager à son encontre une procédure en concurrence déloyale. 

Le 25 janvier 2021, la cour d’appel de Nouméa a rejeté ses demandes, alors qu’il considérait que la patientèle attachée au médecin référent constituait une clientèle propre, quel que soit le mode d’exercice de son activité professionnelle. Mais pour la Cour de Nouméa, "la société d’exercice était seule titulaire de la clientèle", ce qui justifiait ainsi de refuser "tout caractère fautif au comportement d’un médecin (le Dr S.) qui, après le départ de son associé, avait refusé de communiquer les coordonnées de ce dernier aux patients de longue durée dont il était le médecin référent et s’était borné à leur remettre un formulaire destiné à changer de médecin traitant". 

Saisie en dernier recours par le Dr M., la Cour de Cassation, dans un arrêt du 15 novembre 2023, donne raison à la cour d’appel de Nouméa et déboute le Dr M. de ses demandes après avoir énoncé "que la patientèle était celle de la SELARL même si le Dr M. avait été désigné par des patients en longue maladie comme médecin référent, en application de la convention médicale de 2006, conclue entre les médecins libéraux de Nouvelle-Calédonie et les organismes de protection sociale, approuvée par l’arrêté n°2006-3199/GNC du 17 août 2006".

Libre choix et détournement de clientèle

En l’absence de clause de non concurrence, le Dr M. pouvait librement se réinstaller dans un centre voisin. S’il ne pouvait, de sa propre initiative, détourner une partie de la clientèle attachée à la SELARL, son ancien associé ne pouvait, de son côté, capter à son profit cette clientèle qui doit pouvoir choisir librement le médecin qui la prendra dorénavant en charge. Le principe du libre choix du patient, notamment rappelé par les articles R.4127-6 et L.1110-8 du Code de la santé publique, doit impérativement être respecté.

Comme le rappelle Manon Mazzucotelli, docteure en droit*, "l’attachement de la patientèle à la SELARL ne doit par conséquent pas se faire au détriment des règles déontologiques afférentes à l’exercice de cette profession", en l’occurrence de médecin généraliste.

Références :

Manon Mazzucotelli, "Praticien libéral et société d’exercice : à qui appartient la patientèle ?", Revue Droit et Santé N°118 / Mars 2024

 
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