Covid et rhumatismes inflammatoires : un risque modérément augmenté en l’absence de comorbidités

27/01/2021 Par Corinne Tutin
Rhumatologie

Les comorbidités identifiées dans la population générale sont les principaux facteurs de risque de forme sévère de la Covid-19 chez les patients souffrants de maladies auto-immunes à expression rhumatologique, ont analysé les spécialistes lors du 33e congrès français de rhumatologie (13 au 16 décembre 2020). Les atteintes viscérales, la prise de corticoïdes ou de rituximab semblent être aussi des facteurs favorisants. La cohorte française multicentrique French RMD Covid-19 a analysé l’impact de l’infection Covid-19 chez des patients infectés symptomatiques, suivis en rhumatologie ou en médecine interne pour un rhumatisme inflammatoire chronique (polyarthrite rhumatoïde ou PR, spondylarthrite ankylosante, rhumatisme psoriasique), une connectivite (lupus, sclérodermie, syndrome de Gougerot-Sjögren...), une maladie auto-inflammatoire, ou une vascularite (maladie de Horton, vascularite associée aux Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles ou Anca…). Ainsi, 975 patients ont été inclus dans la dernière analyse présentée au cours du e-congrès de la SFR, dont 580 avec une forme légère qui n’ont pas été hospitalisés, 273 avec une forme dite modérée qui a débouché sur une hospitalisation mais n’a pas exigé de soins intensifs, et 122 avec une forme grave nécessitant un passage en soins intensifs ou aboutissant au décès du patient. L’appariement pour l’âge, le sexe et les principales comorbidités avec 175 patients non rhumatologiques d’une cohorte monocentrique lilloise (Licorne), hospitalisés pour une infection pour Covid-19, a montré que les patients suivis en rhumatologie ou en médecine interne présentaient un surrisque de mortalité, en cas d’infection par le Sars-CoV-2. Toutefois, ce surrisque était non statistiquement significatif, et assez limité par rapport aux autres patients (25,1 % contre 18,9 %, odds ratio de 1,45 avec un intervalle de confiance à 95% entre 0,87 et 2,42). Les facteurs favorisant la probabilité de développer une infection grave après analyse multivariée étaient, hors le sexe et l’âge, la présence d’une obésité, d’une insuffisance rénale chronique, l’existence d’une pneumopathie interstitielle, et la prise de corticoïdes et de rituximab. Le risque était plus important pour les patients avec une maladie auto-immune systémique ou une vascularite que pour ceux avec un rhumatisme inflammatoire chronique. Le traitement par corticoïdes ou celui par rituximab étaient associés à une probabilité accrue de décès (OR de respectivement 2,31 et 3,23). Mais, en revanche, aucune relation négative n’a été trouvée pour le méthotrexate, les anti-TNF ou les anti-IL6.

L’inclusion d’autres observations dans cette cohorte se poursuit et en janvier 2021 plus de 1200 patients ont été recrutés. « Ce qui pourrait permettre, explique le Pr Chistophe Richez (CHU de Bordeaux), coordinateur associé de cette étude, d’apprécier plus finement les risques pathologie par pathologie, par exemple, dans la PR, la spondylarthrite ankylosante, le lupus, en disposant d’un nombre important de malades par catégorie ».   Vigilance avec le rituximab « L’impression que nous avons est que les patients sans comorbidité, comme ceux avec une spondylarthrite ankylosante par exemple sont plutôt épargnés et que le risque augmente lorsque la pathologie rhumatologique s’accompagne de comorbidités comme une pneumopathie chez les patients avec une PR, un surpoids ou...

un syndrome métabolique ou des problèmes cardiovasculaires chez ceux avec un rhumatisme psoriasique, ou plus généralement une atteinte rénale », exprime le Pr Richez. « L’association négative avec des doses de corticoïdes atteignant ou dépassant 10 mg/j a également été observée dans d’autres cohortes de malades comme ceux atteints d’affection gastro-intestinale, et il pourrait s’agir d’une question de timing, la corticothérapie ayant un rôle délétère aux premiers stades de l’infection par le Sars-CoV-2 alors qu’elle est utilisée comme traitement au stade des complications ». Les effets du rituximab posent question. « Dans des maladies graves comme les vascularites à Anca, il paraît difficile de s’abstenir de prescrire ce traitement que l’on remplacerait par du cyclophosphamide, probablement tout aussi dangereux. Mais, compte tenu des résultats observés, il est peut-être licite d’utiliser d’autres thérapeutiques pour le traitement d’entretien de certaines PR, pour lesquelles on proposait parfois 2 perfusions intraveineuses par an de rituximab. La sécurité d’emploi du méthotrexate et des anti-TNF en temps de pandémie semble bien validée car de nombreux patients infectés de la cohorte recevaient ces traitements ». Quoi qu’il en soit, en cas d’infection par la Covid-19 chez un patient rhumatologique, il est conseillé par prudence de suspendre tous les traitements de fond : méthotrexate, anti-TNF, autre biothérapie. Ils seront réintroduits 2 semaines après la disparition de tout symptôme. Les corticoïdes, s’ils étaient prescrits, ne seront pas interrompus brutalement, ce qui pourrait être à l’origine d’une insuffisance surrénalienne, mais seront maintenus à la dose la plus faible possible.  

Lombalgies : un effet néfaste des confinements
Le premier confinement a eu un effet négatif chez les patients avec une lombalgie chronique, a révélé l’étude Confi-Lomb menée du 18 mai au 30 juin 2020 chez 360 d’entre eux.
Si les sujets lombalgiques ont majoritairement bien vécu cet événement sur le plan psychologique (51,7 % des réponses), le niveau de douleur sur l’échelle visuelle analogique a augmenté (53,4 contre 49,5, p < 0,001) et 41 % d’entre eux ont rapporté un accroissement des douleurs. Pour les deux tiers des patients en télétravail, ce dernier a aggravé la lombalgie. L’activité physique a par ailleurs nettement diminué, un paramètre pourtant essentiel pour favoriser une évolution positive dans les lombalgies, et sur lequel il importe d’agir si les confinements se répétaient.

  *Le Pr Richez déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.

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