Varicelle : la vaccination antivaricelleuse n’est sans doute pas la priorité

26/04/2023 Par Brigitte Blond
Infectiologie
Très contagieuse, sans gravité pour la majorité des patients quand elle est contractée enfant, porte ouverte pour un zona à un âge plus avancé, la varicelle “mérite“-t-elle qu’on s’en protège par la vaccination ?

La varicelle, provoquée par un herpès virus (Varicelle Zoster Virus ou VZV), est une maladie comme l’était la rougeole ou les oreillons, une maladie “obligatoire“ : difficile d’y échapper!, la transmission du VZV se faisant par voie respiratoire ou contact direct avec les vésicules. Elle guérit spontanément dans un nombre considérable de cas et l’on peut effectivement discuter de l’intérêt de vacciner pour protéger d’une maladie bénigne à 98 %… Cela dit, comme elle touche bcp de monde (700 000 cas en France chaque année), qu’advient-il des 2 % restants qui présentent des complications. Selon Santé Publique France, la varicelle est à l’origine de 3 000 hospitalisations par an (75 % ont moins de 10 ans) et de 20 décès. Par comparaison, il n’y a pas eu en France 20 décès d’enfants liés directement à la Covid. Infection bénigne Les varicelles compliquées se voient notamment chez les enfants immunodéprimés (naturellement ou à la suite d’une pathologie, par exemple un syndrome néphrotique traité par corticothérapie). « Le vaccin est d’ailleurs alors le plus souvent impossible à administrer puisque le vaccin VZV est vivant atténué », prévient le Pr Robert Cohen, pédiatre et infectiologue au CHI de Créteil, président du Conseil National de Pédiatrie. Ces varicelles, le sommet de l’iceberg, ne doivent pas faire oublier le très grand nombre de varicelles qui occasionneront des consultations presque toujours : même si elles ne sont pas hospitalisées, les varicelles vues en ambulatoire peuvent être “impressionnantes“ et le diagnostic de surinfections loin d’être évident. Par ailleurs, à l’image de beaucoup de maladies infantiles “obligatoires“, inévitables donc, la varicelle est plus dangereuse après la puberté qu’avant. Aux surinfections cutanées à streptocoque A, potentiellement graves, et aux atteintes neurologiques, s’ajoutent à l’adolescence d’éventuelles atteintes pulmonaires. Les surinfections cutanées se produisent à la faveur de l’effraction cutanée vésiculaire : le virus le plus souvent associé aux infections graves à streptocoque A est ainsi celui de la varicelle. Enfin, s’il existe un traitement antiviral (l’aciclovir), son efficacité est modeste au stade de l’éruption cutanée… et nulle quand il est donné à l’éclosion des boutons. Politiques vaccinales diverses A noter, la varicelle est plus grave en cas de contamination intrafamiliale (où la charge virale est plus forte). Le deuxième facteur de risque pour une varicelle grave (en plus de l’immunodépression et des syndromes de Reye post-aspirine qui ne se voient heureusement plus aujourd’hui) est une fragilité de la peau : eczéma, coup de soleil ou lésion inflammatoire du siège. Face à ce problème de la varicelle, identique dans le Monde, les pays opposent des solutions différentes. La France notamment recommande la vaccination dans deux situations : les adolescents qui ne l’auraient pas faite et l’entourage des personnes immunodéprimées pour protéger ces derniers de la contagion. Autre possibilité, la vaccination à partir de l’âge de un an, avec deux doses à un mois d’intervalle, couplée avec celle dirigée contre le triplé ROR. Protection durable La crainte éventuelle des opposants à la vaccination est que, faute de couverture vaccinale suffisante (plus de 70 %), le virus circule moins et les enfants l’attrapent plus tardivement, la varicelle étant alors moins bénigne. « En fait, aucun pays n’a décrit ce phénomène », rassure le Pr Cohen. Le vaccin protège à 100 % des formes graves et à plus de 90 % des formes bénignes de la maladie. L’immense majorité est donc immunisée à vie, pratiquement comme avec la maladie naturelle (5 % des personnes faisant 2 varicelles dans leur vie). Les 2 doses vaccinales équivalent à une varicelle, conférant par conséquent une protection très proche de l’immunité naturelle. Par ailleurs, le vaccin anti-varicelle évite 60 à 70 % des zonas. L’idée qu’il y aurait davantage de zona chez les non-vaccinés en raison d’une moindre circulation du virus varicelleux si la couverture vaccinale était suffisante n’est pas confirmée. Priorités « Depuis plus de 35 ans que ce vaccin existe, alors que des millions d’enfants ont été vaccinés dans le Monde, nous sommes tout à fait rassurés sur son innocuité et son efficacité », insiste Robert Cohen. Là où les enfants sont vaccinés, tous les chiffres sont concordants sur la faible incidence de la varicelle ; a contrario, elle sévit aujourd’hui en France sur un mode endémo-épidémique, très bel exemple de dette immunitaire associée aux mesures anti-Covid. « L’épidémie actuelle est concomitante de la circulation plus intense de streptocoque A », prévient-il. Ce n’est pas le coût du vaccin (moins d’une quarantaine d’euros) ou de l’acte vaccinal (intégré à d’autres vaccinations) qui empêcherait la vaccination à plus large échelle, mais la difficulté à convaincre 80 % de la population pour bénéficier d’un effet de groupe. « Ce combat est-il maintenant vraiment utile au regard des multiples évolutions récentes et majeures du calendrier vaccinal ces deux dernières années, s’interroge-t-il : vaccin anti-coqueluche de la femme enceinte, vaccin anti-méningite B pour les nourrissons, vaccin contre le rotavirus, vaccin antigrippal de l’enfant et vaccin anti-méningocoques ACYW pour les adolescents on l’espère. Réussissons ces implémentations avant d’aller plus loin ».

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