Un médecin condamné pour viol peut-il exercer ?
Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023, la condamnation d’un médecin, pour un viol commis en dehors de ses fonctions professionnelles, ne l’empêche pas de remplir la condition de moralité exigée pour exercer la médecine.
Le 22 juin 2021, le Dr B…, titulaire d’un diplôme d’Etat de docteur en médecine, sollicite le Conseil départemental de Mayotte de l’Ordre des médecins d’une demande d’inscription au tableau de l’Ordre sur le fondement de l’article L.4111-1 du Code de la santé publique. Selon cet article, nul ne peut exercer la profession de médecin s’il n’est pas inscrit à un tableau de l’Ordre des médecins, alors que l’article L.4112-1 rappelle que cette inscription reste impossible si un médecin ne remplit pas des conditions nécessaires de moralité, d’indépendance et de compétence.
Or, le Conseil départemental de Mayotte, dans une décision du 14 septembre 2021, va refuser d’inscrire ce praticien à son tableau, tout comme le Conseil interrégional de la Réunion-Mayotte, par une décision du 18 novembre 2021. Saisi en appel par le Dr B…, le Conseil national de l’Ordre va finalement autoriser son inscription le 18 janvier 2022. Le Conseil départemental de Mayotte va alors demander au Conseil d’Etat de trancher et d’annuler cette décision d’inscription, au motif que le Dr B… avait un passé judiciaire qui serait incompatible avec ses futures fonctions de médecin, ayant été condamné pour un viol commis à l’époque où il était interne au CHU de Clermont-Ferrand.
Passé judiciaire et moralité professionnelle
En effet, le 15 mars 2019, la Cour d’assises du département du Puy de Dôme avait condamné Mr B… à une peine de quatre ans d’emprisonnement, dont deux assortis du sursis, pour des faits de viol commis en mars 2014..Par un arrêt du 5 mars 2021, la Cour d’assises d’appel de l’Allier a confirmé sa culpabilité et cette peine d’emprisonnement, cette condamnation étant toutefois assortie du sursis pour la totalité de la peine et dispensée de l’inscription au bulletin n°3 du casier judiciaire. Une sanction plus clémente tenant compte des circonstances particulières dans lesquelles les faits ont été commis, de l’absence de dangerosité de Mr B… attestée par plusieurs rapports d’expertise qui n’ont relevé aucun trouble de la personnalité ni aucune pathologie, ainsi que de son insertion socio professionnelle. Depuis 2014, ce praticien était interne au sein du CHU de Clermont-Ferrand, a poursuivi ses études après avoir repassé les épreuves de l’internat dans une région différente, avant d’obtenir, le 19 avril 2021, son diplôme de docteur en médecine ainsi qu’un diplôme d’études spécialisées en psychiatrie. Et le Conseil national de l’Ordre de préciser qu’au cours des stages et des missions de remplacement qu’il a réalisés, les compétences et qualités professionnelles du Dr B… ont été reconnues alors que son comportement a donné toute satisfaction.
Au vu de ces éléments, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 5 juillet 2023, a donné raison au Conseil national de l’Ordre pour avoir autorisé l’inscription au tableau de l’Ordre du Dr B…, « malgré la particulière gravité des faits pour lesquels il a été condamné », en tenant compte du fait que le viol a été commis en dehors de l’exercice de fonctions professionnelles. L’intéressé remplissait ainsi la condition de moralité exigée pour s’inscrire au tableau de l’Ordre et exercer la profession de médecin.
La sélection de la rédaction