Fibrillation atriale : AF-Care, un nouveau concept pour améliorer l’adhésion aux recommandations
Parce qu’elle représente jusqu’à 2 % des dépenses de santé des pays occidentaux, que sa prévalence augmente avec le vieillissement de la population et parce que sa prise en charge reste largement perfectible, les experts de l’ESC proposent cette année de nouvelles recommandations sur la fibrillation atriale, introduisant un nouveau concept d’approche globale et pluridisciplinaire.
Dans la prise en charge de la fibrillation atriale (FA), l’adhésion des professionnels de santé à l’application des recommandations reste encore largement insuffisante. « Elle est bien plus mauvaise que ce à quoi nous nous attendions », de l’aveu même du Pr Dipak Kotecha (Birmingham, Royaume-Uni), investigateur de l’étude Steeer-AF(1). Cette étude randomisée pragmatique, menée dans 70 centres de 6 pays européens, dont la France, a inclus plus de 1 700 patients représentatifs de la population atteinte de FA. Elle visait à évaluer la conformité de leur prise en charge initiale aux recommandations 2020. Les résultats montrent que celle-ci n’était que de 61 % concernant les mesures préventives de l’AVC, et de 21 % pour les mesures de contrôle du rythme cardiaque. Ce bilan a été rapidement amélioré chez les patients suivis dans les centres ayant bénéficié d’un programme de formation ESC encadré par des experts sur ces éléments clés, à huit mois de suivi.
La première marge de progression réside donc d’abord dans la conformité des pratiques aux recommandations, plutôt que sur l’évolution de ces dernières, a reconnu le Pr Kotecha. Et « cela doit nous interroger sur la façon dont on conçoit les recommandations, dont on les diffuse, on les prend en compte et on les adapte aux patients… ».
Pour faciliter l’adhésion des praticiens et optimiser le pronostic des patients, les nouvelles recommandations européennes proposent un nouveau concept en lieu et place de l’approche ABC (Anticoagulation, Better symptom management, Comorbidity) : l’AF-Care, pour Comorbidités, Accidents vasculaires cérébraux, Rythme et Evaluation. Il s’agit de se pencher en premier lieu sur les comorbidités (C) et facteurs de risque du patient « parce qu’ils impactent à la fois les récidives et la progression de la FA et parce que leur contrôle conditionne le succès de tous les autres aspects de la prise en charge de la FA ». Cela implique de diagnostiquer et de prendre en charge selon les recommandations en vigueur l’HTA, l’insuffisance cardiaque, le surpoids et l’obésité, le diabète, l’alcoolisme et dans une moindre mesure le syndrome d’apnées du sommeil.
Ensuite s’articulent la prévention des accidents vasculaires cérébraux [A] et de la thromboembolie, la réduction des symptômes grâce au contrôle de la fréquence et du rythme [R] et, enfin, l’évaluation [E] et la réévaluation régulière. Dans tous les cas, il importe de proposer une prise en charge globale et multidisciplinaire au long cours, de savoir adopter des « objectifs crédibles et accessibles » pour les patients et de respecter le principe de « sécurité d’abord ».
Concernant la prévention thromboembolique, les experts abandonnent le score CHA2DS2-VASc pour le remplacer par la version CHA2DS2-VA qui permet de s’affranchir de la distinction selon le sexe, qui complique en réalité l’algorithme décisionnel inutilement. L’anticoagulation orale est indiquée en cas de score CHA2DS2-VA supérieur à 2, et elle peut être proposée lorsque le score égale 1. Elle doit être prescrite indépendamment du score chez ceux souffrant de cardiomyopathie hypertrophique ou d’amylose cardiaque.
Le contrôle de la fréquence est recommandé en situation aiguë ou pour contrôler les symptômes au long cours, avec un objectif thérapeutique de 110 batt/min au maximum. Le traitement dépend de la valeur de FEVG. La cardioversion s’impose en cas de FA persistante, les anticoagulants oraux directs devant être préférés aux AVK dans le cadre de la procédure. Quant au contrôle du rythme cardiaque, il repose sur un traitement antiarythmique en cas de fibrillation auriculaire persistante, l’ablation étant réservée à des patients spécifiques. Mais les deux approches peuvent être envisagées indifféremment en cas de FA paroxystique, une décision qui doit être posée après discussion avec le patient.
- Sterliński M. EP Europace. 2024:euae178; https://doi.org/10.1093/europace/euae178.
- 2024 ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation developed in collaboration with the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J 2024:ehae176.
Références :
Congrès de l’European Society of Cardiology (ESC), Londres, du 30 août au 2 septembre. D’après les communications des Prs Isabelle C. Van Gelder (Groningen, Pays-Bas), Dipak Kotecha (Birmingham, Royaume-Uni), Michiel Rienstra (Groningen, Pays-Bas), Valeria Caso (Perugia, Italie) et des Drs Stylianos Tzeis (Athènes, Grèce), Emma Svennberg (Stockholm, Suède) lors de la session de présentation des recommandations européennes 2024 pour la prise en charge de la fibrillation atriale, et la communication du Pr Dipak Kotecha (Birmingham, Royaume-Uni) au cours de la session Hotline 6.
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