Hypertension artérielle : de nouvelles recommandations européennes
L’European Society of Cardiology (ESC) a actualisé ses recommandations sur l’hypertension. Les experts introduisent notamment une nouvelle catégorie de pression artérielle (PA) : la PA élevée.
L’évolution la plus flagrante apportée par les nouvelles recommandations européennes pour la prise en en charge de l’hypertension artérielle (HTA) (1), dont la version précédente datait de 2018, réside dans la désignation même des différentes catégories de pression artérielle (PA) : désormais, le clinicien est invité à n’en considérer que trois : la PA normale, la PA élevée et l’HTA. Car si l’HTA reste bien définie par une pression artérielle systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mmHg et une pression artérielle diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mmHg, les données issues de larges cohortes montrent bien qu’il n’existe pas de seuil en deçà duquel le risque cardiovasculaire est négligeable : « les patients normotendus sans facteur de risque cardiovasculaires (CV) ont un risque CV qui augmente à partir de 90mmHg de PAS, sachant que cette PA tend à augmenter avec le vieillissement », a rappelé le Pr John William McEvoy (université de Galway, Irlande) au cours de la session de présentation des recommandations dédiées. La nouvelle catégorie de « PA élevée », qui correspond à des valeurs de PAS comprises entre 120 et 139 mmHg et des valeurs de PAD entre 70 et 89 mmHg, induit donc l’idée de ce continuum.
Conduite à tenir pour les patients à pression artérielle élevée
Si le dépistage est réalisé au cabinet médical, la confirmation du diagnostic doit s’appuyer sur une mesure hors cabinet (mesure des 24 heures ou au domicile). Les patients qui répondent à la définition de l’HTA sont considérés comme étant à risque à moyen ou long terme et doivent toujours se voir proposer une prise en charge reposant sur les recommandations conventionnelles d’hygiène de vie associées à un traitement antihypertenseur après trois mois sans atteinte des objectifs thérapeutiques. Parmi ceux qui entrent dans cette nouvelle catégorie de PA élevée, il faut identifier ceux qui sont à risque et relèvent d’une démarche comparable : il s’agit en premier lieu de ceux qui ont des comorbidités ou antécédents (diabète, atteinte rénale modérée ou sévère et/ou des organes cibles, hypercholestérolémie familiale…). Pour les autres, il est nécessaire d’évaluer leur risque à dix ans (Score2, Score2-Diabetes…) : lorsque le risque est supérieur à 10 %, ces patients doivent rejoindre la démarche conventionnelle. Chez ceux qui ont un risque compris entre 5 et 10 %, l’existence de situations spécifiques (origine ethnique à risque, maladie auto-immune associée, faible niveau socioéconomique…) et/ou liées au sexe (antécédents de diabète ou d’HTA gestationnelle, de prééclampsie, fausse couche…) doit aussi conduire à considérer les patients comme étant à risque.
Dans le sillage de cette évolution, le nouvel objectif thérapeutique systolique est d’atteindre d’emblée 120-129 mmHg chez tous les patients. Des études récentes comme Esprit, CRHCP ou Step ont, en effet, montré que l’incidence des événements cardiovasculaires est inférieure lorsque la PAS < 130 mmHg vs > 130 mmHg ou pour une PAS < 120 mmHg vs > 140 mmHg. Le texte reste toutefois pragmatique en acceptant un objectif plus modeste « aussi bas que raisonnablement possible » chez les sujets vulnérables (âgés, fragiles, souffrant d’hypotension orthostatique...).
Sur le plan thérapeutique, la principale évolution apportée par les nouvelles recommandations concerne le recours à la dénervation rénale. Au vu des données cliniques, elle est préconisée chez les patients sans altération importante de la fonction rénale, atteints d’hypertension résistante mal contrôlée par une trithérapie. Une évaluation multidisciplinaire est nécessaire, et la décision doit être partagée avec le patient. L’intervention doit être conduite dans un centre expert.
Vers de nouvelles combinaisons médicamenteuses ?
Sur le plan thérapeutique, deux études de phase III (GMRx2 et Quadro), présentées cette année, ouvrent des perspectives pour mieux maîtriser la PA des patients hypertendus mal contrôlés, tout en cherchant à simplifier les approches. La première (2), soutenue par George Medicines Pty Ltd., a évalué une trithérapie fixe (GMRx2) associant telmisartan, amlodipine et indapamide à faible dose : pourrait-elle permettre d’atteindre plus rapidement et simplement les objectifs thérapeutiques que la stratégie conventionnelle d’intensification progressive ? Dans une cohorte de 295 patients hypertendus à faible risque, les chercheurs ont stoppé les traitements dédiés durant quinze jours, puis ont réintroduit après randomisation la trithérapie à demi-dose (telmisartan 20 mg-amlodipine 2,5 mg-indapamide 1,25 mg), la trithérapie à quart de dose (telmisartan 10 mg-amlodipine 1,25 mg-indapamide 0,625 mg) et un placebo. Ils ont obtenu un contrôle de la PA (< 140/90 mmHg) pour 65 à 70 % des patients dans les deux groupes expérimentaux, contre 37 % seulement sous placebo. Cette balance bénéfice-risque favorable leur a permis de comparer dans un second temps la trithérapie fixe à demi-dose à chacune des bithérapies correspondantes (telmisartan-indapamide, telmisartan-amlodipine ou amlodipine-indapamide). Après quatre semaines sous GMRx2 de l’ensemble des sujets recrutés, les patients tolérants et observants ont été randomisés entre le maintien de GMRx2 à demi-dose et les bithérapies aux posologies conventionnelles, toutes ces posologies étant doublées après six semaines, sauf contre-indication. In fine, le taux de patients contrôlés dans le groupe GMRx2 était supérieur aux autres groupes à tous les temps d’analyse prévus par l’étude : à la 12e semaine, ceux qui avaient une PA < 140/90 mmHg étaient 74 % dans ce groupe expérimental, contre 53 à 61 % dans les autres bras.
L’étude Quadro, soutenue par Servier, quant à elle, a évalué une quadrithérapie fixe (bisoprolol, périndopril, indapamide, amlodipine) chez des patients souffrant d’hypertension résistante sous trithérapie (périndopril-indapamide-amlodipine). Résultats : après quatre et huit semaines, l’association fixe permettait d’obtenir une différence de PAS de 7 à 8 mmHg supplémentaire par rapport à la trithérapie, que la mesure soit faite au cabinet ou sur vingt-quatre heures. Une réduction significative de la PAD était également obtenue en consultation. Et le taux de patients ayant une HTA contrôlée (< 140/90 mmHg) était supérieur dans le groupe ayant reçu la quadrithérapie (66,3 % vs 42,7 % au cabinet médical), sans différence concernant la fréquence cardiaque et associé à une sécurité comparable. Cette quadrithérapie comme le GMRx2 poursuivent leur développement et devraient être rapidement disponibles.
- McEvoy John W, et al. 2024 ESC Guidelines for the management of elevated blood pressure and hypertension. European Heart Journal 2024; ehae178.
- Rodgers A, et al. J Am Coll Cardiol 2024:S0735-1097(24)08227-5.
Références :
Congrès de l’European Society of Cardiology (ESC), Londres, du 30 août au 2 septembre. D’après les communications des Prs John William McEvoy (Galway, Irlande), Richard McManus (Oxford, Royaume-Uni ), Rosa Maria Bruno (Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris) et du Dr Cian McCarthy (Boston, États-Unis) lors de la session de présentation des recommandations européennes 2024 pour la prise en charge de l’HTA, et les communications des Prs Scott Garrison (Edmonton, Canada), Ricky Turgeon (Vancouver, Canada), Isla Mackenzie (Dundee, Royaume-Uni), Anthony Rodgers (Sydney, Australie) et Stefano Taddei (Pise, Italie) lors de la session Hotline 2.
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