Pour prendre les devants et éviter de se retrouver devant le fait accompli d’un tiers-payant “généralisé” à la Marisol Touraine en lieu et place du tiers-payant “généralisable” d’Agnès Buzyn, sept syndicats de professionnels de santé libéraux(1) ont annoncé, mercredi 9 octobre, le lancement d’une offre permettant la dispense d’avance de frais pour tous les patients.
Baptisée “Paymed”, cette solution est un organisme concentrateur de transmission (OCT) indépendant, calqué sur le modèle Resopharma des pharmaciens et associé à la banque Crédit Agricole. Elle permet de vérifier les droits des assurés, d’avoir un flux unique de facturation et de garantir les paiements de la Sécu et des nombreuses mutuelles, assurances ou institutions de prévoyance. Les sept syndicats en sont actionnaires, avec le Crédit Agricole et Résopharma.
Il suffira donc de télécharger via cette plateforme la feuille de soins électronique, pour qu’elle soit transmise automatiquement à l’assurance maladie obligatoire et à l’assurance maladie complémentaire. En échange, Paymed promet de rembourser “sous six jours” les professionnels de santé utilisateurs.
“On est opposés au tiers payant et on continue à être opposés au tiers payant!"
“On voit que par petites touches, on est en train de nous imposer progressivement le tiers payant explique le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, l'un des deux syndicats de médecins partenaires de Paymed, avec le SML. Il fallait trouver une solution.”
Mais pas question pour autant de céder au tiers payant intégral, prévu pour être effectif "fin 2019" d'après le calendrier annoncé par Agnès Buzyn en avril 2018, et qui fait l'objet d'un comité de suivi. “On est opposés au tiers payant et on continue à être opposés au tiers payant ! On ne veut pas être directement payés par les caisses, en particulier les complémentaires.” Il défend donc une “solution efficace” de dispense d’avance de frais.
En ciblant ainsi les complémentaires, le syndicaliste pointe notamment du doigt les nombreux problèmes posés par l’actuelle plateforme Inter-AMC. “Le système Inter-AMC demande à chaque médecin de signer un contrat de 14 pages… C’est une dérive administrative. Et il ne garantit même pas le paiement après la consultation !”.
"Une sorte de crédit fait aux médecins"
Comme l’expliquent ses fondateurs, la plateforme Paymed a justement été conçue pour être rapide et lutter contre les consultations impayées. “Pour les remboursements, c’est Paymed en tant que structure qui va récupérer l’argent. Mais en attendant, elle me promet de rembourser sous 6 jours. C’est une sorte de crédit fait aux médecins. C’est surtout pratique pour les assurances complémentaires, qui sont souvent plus longues”, explique Dr Jean-Paul Ortiz.
En contrepartie de son utilisation, les professionnels libéraux devront donc s'acquitter d’un “abonnement” de 35 à 60 euros TTC en fonction du nombre de feuilles de soin. “Comme on a plus d’impayés, ça permet de s’y retrouver”, estime le Dr Ortiz.
Pour généraliser cet outil auprès de tous les libéraux de santé, les syndicats veulent négocier un “conventionnement national collectif” avec l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaires (Unocam).
Un appel au ministère
Or, aujourd’hui, Paymed est freinée dans son développement. D’abord, parce que la plateforme n’est toujours pas agréée. “Les assureurs complémentaires tardent à agréer Paymed comme OCT. Pourquoi ? Parce qu’ils voudraient qu’on passe tous par l’Inter-AMC!”, regrette Jean-Paul Ortiz, qui note au passage que la fréquentation de leur plateforme est très faible. “C’est 6 à 8 % chez les généralistes et 2,5 % chez les spécialistes… Ca ne marche pas du tout leur truc !”.
Ensuite parce que les éditeurs de logiciels tardent à adapter Paymed à leurs systèmes de paiement (voir encadré). “Certains l’ont fait, mais pas tous.” Le médecin en appelle donc au ministère. “Je pense que le ministère peut dire aux complémentaires qu’il y a un système qui se met en place et qu’il faut l’agréer”, conclut-il.
(1)Syndicats médecins (CSMF, SML), pharmaciens (FSPF), infirmiers (FNI), biologistes (SDB), kinés (FFMKR) et audioprothésistes (UNSAF).
7 Juillet 2017 : Agnès Buzyn se prononce en faveur du tiers payant généralisé, qui doit être effectif à partir de décembre 2017 d'après le calendrier de Marisol Touraine. La ministre annonce une mission de l’Igas sur la faisabilité de la mesure. Les syndicats opposés au tiers payant menacent alors d’une grève illimitée.
22 Octobre 2017 : Rétropédalage du Gouvernement sous un prétexte “technique” : le tiers payant "fonctionne" pour les patients remboursés à 100% par l'Assurance maladie mais "nous ne sommes pas prêts techniquement à l'étendre", déclare Agnès Buzyn. Le ministère parle alors de tiers payant “généralisable courant 2018”.
23 Octobre 2017 : L’Igas estime dans un rapport que l’objectif d’une généralisation à court terme du tiers payant à tous les patients est irréaliste compte tenu de “freins techniques” et d’une confiance “trop fragile” des professionnels de santé.
26 Octobre 2017 : Un amendement gouvernemental au PLFSS 2018 supprime l’obligation de généralisation du tiers payant au 30 novembre.
23 avril 2018 : Agnès Buzyn dévoile un nouveau calendrier sur la mise en place du tiers payant. Il devrait être généralisé “au plus tard fin 2019”. Un comité de suivi, composé d'une soixantaine de membres, est mis en place et se réunit une à deux fois par an.
"On a jamais pris la décision d'agréer Paymed, car on demande déjà beaucoup de charges administratives aux médecins et aux professionnels de santé, explique le PDG du groupe Cegedim, Jean-Claude Labrune. Notre travail est de faciliter la vie de nos clients, et sur ce sujet, il est important que cela ne génère pas de coût supplémentaire. Nous pensons également qu'il faut un système de classe, valable pour les assurances, les courtiers et toutes les personnes concernées par les complémentaires. On ne peut pas imposer un compte en banque spécifique qui ne soit pas partagé par les différentes personnes en charge du tiers payant."
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