Travailler plus pour absorber les urgences : l'idée qui scandalise les généralistes

23/05/2018 Par Fanny Napolier
Demander aux généralistes de travailler plus pour absorber la demande grandissante de soins non programmés n'a pas particulièrement plu à ces derniers. Au lendemain de la remise du rapport du député Thomas Mesnier, les médecins font part de leur agacement et de leurs craintes.

  "Amis médecins généralistes, 'Je vous demande de ne pas vous arrêter'". Voilà comment l'un des lecteurs d'Egora, sous le pseudo de BozBoz, résumait le rapport sur les soins non programmés remis ce mardi par le député Thomas Mesnier. Commandé par Agnès Buzyn début janvier, le document présente 19 pistes pour améliorer la prise en charge des soins non programmés et désengorger les urgences, particulièrement aux heures d'ouverture des cabinets libéraux. Et la solution avancée par le député est : le médecin généraliste mais aussi les autres professionnels de santé. Partant du constat que 10 millions de visites aux urgences ne nécessitent "ni les compétences des urgentistes, ni le plateau technique des urgences", Thomas Mesnier estime que c'est aux libéraux d'absorber ces consultations. Thomas Mesnier propose notamment que les  pharmaciens, kinés, infirmières puissent gérer certaines demandes de soins non programmés, avec un compte rendu systématique au médecin traitant. "Une certaine partie des soins non programmés ne nécessite pas 10 ans de médecine, les autres professionnels demandent à prendre leur part, il faut ouvrir le partage de compétences", souligne le député.

En préambule, l'urgentiste de formation et élu En Marche aux dernières législatives rappelle que les généralistes prennent déjà en charge la majorité des demandes de soins non programmés et souligne l'importance de leur travail. "Ça fait du bien de rappeler que le généraliste est un pilier de la prise en charge des soins non programmés. Il aura fallu ce rapport pour l'entendre. Les pouvoirs publics ont tendance à oublier que la majorité des généralistes répondent déjà à ces demandes", souligne Jacques Battistoni, président du MG France. Pour le reste, les propositions du député ne trouvent pas vraiment grâce aux yeux des médecins libéraux "Les médecins régulateurs libéraux gèrent 80% des appels sur les horaires de la permanence des soins ambulatoires en lien avec les centres 15", rappellent la CSMF, la FMF, MG France et le SML dans un communiqué commun. Concernant le numéro unique santé proposé par le député, qui regrouperait le 15 et la PDS libérale en excluant le 17 et le 18, les médecins s'y opposent. "Il faut garder un numéro pour les urgences graves, le 15, et le 116 117 en parallèle pour la PDSa", explique Jacques Battistoni. "L’idée d’un numéro unique en santé risque d’aggraver les dysfonctionnements actuels dont on parle dans la presse : une masse d’appels encore plus importante rendra plus difficile l’identification et le traitement des urgences vitales", abonde la CSMF dans un communiqué. Une autre disposition préoccupe particulièrement le généraliste : celle qui propose aux médecins d'une organisation de soins non programmés d'être médecin traitant d'un patient. "Sur ce point, nous disons attention. Il ne faut pas organiser le contournement du médecin traitant", prévient le président de MG France. De manière générale les médecins s'inquiètent qu'on leur demande de prendre en charge plus de consultations dans un contexte démographique déjà compliqué. "On en a marre des gens qui décident pour nous et qui croient qu'on ne fait rien dans nos cabinets. La médecine et les médecins sont devenus des kleenex", déplorait ainsi sur Egora Docteur Soude. "S’apercevoir aujourd’hui de dysfonctionnements est paradoxal quand on sait que les ARS n’ont eu de cesse de supprimer des lignes de garde et de réduire les budgets alloués à la PDSA ces dix dernières années", relève aussi la CSMF. Pour que les médecins trouvent le temps de prendre en charge davantage de soins non programmés, le député propose plusieurs pistes. Et notamment de financer à hauteur de 72 millions d'euros par an un demi ETP par bassin de vie pour coordonner l'organisation des soins entre les professionnels d'un territoire et gérer les tâches administratives. A l'heure où Emmanuel Macron ressasse qu'il n'y a "pas d'argent magique", Thomas Mesnier est catégorique : "Il faut investir". Le député suggère aussi d'augmenter le poids de la rémunération des soins non programmés dans les financements existants via la ROSP ou l'ACI pour les structures collectives. "Attention à l'usine à gaz", réagit pour sa part l'UFML qui appelle à renforcer l'attractivité, la souplesse et la réactivité du système plutôt que d'ajouter des protocoles, de l'encadrement et des labels. "Il n'y a pas d'absence de structuration des soins non programmés, rappelle le Dr Jérôme Marty. Il y a une médecine libérale et en particulier générale qui a été sabotée par les plans sanitaires successifs et qui relève d'un vaste plan de ré attractivité." Plus consensuelle, la proposition d'un vaste plan d'éducation à la santé est saluée notamment par les étudiants en médecine. "Ravi de voir notre proposition d'augmenter l'éducation des citoyens au parcours de soins reprise" dans le rapport de Thomas Mesnier, a souligné Yanis Merad, président de l'Anemf (Assocation nationale des étudiants en médecine de France). Sur Egora aussi, plusieurs médecins saluent cette idée. "Il faut rééduquer les patientes à aller voir leur médecin généraliste en prenant rendez-vous dans les heures ouvrables (…) Il faut faire une campagne de sensibilisation auprès des patients en leur expliquant que les urgences c'est pas automatique et qu'il ne sert à rien d'y attendre 10 heures pour finalement de pas y être prise en charge pour des soins pouvant être effectués dans un cabinet de médecine générale, s'agace notamment Avicenne30. Il faut inciter les patients à consulter en maison médicale aux heures non ouvrables et en faire la publicité…" Les médecins libéraux demandent à être rapidement reçus par Agnès Buzyn pour faire part de leurs attentes à ce sujet. Leurs craintes et leurs critiques seront-elles entendues ? Verdict début juin, lors des annonces que doit faire Emmanuel Macron sur l'hôpital et le système de soins. Consulter le rapport Organiser les soins non programmés dans les territoires en intégralité

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