72% d'ordonnances «non-substituable» : petite victoire d'un généraliste face à la Sécu
Les médicaments génériques ? Il est fondamentalement contre. D'ailleurs, il refuse d'en prescrire. A tel point qu'il a été épinglé par la Sécurité sociale pour prescription abusive de "non-substituable". Mais dans le procès qui dure depuis plus de quatre ans, le Dr Julien Blain vient de remporter une première victoire.
"La justice m'a donné raison contre la CPAM. Maintenant, je veux qu'on me laisse tranquille et qu'on m'oublie". Le 17 décembre dernier, le Tribunal des affaires de la Sécurité sociale a condamné la CPAM du Val-d'Oise dans une affaire qui l'opposait au Dr Julien Blain, généraliste et farouche opposant aux médicaments génériques. En réalité, la décision ne porte pas sur le fond de la question, mais sur la forme. Si le tribunal a condamné la CPAM c'est pour une erreur dans la procédure à l'encontre du médecin. "J'ai mis du temps, mais j'ai fini par comprendre que le procès ne se ferait pas sur le fond, explique le généraliste. Mais c'est déjà une victoire". 72% de non sustituable Depuis plus de quatre ans, la CPAM du Val-d'Oise est en conflit avec le médecin pour non-prescription de génériques. En 2015, la Sécu relève un taux abusivement élevé de prescriptions annotées "non-substituable". Sur 277 délivrances, la CPAM compte 72% de "non-substituable", alors que la moyenne nationale s'élève autour de 5%. Elle demande au médecin de justifier de nombreuses ordonnances dans un délai de 30 jours. "J'ai compris dès le premier jour que c'était du lourd", confie le Dr Blain. Mais moins d'une semaine après, il reçoit un autre courrier réclamant une pénalité de 400 euros. C'est notamment ce vice de procédure qui a permis au généraliste de gagner contre sa caisse la semaine dernière. Et le rendez-vous auquel il se rend à la CPAM pour s'expliquer n'arrange rien. "Je suis arrivé avec 4 kg de documentation officielle, publiée, sur les problèmes liés aux médicaments génériques. J'ai passé trois heures à expliquer ça aux deux médecins conseils en face de moi, qui m'ont écouté très poliment". Sauf qu'une fois les explications données, il ne reste au généraliste qu'une heure pour justifier 300 prescriptions. "Je n'ai eu le temps d'aborder qu'une trentaine de dossiers", se souvient Julien Blain. "J'ai proposé de rester jusqu'à minuit, ou de revenir le lendemain pour la suite… Ils n'ont pas voulu". Résultat : la pénalité est confirmée. "Le trou de la Sécu n'existe pas" "Il n'était pas question que je paye un centime. Ça aurait voulu dire que je reconnaissais une faute", explique le médecin. Depuis des années, le Dr Blain livre bataille contre les médicaments génériques. Outre "toutes les horreurs" qu'il dit avoir vu liées à la consommation de génériques, il fulmine contre les arguments prétendant que ces médicaments permettent de faire des économies. "Le trou de la Sécu n'existe pas. Il est fabriqué artificiellement", assène le médecin sur le ton du complotiste. Se disant bien informé, il ajoute que ce sont les "investisseurs boursiers de la planète entière" qui détiennent le trou de la Sécu, que l'Assurance maladie gagne de l'argent en empruntant pour financer sa dette, et qu'elle est d'ailleurs "aux ordres des laboratoires de génériques". "On nous dit : "Prenez des génériques, ça coûte moins cher". Depuis quand doit on réaliser des ordonnances en fonction du prix des médicaments ?", s'écrie le Dr Blain. C'est d'ailleurs sur la base de cet argument qu'il a tenté d'obtenir le soutien du Conseil de l'Ordre des médecins. "J'ai écrit une lettre au Dr Bouet, demandant qu'à titre confraternel et qu'au nom de la liberté de prescription, il m'adresse une lettre de soutien. Je n'ai pas eu de réponse". En insistant, le généraliste a fini par recevoir un courrier indiquant que l'Ordre des médecins ne s'occupait pas de ce genre de procès. "Bonjour la solidarité, ironise le Dr Julien Blain. Je m'en doutais, mais là c'est écrit noir sur blanc". Même absence de soutien chez ses confrères du département. "Il y a un mois, je suis allé à une réunion. Il y avait là une vingtaine de médecins du 95. J'ai découvert qu'ils étaient tous au courant de mon procès. Les faux-culs ! Pas un ne m'a passé un coup de fil. Ils me prennent pour un imbécile", s'agace le généraliste. A ce jour, la CPAM du Val-d'Oise dispose de deux mois pour faire appel de sa condamnation. "Ça me laisse le temps de respirer, commente le Dr Blain. Elle n'avait qu'à bien faire son boulot." Maintenant, le médecin espère qu'on le laissera prescrire en paix. "Je n'ai pas médiatisé mon affaire pour parler des génériques, souligne-t-il. J'ai médiatisé le scandale d'un procès contre un médecin qui a choisi de soigner sans génériques".
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