Biosimilaires : "Il faut que les médecins spécialistes libéraux soient intéressés à la prescription"
Egora.fr : Comment expliquer le faible taux de prescription de biosimilaires par les médecins libéraux ?
Didier Laloye : L'utilisation des biosimilaires en France augmente, mais elle reste inférieure à celles des pays voisins. Si l'on prend les médicaments qui sont prescrits par des spécialistes hospitaliers et qui sont délivrés en ville, on peut rattraper ce retard. Rappelons qu'un objectif de 80% de prescription de biosimilaire a été fixé dans le cadre de la stratégie nationale de santé. La Cour des comptes estime que l'on pourrait réaliser plus de 600 millions d'euros d'économies si on prescrivait davantage les biosimilaires. Nous faisons des propositions en ce sens. Une expérimentation article 51 est menée actuellement sur trois molécules (étarnercept, adalimumab et insuline glargine) mais elle ne concerne que quelques établissements de soin. Les résultats montrent que les établissements dans lesquels une partie des économies générées sont reversées utilisent plus les biosimilaires que les autres. Notre première recommandation est donc de dire que puisque cette expérimentation marche, il faut l'élargir à l'ensemble des établissements, qu'ils puissent tous bénéficier d'un retour d'économies. C'est un levier important. Il faut également que les médecins spécialistes libéraux soient incités, intéressés à l'utilisation des biosimilaires, sur le même modèle que l'expérimentation article 51. C'est ce que propose la Cnam [dans le cadre des négociations conventionnelles, NDLR]. Cela ne concerne que quelques molécules, mais pour lesquelles plus de la moitié des prescriptions sont faites par les médecins spécialistes libéraux. Ce serait un levier supplémentaire. Enfin, il n'y a pas de raison de limiter les incitations à certains biosimilaires. Les étendre à toutes les molécules est notre troisième proposition. Où en sont ces négociations conventionnelles entre la Cnam et les médecins libéraux ?
Une proposition a été faite suite à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020. Mais le Covid a bousculé l'agenda des priorités, puis il y a eu la suspension des négociations conventionnelles en décembre dernier. Les discussions devraient redémarrer prochainement et -on l'espère- aboutir pour mettre en place ces incitations dès septembre. Il était question d'une incitation allant jusqu'à 7000 euros par an. Ce mécanisme de reversement d'économies est utilisé dans d'autres pays avec succès et il a montré son efficacité dans l'expérimentation article 51 pour l'etarnecept et l'adalimumab. Cela concernerait donc davantage les spécialistes que les généralistes... Oui car les molécules traitent des pathologies essentiellement prises en charge par des spécialistes, parfois même avec un traitement initié à l'hôpital. Il existe aussi des biosimilaires à prescription large comme l'héparine et l'insuline mais la majorité des médicaments sont à prescription restreinte : ils sont soit sur prescription initiale hospitalière, soit sur ordonnances d'exception, soit limités à certaines spécialités. L'item de la Rosp des médecins traitants adulte concernant l'insuline glargine est valorisé à hauteur de 210 euros. C'est très peu...
Ca rejoint votre première question sur les freins... La Rosp biosimilaire sur une seule molécule, sur 10 boites, ça représente...
un intéressement très très faible. A l'étranger, notamment en Allemagne ou en Irlande, le système d'incitation très actif. Il faut que les retours d'économies soient significatifs pour être efficaces. D'ailleurs la Cnam ne propose pas d'intégrer l'intéressement dans la Rosp, mais elle propose un système d'incitation direct et spécifique pour les biosimilaires, en complément de la Rosp. On voit bien qu'il y a une volonté de rattraper le retard sur nos voisins européens. Il me semble que les syndicats de médecins sont prêts à y aller. En tout cas, c'est le cas des médecins avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger. Pourquoi ? Parce que la prescription de médicaments biosimilaires prend du temps : expliquer au patient, l'accompagner... Pour nous, le développement des biosimilaires passe par cet accord entre le médecin et le patient, c'est ça qu'il faut favoriser. D'ailleurs, si l'expérimentation fonctionne dans les hôpitaux, c'est parce que ça permet aux services d'avoir du matériel, du temps infirmier pour faire de l'éducation... Des moyens supplémentaires pour mieux accompagner leurs patients. Vous ne plaidez pas pour la substitution en officine, comme pour les médicaments génériques. Pourquoi ?
Médicaments biologiques et chimiques sont différents : ce ne sont pas les mêmes types de produit, pas les mêmes types de pathologie. Je pense que si l'on veut développer les médicaments biosimilaires, il faut utiliser une autre politique que celle des génériques. Aucun pays n'a choisi la voie de la substitution. Nous sommes évidemment favorables à ce que le pharmacien ait un rôle. On peut poser la question d'un intéressement pour un accompagnement qui favorise l'adhésion au traitement et la confiance.
Quinze substances actives sont actuellement autorisées en France avec un total de 68 médicaments biosimilaires commercialisés à ce jour, pour les mêmes indications que les médicaments de référence. Les principaux spécialistes concernés par ces médicaments sont aujourd’hui les rhumatologues, les gastro-entérologues, les dermatologues, le diabétologues/endocrinologues, les gynécologues/obstétriciens, les oncologues, les hématologues et les néphrologues. "Les incitations pourront intéresser dès 2022 les ophtalmologues avec les biosimilaires du ranibizumab dans la DMLA", ajoute Didier Laloye. A l'hôpital, pour l'étanercept, la prescription de biosimilaires dépasse les 50% dans les établissements inclus dans l'expérimentation article 51, contre moins de 40% dans les autres établissements et moins de 20% en ville.
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