Pendant longtemps, les seules applications concrètes de l’intelligence artificielle en médecine concernaient presque exclusivement un domaine précis : l’imagerie. À cela, une explication simple : l’apprentissage profond, technologie sur laquelle se fondent la plupart des progrès réalisés par les machines au cours des dernières années, est particulièrement adapté à la reconnaissance d’images. C’est ce qui a poussé le sociologue Léo Mignot, chercheur au centre ÉmileDurkheim de l’université de Bordeaux, à étudier dans ses recherches post-doctorales l’histoire et les effets de ces technologies en radiologie. À l’heure où l’intelligence artificielle commence à sortir du monde des images pour conquérir celui du langage, ses travaux peuvent intéresser les généralistes. La première conclusion du sociologue est celle d’une importance assez relative de l’utilisation des logiciels s’appuyant sur l’intelligence artificielle en radiologie. «On pourrait s’attendre à une utilisation largement répandue, or ce n’est pas le cas, constate Léo Mignot. D’après les études dont on dispose, entre 30 et 40% des radiologues américains disent avoir utilisé ce type d’outil. » Cela s’explique, selon lui, par la distance qui existe entre les expériences en laboratoire, sur lesquelles les industriels communiquent beaucoup, et le marché. « Il faut que les solutions proposées correspondent à un usage réel, rappelle-t-il. Cela commence à être le cas, mais nous ne sommes qu’au début. » Un détail de taille Le chercheur bordelais ajoute à cette problématique de marché une forme de réticence créée au sein de la profession par le discours selon lequel la machine allait remplacer le radiologue, ainsi qu’une question qui n’a rien d’un détail : celle du modèle économique. «Pour qu’une solution soit utilisée, il faut savoir dans quel cadre, à quel coût, avec quel remboursement, note-t-il. Or pour l’instant, beaucoup de start-up ont un modèle qui n’est pas forcément lié à la vente de logiciel, mais à la donnée. » Une mécanique qui peut fonctionner lorsqu’une solution est encore embryonnaire, mais qui doit être remplacée par un modèle plus classique lors du passage à l’échelle. C’est pourquoi, quand on lui demande si les progrès de l’intelligence artificielle vont à brève échéance bouleverser la médecine générale, Léo Mignot appelle à la prudence, rappelant que les innovations infusent lentement. « La diffusion passe par une forme de réappropriation par la profession, analyse-t-il. On ne peut pas dire que l’IA ne va rien changer en médecine générale, mais cela prendra du temps. » Il est tout de même un domaine où le sociologue entrevoit des améliorations à plus brève échéance. « Sur le non-médical, sur l’administratif, l’automatisation de certaines tâches de secrétariat, on a de vrais espoirs », note-t-il. C’est toujours ça de pris !
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