Carton rouge

Un médecin qui n’exerce plus depuis cinq ans peut-il être jugé comme dangereux ?

Dans un arrêt du 20 juin 2024, le Conseil d’Etat a donné raison à l’Ordre pour avoir suspendu un médecin généraliste pendant un an avec une obligation de formation, au motif que ce médecin n’exerçait plus la médecine depuis cinq ans et présentait des insuffisances professionnelles rendant dangereuse la pratique de la médecine générale.

15/09/2024 Par Nicolas Loubry
Déontologie
Carton rouge

Selon l’article R.4124-3-5 du Code de la santé publique, en cas d’insuffisance professionnelle d’un médecin rendant dangereux son exercice, une suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d’exercer peut être prononcée par le Conseil régional de l’Ordre, pour une période déterminée pouvant être renouvelée. Le Conseil régional est saisi soit par le directeur général de l’ARS, soit par une délibération du Conseil départemental ou du Conseil national de l’Ordre. Une suspension qui ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l’intéressé, le deuxième par le Conseil régional et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier devant être choisi parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité. 

Les experts doivent procéder ensemble à l’examen des connaissances théoriques et pratiques de leur confrère et dans leur rapport, indiquer les insuffisances relevées au cours de leur expertise, leur dangerosité et préconiser les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique.

Pratique ancienne sans remise à niveau

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, le Conseil départemental de la Manche avait saisi le Conseil régional de Normandie à la suite, notamment, de signalements réalisés par des confrères d’un médecin qualifié en médecine générale au sujet de la dangerosité de sa pratique. Appelé à désigner comme expert un confrère qualifié dans la même spécialité, ce praticien a désigné un médecin qualifié dans une autre spécialité, qui a ainsi été récusé. Il soutenait également que la mesure de suspension prise à son égard l’avait été, de manière irrégulière, au motif que les cas cliniques qui lui avaient été soumis dans le cadre de l’expertise relevaient de la médecine générale et non de la médecine d’urgence qu’il a principalement exercée. 

Mais comme devaient le préciser les conclusions des experts, ce médecin n’exerçait plus la médecine depuis cinq ans et présentait des insuffisances professionnelles rendant dangereuse la pratique de la médecine générale. Pour le Conseil d’Etat, la suspension pour une durée d’un an, assortie d’une obligation de formation confirmée en appel par le Conseil national, était parfaitement justifiée au regard des dispositions de l’article R.4124-3-5 du Code de la santé publique.

Dans une autre affaire, également jugée par le Conseil d’Etat, un médecin généraliste avait aussi fait l’objet d’une procédure en insuffisance professionnelle. Il avait interrompu en 2018 son activité médicale de médecin généraliste et était inscrit au tableau de l’Ordre en tant que médecin non exerçant, depuis le 18 novembre 2018. Ayant repris son activité de médecin généraliste en 2022, une suspicion d’insuffisance professionnelle le concernant a conduit le Conseil régional d’Ile-de-France à demander une expertise. Les experts ont notamment relevé "des erreurs dans les réponses aux vignettes cliniques qui témoignent d’une pratique ancienne sans réelle remise à niveau ni aucune réflexivité", préconisant une mise à jour des connaissances en médecine générale sous la forme d’un stage de trois mois et d’un diplôme de formation continue en médecine générale d’une durée d’un an. 

Ce praticien, pour justifier du maintien de ses compétences depuis sa cessation d’activité en 2018, faisait seulement valoir avoir réalisé de courts stages et deux formations ponctuelles. Là encore, l’Ordre et le Conseil d’Etat ont validé l’insuffisance professionnelle de ce médecin, dans un arrêt du 5 juin 2024, en le condamnant à une mesure de suspension de son activité pour une durée de dix-huit mois assortie de l’obligation de suivre une formation adaptée sous forme d’un enseignement théorique et d’un stage en médecine générale.    

 
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