"Sans cadre déontologique, nous pouvons partir dans une certaine uberisation de la santé"

20/06/2023 Par Adrien Renaud
E-santé
[DOSSIER] Médecin généraliste à Toulouse et délégué général aux données de santé et au numérique au Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), le Pr Stéphane Oustric met en garde contre les dérives potentielles de l’intelligence artificielle en médecine.
 

Egora.fr : Quels sont les points de vigilance que le Cnom souhaite mettre en avant en ce qui concerne l’intelligence artificielle ? Pr Stéphane Oustric : Par définition, la technique est très largement avant-gardiste par rapport aux pratiques, et même par rapport à la réflexion sur l’évolution de nos pratiques. À peine a-t-on le temps de se demander ce que l’IA pourrait faire changer dans le domaine de l’imagerie, dans les prises en charge, dans la gestion des patients qu’on est déjà en retard, car des personnes qui connaissent mal notre métier, même si elles sont conseillées par des professionnels de santé, avancent sans se poser ces questions. Il n’y a donc pas de possibilité de maîtrise, et la seule chose que nous pouvons faire face à l’intelligence artificielle, c’est l’encadrer de façon très restrictive.   Quel encadrement vous paraît souhaitable ? Tout d’abord, il est légitime et nécessaire que tous les praticiens puissent bénéficier des évolutions des nouvelles technologies. Il faut que les patients aient la garantie de bénéficier de la sécurité et de la qualité des soins, qu’ils aient la garantie d’avoir le choix d’un professionnel compétent, dans le respect de l’indépendance professionnelle, du secret partagé… Cela pose donc la question de l’hébergement des données. Malgré les normes sur l’hébergement sécurisé, on peut craindre que les bases de données de nos patients se retrouvent à l’étranger, par exemple.   Par quoi l’encadrement que vous souhaitez doit-il passer ? Nous avons un article du code de déontologie, sur lequel le Cnom a travaillé il y a plus d’un an et demi, à la demande du gouvernement, dans le cadre du Ségur numérique, qui est toujours dans la moulinette ministérielle. Il s’agit de donner un cadre déontologique à l’utilisation des données de santé, afin que celle-ci permette la meilleure utilisation des données de santé. Malheureusement, cet article n’est toujours pas passé, ce qui est dommage, car si nous n’avons pas de cadre, nous pouvons partir dans une certaine uberisation de la santé, qui est d’ailleurs peut-être voulue…

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Philippe Pizzuti

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