Démangeaisons

Prurit : des causes souvent multiples

La prévalence du prurit chez les patients âgés est élevée, jusqu’à près de 80% dans certaines études. L’étiologie de ces démangeaisons est souvent mal établie, car elle peut être multifactorielle.

04/12/2024 Par Caroline Guignot
EADV 2024 Dermatologie
Démangeaisons

« Il existe un cercle vicieux entre les démangeaisons et le grattage », a expliqué la Pre Elke Weisshaar (Heidelberg, Allemagne). Les facteurs exogènes ou endogènes favorisant des démangeaisons conduisent à un grattage qui peut altérer la fonction de barrière cutanée et entraîner des réactions locales de stress qui intensifient les réactions immunitaires et inflammatoires locales et favorisent à leur tour l’altération de la fonction barrière. Ce cercle vicieux qui s’installe entre démangeaisons et grattage est lié au système nerveux central et systémique : « Quand les patients se grattent, ils altèrent leur épiderme mais aussi les fibres nerveuses, ces lésions conduisant à entretenir les démangeaisons. » Des biopsies permettent de voir qu’il existe une « signature biologique » du grattage, avec notamment des troubles du métabolisme des kératinocytes, une inflammation Th2 (dans la dermatite atopique ou le prurigo) et la modulation de l’expression des gènes régulant la croissance nerveuse. On observe, par ailleurs, une moins forte densité des fibres nerveuses ainsi qu’un bourgeonnement neuronal accru qui traduisent tous les deux une altération de la sensibilisation. Ainsi, les mécanismes du prurit s'installent progressivement, avec une hyper-réactivité des neurones impliqués dans la pruriception. Les patients ont une sensibilité altérée, erronée ou exacerbée du prurit.

Or, le vieillissement induit la modification de trois composantes importantes du processus prurigineux : l’immunité spécifique (baisse de l’immunité), l’hydratation cutanée (sécheresse, xérodermie…) et le système nerveux périphérique et/ou central (via des maladies neurologiques, neuropathies, douleurs...).

 

Rechercher une cause systémique

Lorsqu’un sujet âgé se plaint de prurit, un certain nombre d’éléments doivent être recueillis : les produits de soins et d’hygiène utilisés, les antécédents médicaux personnels, y compris cutanés, les plaintes associées (douleurs, fièvre, fatigue…), l’existence d’un terrain atopique, les traitements pris qui pourraient favoriser les démangeaisons et les éventuels bouleversements psychosociaux dans l’environnement du patient. « La survenue brutale de démangeaisons est plus volontiers liée à la gale, une dermatite de contact ou une réaction iatrogène alors qu’une apparition lente ou graduelle sera le plus souvent secondaire à une cause systémique ou une xérodermie. Par ailleurs, le prurit qui survient après la douche fait volontiers penser à un prurit aquagénique ou à une xérodermie », a commenté la spécialiste.

En pratique, les démangeaisons sont le plus souvent liées à une cause systémique, mais elles peuvent être fréquemment associées à une autre cause. La sécheresse cutanée est aussi bien souvent incriminée. Il faut donc rappeler l’importance de l’hydratation cutanée aux patients, prendre en charge la cause systémique ou dermatologique et envisager la modification des traitements pouvant être à l’origine des démangeaisons.

Il existe peu d’études cliniques ayant spécifiquement évalué les traitements oraux dans cette population. « Les médicaments de la dermatite atopique suscitent l’intérêt, mais ce qui marche dans cette dernière ne marche pas toujours dans le prurit. Les principales données qui existent concernent les traitements aujourd’hui évalués dans le prurigo avec le dupilumab ou le némolizumab. » Certains anti-JAK, comme l’upadacitinib, pourraient être efficaces, mais ces molécules ne sont pas recommandées chez les plus de 65 ans ayant des facteurs de risque (tabagisme, événements cardiovasculaires majeurs, cancers) lorsque des alternatives thérapeutiques existent.

Références :

33congrès de l’Académie européenne de dermatologie et de vénéréologie (EADV), Amsterdam, du 25 au 28 septembre 2024. D’après la communication de la Pre Elke Weisshaar (Heidelberg, Allemagne) au cours de la session "Geriatric Dermatology" et de la session "Prurit". 

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