A quelques mois de l’élection présidentielle, qui se déroulera au printemps 2022, Egora consacre un dossier aux solutions des professionnels de santé pour améliorer l’accès aux soins et remédier à court terme à la pénurie de temps médical. Outre les propositions des syndicats de médecins et les contributions de nos lecteurs, Egora a également donné la parole aux représentants des autres acteurs des soins de ville (pharmaciens, kinés, infirmières, sages-femmes) afin de recueillir leurs idées. Panorama. Pour les kinés, l’accès direct et l’élargissement de leurs compétences La première mesure souhaitée par l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes a récemment fait bondir les syndicats de médecins : il s’agit de permettre l’accès direct à ces professionnels sans prescription médicale. Un moyen, selon le CNOMK, de "faire des économies de temps médical, de réduire le volume de soins dispensés et donc remboursés, et de faire gagner du temps au patient dans son parcours de soins". "Dans de nombreux territoires, il est beaucoup plus difficile d’avoir accès à un médecin qu’à un professionnel paramédical et de nombreux patients ne peuvent accéder aux soins de kinésithérapie du fait de l’absence de médecins et donc de prescripteurs. Cette absence conduit à des retards voire des défauts de prise en charge préjudiciables à leur santé", constate l’instance. Le CNOMK pointe en effet les dangers sur la qualité de prise en charge des patients, qui se tourneraient vers d’autres professionnels moins bien formés. Il déplore une "rupture d’égalité entre les Français en matière de santé publique qui ont souvent recours à des professionnels facilement accessibles comme naturopathes ou ostéopathes, alors que des professionnels de santé compétents et formés ne peuvent être accessibles directement". Les kinés, en l’occurrence. Afin de garantir la sécurité des patients, l’Ordre appelle à rapidement permettre l’accès direct sans prescription aux soins de kinésithérapie.
Des expérimentations dans ce sens ont été votées dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. Ainsi, dans 6 départements et pour une durée de trois ans, les patients pourront accéder directement aux kinés, sans prescription médicale. Une mesure qui, avant son adoption, avait provoqué l’indignation des syndicats de médecins, sans toutefois convaincre la majorité parlementaire, qui a bel et bien accordé fin novembre son feu vert à l’expérimentation, telle que soutenue par le CNOMK. Néanmoins, des garde-fous ont été ajoutés dans le texte par le Sénat : l’expérimentation devra recevoir l’avis de l’Académie de médecine et de la Haute Autorité de santé (HAS). Ces avis devront être reçus par le Gouvernement dans un délai de trois mois, à compter de la notification du projet de décret. Sans quoi, "ils seront réputés comme rendus", a précisé le rapporteur de la commission des Affaires sociales, Thomas Mesnier, urgentiste de formation. L’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes plaide également pour...
une extension du droit de prescription du kiné, notamment concernant les anti-inflammatoires, les antalgiques, l’imagerie, les bons de transport, mais aussi les arrêts de travail. Depuis la publication de deux arrêtés en mars 2020, les kinés qui travaillent dans une structure coordonnée (MSP, CDS) peuvent déjà délivrer des AT de moins de 5 jours en cas de douleur lombaire aigüe chez l’adulte (de moins de 4 semaines) et de torsion de cheville. Dans le cadre de ces protocoles, les patients peuvent d’ailleurs accéder directement aux soins de kinésithérapie. Ils peuvent également se voir prescrire "une rééducation en kinésithérapie, et dans le cas de la torsion de cheville par exemple, du paracétamol, une contention, une attelle amovible, des cannes anglaises, ainsi qu’en présence d’un ou plusieurs critères d’Ottawa, une radiographie", précise le CNOMK. Pour les pharmaciens, les soins non programmés et le dépistage Si les kinés plaident pour l’accès direct systématisé, les pharmaciens, eux, souhaiteraient pouvoir répondre aux demandes régulières de soins non programmés, indique l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) à Egora, soulignant la répartition homogène des officines sur l’ensemble du territoire qui faciliterait cette réponse. Pour quelles demandes le pharmacien pourrait intervenir ? En cas d’infections urinaires pour les femmes ou de douleurs dentaires, illustre par exemple l’USPO.
Cette possibilité pour les pharmaciens ne devrait par ailleurs pas être "uniquement conditionnée à l’appartenance de la pharmacie à une structure de soins coordonnées", comme les CPTS, plaide le syndicat. "L’accès aux soins non programmés bénéficieraient ainsi uniquement aux patients résidant dans des territoires déjà dotés en médecin." Or, pour l’USPO, les SNP doivent s’envisager sur l’ensemble du territoire français et être ouverts à tous ceux qui formulent une demande. Autre proposition formulée par l’USPO à quelques mois de l’élection présidentielle : élargir les compétences des pharmaciens en termes de prévention et de dépistage, alors que l’épidémie de Covid-19 a montré "l’importance de la pharmacie d’officine dans la stratégie de vaccination et de dépistage". En ville, selon les chiffres du ministère de la Santé, les pharmaciens vaccinent à hauteur de 59% contre le Covid-19. "Il semble essentiel de s’appuyer sur ces évolutions majeures et d’autoriser les pharmacies à vacciner la population dès 12 ans dans le respect du calendrier vaccinal", fait ainsi valoir l’USPO. Les pharmaciens ont d’ores et déjà vu leurs compétences vaccinales élargies en matière de grippe saisonnière début novembre, d’après un décret. En effet, ces derniers peuvent désormais vacciner les personnes majeures non ciblées par les recommandations vaccinales en vigueur, à l’exception de celles "présentant des antécédents de réaction allergique sévère à l’ovalbumine ou à une vaccination antérieure". Enfin, afin d’orienter rapidement une personne vers un médecin et faciliter le parcours de soins, l’USPO milite pour obtenir l’autorisation de réaliser les Trod reconnus par la HAS. Pour les infirmières, l’adaptation de la posologie et la valorisation de leur consultation Donner plus de poids à leur profession : c’est aussi ce que souhaitent les infirmières à l’heure du débat démocratique. L’Ordre des infirmiers appelle en effet à revoir les textes qui encadrent la pratique infirmière…
Textes qui "n’ont pas évolué depuis plus de 15 ans". Alors que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, il y a urgence. "Chaque jour, des professionnels de santé sont contraints d'exercer dans l'illégalité pour faire tenir le système", alerte-t-il. En effet, des infirmières – notamment libérales - sont parfois contraintes d’effectuer des actes sans prescription médicale, parce qu’elles se trouvent au domicile du patient et que l’ordonnance n’est pas complète par exemple. Afin d’éviter ces irrégularités et une perte de temps pour le patient, comme pour le médecin, l’Ordre des infirmiers appelle à renforcer l’accès direct aux infirmières. Mais aussi à permettre à ces professionnelles de prescrire ou adapter la posologie de certains traitements (antalgiques, pansements médicamenteux, etc.) ou examens complémentaires, en particulier pour les malades chroniques. Tout comme les pharmaciens, les infirmières souhaitent jouer un rôle dans la réponse aux demandes des soins non programmés. Dans ce cadre, développer la consultation infirmière "serait un atout permettant de préserver le temps médical aux cas complexes", selon l’Ordre. Enfin, il souhaiterait offrir la possibilité aux infirmières de déclencher elles-mêmes des actes relatifs à l’éducation thérapeutique et à la prévention en santé. Un gain de temps pour les médecins et une possibilité de rendre le patient plus autonome.
Pour les sages-femmes, la coordination avec les généralistes et les gynécos Du côté des sages-femmes, l’accent est mis sur la mise en place de projets de santé dans les territoires, avec deux volets importants : celui de l’obstétrique et celui de la santé génésique. Concernant le premier volet, l’Ordre des sages-femmes estime que ces projets pourraient permettre de "définir les schémas d’accès aux soins, de prévention, les prises en charge pré et post-partum, la permanence des soins périnataux et les mécanismes de prise en charge des urgences". Sur le plan de la santé génésique, ils permettraient "d’organiser des parcours pour améliorer l’offre de soin de premier recours" et de "faciliter l’exercice coordonné entre médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes pour répondre aux besoins des femmes". Si les sages-femmes hospitalières ont obtenu des avancées de la part du ministère de la Santé fin novembre, des freins à l’exercice de la profession – y compris en libéral – doivent toujours être levés, prévient l’Ordre. A ce jour, déplore-t-il, "la liste des médicaments qu’elles peuvent prescrire est inadaptée et leurs compétences sont mal connues des autres professionnels de santé et du grand public". Conséquence : les sages-femmes assistent, impuissantes, à des "retards dans la prise en charge, des ruptures dans les parcours de soins et une perte de chance pour les femmes". Ainsi, il est indispensable, selon l’Ordre, de "supprimer la liste des médicaments" qu’elles peuvent prescrire, mais aussi de les autoriser à "prescrire des bilans au père de l’enfant à naître". Pour balayer les méconnaissances au sujet de leurs compétences et prérogatives, il suggère de "citer systématiquement la profession dans les campagnes d’information".
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