La prise en charge des enfants par les généralistes pose problème selon la Cour des comptes

11/02/2022 Par Sandy Bonin
Santé publique
Dans un rapport publié mercredi 9 février, la Cour des comptes dresse un état des lieux de la santé des enfants en France. Si l'état de santé des enfants semble être dans la moyenne des pays comparables, les dépenses publiques de prévention et de prise en charge des soins pour les enfants apparaissent limitées. La prise en charge des soins pour les enfants repose désormais majoritairement sur les médecins généralistes ce qui soulève des "difficultés" selon la Cour.

  Des marges de manœuvre existent en faveur de la prévention et de la promotion de la santé à destination des enfants estime la Cour des comptes qui publie un rapport sur la santé des enfants. Au 1er janvier 2021, les enfants de moins de 12 ans représentaient 9,4 millions de personnes en France, soit 14 % de la population. Les dépenses publiques de prévention et de prise en charge des soins pour les enfants sont toutefois limitées : en 2019, elles représentaient près de 4,5 % des dépenses nationales d’assurance maladie, soit 8,9 milliards d’euros. Des résultats difficiles à suivre Malgré de nombreux dispositifs prévus pour assurer le suivi de la santé des enfants depuis leur plus jeune âge (dont vingt examens médicaux et cinq examens bucco-dentaires obligatoires), les résultats de ces derniers restent très difficiles à suivre, relève la Cour. En 2019, par exemple, seuls 60 000 examens du 9ème et du 24ème mois ont été enregistrés par mois en moyenne, contre 125 000 attendus au regard des effectifs des enfants de ces âges. En 2018, moins d’un enfant sur cinq a bénéficié d’un examen par un médecin scolaire au cours de sa sixième année.

Les deux réseaux d’acteurs historiques de la santé des enfants (PMI et santé scolaire) connaissent des difficultés importantes, régulièrement relevées. Ces difficultés s’inscrivent plus largement dans un mouvement de disparition progressive et d’éparpillement des compétences médicales et paramédicales spécialisées de l’enfant - en particulier en ville. La prise en charge des soins pour les enfants repose désormais majoritairement sur les médecins généralistes : en 2019, les pédiatres n’assuraient que 33 % des consultations des enfants de moins de 12 ans, concentrant leur activité sur les enfants de moins de deux ans habitant dans de grands pôles urbains et issus de milieux sociaux favorisés.   "Double difficulté" La prise en charge des enfants par les médecins généralistes "soulève une double difficulté", souligne la Cour des comptes, d’une part, celle de la formation des médecins généralistes et d’autre part celle de leurs effectifs. En effet, selon les projections actualisées de la Drees, le nombre de médecins généralistes va continuer à diminuer plus longtemps que les autres médecins jusqu’en 2026, et ensuite augmenter plus faiblement, alors que les besoins en soins vont augmenter compte tenu de la croissance de la population et de son vieillissement". Les Sages préconisent de renforcer et d'accélérer la diffusion du dispositif "médecin traitant de l'enfant". Instauré par la loi de modernisation de notre système de santé en 2016, ce dispositif connaît une montée en charge régulière, mais qui ne concerne que 50 % de des enfants de moins de 16 ans. Son rôle en matière de prévention tant à travers la réalisation des examens obligatoires et de la vaccination que par la délivrance de conseils et de messages de prévention, et de suivi au long cours de la santé et du développement des enfants est pourtant central et appelé à se renforcer, estime la Cour qui propose de le conforter dans sa mission d’organisation du parcours de santé des enfants en encourageant l’exercice coordonnée et pluriprofessionnel et la délégation d’actes à des auxiliaires médicaux.   Une Rosp perfectible Depuis 2017, le nombre de médecins traitants de l’enfant a augmenté de près de 31 %, passant de 44 250 à 57 846 médecins déclarés en décembre 2020, et celui d’enfants de moins de 16 ans ayant un médecin traitant a presque triplé pour atteindre plus de 6,1 millions (sur un total de 12,2 M d’enfants de moins de 16 ans). Les médecins traitants déclarés sont très majoritairement des médecins généralistes puisqu’ils représentent 92,5 % des médecins traitants (4,2 % pour les pédiatres) et assurent le suivi de plus de 87 % des enfants ayant déclaré un médecin traitant (11,6 % pour les pédiatres). L’importance d’une campagne d’information à destination des parents et des médecins pour accompagner la montée en puissance de ce dispositif s'avère nécessaire estime les Sages. La Cour estime également que les indicateurs Rosp pour le médecin de l'enfant sont perfectibles pour suivre la réalité des prises en charge et des actions de prévention. "Trois indicateurs sont purement déclaratifs alors qu’ils concernent des dépistages importants : celui de l’obésité par un suivi des courbes d’IMC (en renseignant une fois par an la courbe dans le carnet de santé), et ceux des troubles sensoriels et de l’apprentissage avant l’entrée en école". "À terme, il pourrait être intéressant de rendre ce dispositif obligatoire comme pour les adultes afin d’inciter non seulement les parents mais aussi les médecins, quelle que soit leur spécialité. À défaut de rendre obligatoire la désignation d’un médecin traitant sous peine de moindre remboursement par l’assurance maladie obligatoire, certains dispositifs conventionnels ou de revalorisation tarifaire pourraient être conditionnés à la désignation comme médecin traitant du patient, en particulier pour la tarification des examens obligatoires en consultation complexe. Une telle évolution ne serait pas incompatible avec le maintien d’un accès direct aux pédiatres libéraux, comme pour les ophtalmologistes ou les gynécologues", préconise le rapport. "Maison de santé de l'enfant" La Cour propose également d’encourager l’identification d’un lieu unique, sorte de "maison de santé de l’enfant", offrant un cadre d’exercice souple aux différents professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de la santé des enfants, de 0 à 11 ans, afin de généraliser le travail coordonné pluriprofessionnel et d’en faire la référence en matière de santé de l’enfant.

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