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Burn out et certificat de complaisance : ce que change la dernière décision du Conseil d'Etat pour les médecins

Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 28 mai 2024, si un médecin généraliste constate, chez un salarié, l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel sans disposer de l’analyse des conditions de travail de ce salarié, émanant notamment du médecin du travail, cela ne saurait pour autant constituer un certificat tendancieux ou de complaisance. 

01/07/2024 Par Nicolas Loubry
Déontologie
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La rédaction d’un arrêt de travail ou d’un certificat médical n’est pas un acte anodin. Un certificat mal rédigé ou de complaisance peuvent conduire son auteur devant l’Ordre mais aussi devant une juridiction civile ou pénale.

Le 27 juin 2017, le Dr C..., médecin spécialiste, qualifiée en médecine générale, délivre à un salarié un avis de prolongation d’arrêt de travail dont le volet destiné au médecin-conseil de l’assurance maladie portait, dans la rubrique « éléments d’ordre médical », la mention « burn out ».

Plusieurs mois après, l’employeur de ce salarié va porter plainte auprès de l’Ordre contre cette médecin généraliste, en s’appuyant sur l’article R.4127-28 du Code de la santé publique qui rappelle que « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ». Ce praticien va ainsi être condamné par la chambre disciplinaire de première instance du Grand Est puis par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, à la sanction de l’avertissement.

Un lien discutable et discuté

Pour condamner cette généraliste, l’Ordre s’est référé aux recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé en matière de « repérage et de prise en charge cliniques du syndrome d’épuisement professionnel ou burn out », en soulignant notamment l’importance, dans l’intérêt du patient et avec son accord, d’un échange entre le médecin du travail et le médecin traitant pour le repérage du syndrome d’épuisement professionnel. Or, l’Ordre a considéré que pour motiver la prolongation de l’arrêt de travail de ce salarié par l’existence d’un « burn out », le Dr C… ne pouvait se fonder sur les seules déclarations de ce salarié, en indiquant que son stress et son angoisse trouvaient leur origine dans son activité professionnelle sans disposer de l’analyse de ses conditions de travail émanant notamment du médecin du travail. 

Une argumentation balayée par le Conseil d’Etat qui, dans un arrêt du 28 mai 2024, annule l’avertissement prononcé contre ce médecin, « alors que la seule circonstance que Mme C… ait fait état de ce qu’elle avait constaté l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment du médecin du travail ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance au sens des dispositions de l’article R.4127-28 du Code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ».

Cette jurisprudence est intéressante car les médecins sont souvent condamnés lorsqu’ils certifient des éléments médicaux qu’ils n’ont pu eux-mêmes constater. La notion de burn out est souvent liée au travail et le simple fait d’évoquer cette pathologie dans un certificat aurait pu constituer une faute déontologique, même si ce praticien, dans le cas présent, s’est bien gardé de faire le lien entre ce burn out et les conditions de travail de ce salarié. Comme le rappellent les Drs Toledano et Garat (1), « si la mention du diagnostic est portée sur le seul volet n°1 à destination du médecin conseil et couvert par le secret médical, c’est oublier qu’en l’absence de certificat dématérialisé ce volet est souvent photocopié par le patient pour servir et faire valoir ses droits en cas de litige prudhommal ».

  1. Le guide des certificats et autres écrits médicaux / Med-Line Editions /Décembre 2022
 
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