Le microbiote cutané : un écosystème impliqué dans de nombreuses pathologies
Les microbiotes sont composés de de micro-organismes dont beaucoup nous veulent du bien… Celui de la peau est le 3ème en termes de densité, à égalité avec la salive, après le colon et la plaque dentaire. Une session des Journées dermatologiques de Paris, qui se sont déroulées en virtuel du 1er au 5 décembre 2020, a été consacrée à l'exploration de cette niche, écosystème unique par son contenant et son contenu. Homo sapiens est décidément une espèce hybride, les bactéries qui l’habitent étant en aussi grand nombre que les cellules du corps humain. Elles occupent le nez, le vagin, l’intestin, etc. et de l’analyse de la diversité de ces micro-organismes, il ressort qu’ils sont regroupés par site anatomique : les microbiotes dessinent le corps. La surface de la peau (1,9 m2), sèche et acide (pH de 4 à 6), est a priori peu favorable à une colonisation microbienne, celle-ci étant facilitée par la production de lipides à proximité des glandes sudoripares et sébacées. Les aisselles et les follicules pileux sont ainsi des gîtes microbiens. Le microbiote cutané renferme donc 100 milliards de bactéries réparties en 4 grands phyla et ce, quel que soit le site anatomique : actinobactéries pour plus de la moitié d’entre elles (dont corynébactéries et cutibactérium acnes), firmicutes (dont le staphylocoque doré) ; protéobactéries (entérobactéries) ; et bacteroïdetes (bacilles anaérobies).
La peau est soumise à l’influence, via la modulation de la réponse immunitaire, des bactéries intestinales (anaérobies à 99 %), Fæcalibactéries et Akkermensia notamment. Cette “biogéographie“ cutanée qui apparaît dès l’âge de 3 mois, se construit progressivement (firmicutes, puis actinobactéries, etc.). Elle comprend 3 zones : humides (aisselle et aine, terrain de jeu des staphylocoques et des corynébactéries), séborrhéiques (tête et tronc), et sèches (mains et fesses, où cohabitent différents phyla). Elle renferme un microbiote résident Gram positif (S.epidermidis, corynébactéries, cutibacterium acnes) et transitoire Gram négatif, issu du tube digestif : E. coli, non adapté à la peau, par exemple est acquis par contact. « Le microbiote cutané, propre à chaque individu, est défini, distingué, par ses espèces non dominantes », indique le Pr Geneviève Hery-Arnaud, microbiologiste au CHRU de Brest. Il se comporte comme un biorécepteur de son environnement, pratiques d’hygiène, cosmétiques (savons liquides délétères), etc. L’analyse du microbiote permettrait d’orienter...
les choix cosmétiques. On sait que les émollients corrigent en 90 jours une dysbiose (déclin de la biodiversité) associée à une dermatite atopique (DA). Et que la résilience cutanée est dépendante de sa composition, certaines souches étant à l’évidence plus stables. D’autres (S. epidermidis) font barrière, protègent notamment vis-à-vis du mélanome, interagissent avec le système immunitaire de l’hôte, un effet direct ou médié par les kératinocytes. Signature spécifique Sur une peau atopique, des micro-organismes alors indésirables (le staphylocoque doré) contribuent à l’initiation et l’amplification de la boucle inflammatoire. « Une dysbiose spécifique, à la DA ou au psoriasis, a été identifiée, rapporte le Dr Bruno Sassolas, dermatologue aussi au CHRU de Brest, caractérisée par une abondance de S. aureus pour la DA, de diverses espèces de corynébactéries pour le psoriasis ». Au-delà des différences de composition du microbiote cutané, les transcriptomes portés par les gènes sont différents selon la pathologie : 1 051 gènes sont partagés par la DA et le psoriasis, 1 232 diffèrent entre les personnes souffrant de DA et les sujets sains, et 2 525 entre les patients psoriasiques versus les sujets sains. Des signatures génétiques fonctionnelles variées qui influent sur la fonction barrière, l’activité immune, etc. « La transplantation de bactéries (Roseomonas mucosa) sur peau atopique est une piste », se réjouit-il. Et il évoque également celle des bactériophages, ces virus de bactéries dirigés ici contre S. aureus : ils peuvent être lytiques, ou lysogéniques (quand ils intègrent le génome de la bactérie pour l’inactiver). Quant au psoriasis, chaque patient est doté d’une signature de microbiote spécifique en fonction de la forme de la maladie, ces modifications étant associées à une surreprésentation de gènes actifs sur le transport des hydrocarbones par exemple, ce qui peut ouvrir la voie à un syndrome métabolique.
Impact des médicaments Enfin, on commence à étudier l’impact des thérapeutiques sur le microbiote cutané : les UVB à spectre étroit employés pour traiter un psoriasis réduisent la densité en staphylocoques ; les immunosuppresseurs font varier les espèces bactériennes ; et il existe un lien entre la sévérité du psoriasis (avant les UV) et la diversité du microbiote. Dernière découverte, la relation entre les différents paramètres du microbiote, digestif cette fois, et la survie sans progression (SSP) de patients atteints de mélanome et traités par des inhibiteurs de check-points (anti-PD1) : la SSP est meilleure lorsque la diversité microbienne est plus grande, et en particulier si Fæcalibacterium est en abondance et Bactéroïdes peu nombreuses. « Par ailleurs, des antibiotiques administrés dans les 30 jours qui précèdent une injection d’anti-PD1 influencent négativement la réponse au traitement anticancéreux », souligne le Dr Rozenn Le Berre, médecin interniste au CHRU de Brest.
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