Endométriose : où en sommes-nous dans la prise en charge ?

29/10/2022 Par Alexandra Verbecq
Gynécologie-Obstétrique
Recherche, filières de soins régionales, dépistage précoce, diagnostic rapide, amélioration des pratiques … la profession s’organise pour une meilleure prise en charge de l’endométriose.

    « Bien qu’une femme sur 10 soit concernée par l’endométriose, le retard au diagnostic reste d’environ sept ans. Lancée en 2022, la stratégie nationale endométriose comporte trois grands axes. Le premier concerne la recherche avec une vraie volonté que la France soit aux avant-postes dans ce domaine au niveau international. Le deuxième vise à diagnostiquer plus rapidement cette maladie et faciliter l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire avec une gradation des établissements. Le troisième est l’information de la population et la formation des professionnels de santé », rappelle le Pr Pierre Collinet, chirurgien gynécologue (Hôpital privé Le Bois, Clinique de la Victoire, Ramsay Santé, Lille), Secrétaire général pour la chirurgie du Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF), et co-président du congrès Infogyn. Ainsi, « le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR), doté de 20 millions d'euros sur cinq ans, prévoit la création de la plus grande base de données sur l’endométriose regroupant 6 cohortes nationales », complète le Pr François Golfier (CHU Lyon). Le comité de pilotage chargé de l’élaboration de la structuration de la recherche a déjà reçu un financement de 300 000 €. Développement des filières de soins En outre, « d’ici fin 2023, chaque région devrait avoir une filière de soins identifiée. Des régions sont déjà bien avancées, d’autres moins. L’idée est de créer un réseau endométriose avec un secrétariat et un coordinateur de projet qui va réguler l'information, organiser la structuration des soins, mettre en place des réunions de concertation multidisciplinaires », précise le Pr Collinet. Trois niveaux de soins sont définis en fonction de la compétence des établissements professionnels. Le niveau 1 concerne les soins primaires et donc les médecins généralistes, les sages-femmes, les gynécologues, les radiologues. Le niveau 2 regroupe les établissements de gynécologie obstétrique ayant des compétences en imagerie mais également en chirurgie gynécologique pour des interventions liées à l’endométriose considérée comme non complexe. Le niveau 3 serait constitué des centres de référence qui auraient la mission de prendre en charge des endométrioses complexes imposant une collaboration multidisciplinaire (médecin de la reproduction, chirurgien gynécologue, chirurgien digestif, chirurgien urologue). Pour le Pr Collinet : « Au niveau national et régional, il existe une véritable volonté d’élaborer ces filières, d’avoir un maillage territorial et une relation ville / hôpital plus organisés. La prise en charge ne doit plus être centralisée sur les établissements de chirurgie, ni sur les CHU mais élargie afin de réduire l’errance diagnostique et raccourcir le délai de prise de rendez-vous. D’autre part, le dépistage doit être plus précoce, en particulier lors de la consultation obligatoire adolescence. La reconnaissance en invalidité (un ajout aux 30 ALD existantes) des patientes présentant un dossier d'endométriose en situation de pathologies chroniques a également été proposée ». Une maladie encore mal connue La physiopathologie de cette maladie reste encore mystérieuse. « Complexe et hétérogène, elle fait probablement intervenir de nombreux mécanismes : hormonaux certes mais probablement aussi environnementaux. La pollution a peut-être un rôle. La génétique également. Même si la première théorie expliquée est celle du reflux, des facteurs bactériologiques peuvent aussi participer au développement de cette maladie », poursuit le Pr Collinet. Pour le Dr Chadi Yazbeck (Institut médical Reprogynes, Paris) : « Il est probable que le microbiote, dans un état de dysbiose, puisse contribuer à l’activation immunitaire qui renforce et prolonge l’inflammation péritonéale et éventuellement la progression de l’endométriose ». De nouveaux atouts pour le diagnostic Le premier élément du diagnostic est un interrogatoire précis et objectif identifiant les 5D : dysménorrhées, dyspareunies, dyschésie, dysurie, douleurs pelviennes chroniques. Des applications numériques dotées d’intelligence artificielle permettent, à l’aide d’un questionnaire, de calculer un score de risque d’endométriose. En France, à ce jour, aucun test de diagnostic (urinaire, biologique ou salivaire) n’est encore disponible en pratique courante. Mais à moyen terme, sa perspective par voie salivaire ou sanguine se précise. Actuellement évalués, ces tests prometteurs seront vraisemblablement accessibles sur prescription. Lorsque l'interrogatoire suspecte une endométriose, l’examen clinique permet de préciser le diagnostic. Ensuite, l’échographie est l’examen de première intention. « Le principal réflexe est de réaliser un test thérapeutique consistant à donner une pilule en continu bloquant les règles pendant trois mois. Si les douleurs de la patiente sont soulagées, cela signe à l’évidence la maladie », précise le Pr Collinet. Si une endométriose plus complexe est suspectée, l’IRM est l’examen de deuxième intention. Une fois que le diagnostic principal est posé, des traitements hormonaux, pour la plupart contraceptifs, soulagent les symptômes. À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif. « Le deuxième volet concerne la prise en charge des patientes ayant une symptomatologie douloureuse importante non soulagée par les traitements. Dans certaines situations, la question de la chirurgie se pose alors avec des indications précises. Une endométriose peut aussi impacter la fertilité. Des interventions pour retirer les foyers d’endométriose et respectant l'appareil génital en particulier les trompes peuvent être envisagées », conclut le Pr Collinet.

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