Edit-B est le premier test d’aide au diagnostic de la bipolarité, le début d’une médecine de précision en psychiatrie. Développé par AlceDiag, ce test devrait être disponible dès le mois d’avril dans les laboratoires d’analyse médicale Synlab. Son principe repose sur l’édition d’ARN messager. L’editing est un phénomène physiologique qui permet de modifier l’expression d’un gène après sa transcription. Il conduit à une transformation de la protéine et des processus de signalisation d’aval. Sur ce principe, AlceDiag a cherché à développer un test en utilisant à la fois des analyses statistiques, en réseau, et le machine learning pour comparer les marqueurs correspondants au niveau sanguin entre des sujets dépressifs et des sujets contrôles. Ils ont établi un ensemble d’événements d’édition spécifiques de la dépression, qui permet de distinguer les deux populations avec une sensibilité de 84% et une spécificité de 87%. Ce test a, par la suite, été validé puis autorisé pour différencier la dépression unipolaire de celle des bipolaires, avec 86% de sensibilité et 80% de spécificité. En pratique, ce test sera réalisé à partir d’un prélèvement sanguin réalisé en laboratoire chez le patient au cours d’une phase dépressive, traitée ou non traitée. Les données du séquençage qui est réalisé sont ensuite soumises à l’algorithme Edit-B, offrant une aide diagnostique aux cliniciens, dans des situations cliniques parfois difficiles.
Optimiser la monothérapie...
Après le diagnostic, comment gérer le traitement ? Le Pr Gilles Bertschy (CHRU Strasbourg) a rappelé qu’"on dit schématiquement que la dépression correspond à un manque de dopamine et la manie à un surcroît de dopamine". Mais il existe en réalité sept récepteurs dopaminergiques, des mécanismes d’action et de régulation pré- et postsynaptiques, ainsi que des mécanismes de régulation et d’intéraction avec d’autres neuromédiateurs, qui rendent sa disponibilité et son action plutôt complexes.
Schématiquement, les antipsychotiques de première génération sont des antidopaminergiques lourds, et les antipsychotiques de deuxième génération des thymorégulateurs plus subtiles, avec notamment une meilleure sélectivité des récepteurs cibles D2 D3 et parfois des activités non dopaminergiques qui en améliorent la tolérance clinique. Certaines molécules ont ainsi quelques spécificités : l’amisulpride, par exemple, peut à la fois être utilisé dans la dépression bipolaire à faible dose, et dans l’épisode maniaque à forte dose. En effet, antagoniste des récepteurs présynaptiques D2/D3, il conduit au blocage du rétrocontrôle négatif et donc à une augmentation de la libération du neurotransmetteur. Il n’antagonise les récepteurs post-synaptiques qu’à forte dose et conduit alors à une activité antidopaminergique. En pratique, il est donc utilisé "comme un thermostat" chez les patients pour lesquels les fluctuations bipolaires sont difficiles à contrôler, qui peuvent "apprendre à gérer les fluctuations de leurs manifestations". L’aripiprazole est un agoniste partiel D2, ce qui lui confère des propriétés spécifiques, à la fois antagoniste en cas de symptômes positifs et agoniste en cas de signes négatifs. "Il peut être utilisé comme un potentialisateur des antidépresseurs, malgré son absence d’effet antidépresseur propre", a poursuivi le psychiatre, qui a rappelé l’attention à porter aux effets antidopaminergiques problématiques en présence de certaines comorbidités, comme les addictions ou le TDAH.
...puis la combothérapie
Selon le Pr Ludovic Samalin (CHU de Clermont-Ferrand), 20% des patients bipolaires prennent quatre médicaments psychotropes ou plus. "Pourtant, peu d’études ont évalué l’efficacité de deux molécules ou plus dans ce tableau clinique", a-t-il reconnu, en proposant un état des connaissances sur les associations les plus pertinentes. "La monothérapie doit toujours être privilégiée, et le recours aux associations de traitement est nécessaire devant une forme sévère ou face à des rechutes fréquentes." Mais certaines études ont décrit un meilleur contrôle de l’épisode maniaque sous association entre lithium ou valproate et antipsychotiques que sous monothérapie par l’un des deux thymorégulateurs. Aussi, certaines sociétés savantes suggèrent de réserver la bithérapie à la deuxième ligne, ou en cas d’épisode sévère, tandis que d’autres proposent une combothérapie d’emblée. Dans tous les cas, la conduite à tenir la plus opportune face à un épisode maniaque est d’arrêter l’éventuel traitement antidépresseur en cours, et de vérifier l’observance et la posologie optimale avant d’envisager une association thérapeutique, en accord avec les préférences du patient. Dans ce cas, l’aripiprazole, la quétiapine et la rispéridone sont recommandés en association au thymorégulateur. En deuxième intention, l’association lithium-valproate, ou celle de l’halopéridol ou l’olanzapine à l’un des deux régulateurs de l’humeur peuvent être envisagées.
Dans le cas de la dépression bipolaire, le niveau de preuve le plus élevé, bien que modéré, concerne l’association fluoxétine- olanzapine, suivie de celui de la quétiapine ou de l’olanzapine. "Cette association est la seule ayant un niveau de preuve suffisant, même si la méthodologie et le nombre d’études disponibles sur les associations sont insuffisants", a cependant insisté le spécialiste. Les associations recommandées par les sociétés savantes reposent aussi souvent sur la combinaison entre un thymorégulateur et un antidépresseur, de préférence un ISRS. La littérature insiste sur la nécessité d’éviter les antidépresseurs dans les formes à cycle rapide ou mixte, et chez ceux ayant des antécédents de virage. Dans les mois et années à venir, la place de l’eskétamine ou la psilocybine devraient se préciser. L’électroconvulsivothérapie peut aussi être envisagée dans la phase maniaque comme dépressive, en association au traitement initial.
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