Rectocolite hémorragique : de nouvelles recommandations du Getaid

19/04/2022 Par Brigitte Blond
Hépato-gastro-entérologie
L’immunité est la cible principale des traitements aujourd’hui.

  De la définition, à la surveillance, en passant par le dépistage de la dysplasie, et les traitements d’induction et d’entretien, la rectocolite hémorragique (RCH) vient de faire l’objet de nouvelles recommandations de la Société Nationale Française de Gastro-Entérologie / Groupe d’Étude Thérapeutique des Affections Inflammatoires du Tube digestif (SNFGE/GETAID), plus adaptées à la France que celles de l’European Crohn and Colitis Organisation (Ecco) de 2008 qui prévalaient jusqu’ici, avec le modèle méthodologique de la  Haute Autorité de Santé (HAS). Comment et d’abord pourquoi expliquer la physiopathologie de la rectocolite hémorragique (RCH) ? « Il semble que les patients souhaitent des informations, assez générales au moment du diagnostic, en lien avec le traitement au moment des poussées et de physiopathologie plus précisément en périodes de rémission », a rapporté le Dr Stéphane Nancey (Lyon), lors des Journées Francophones d’Hépato-Gastroentérologie et Oncologie Digestive (JFHOD, 17 au 20 mars 2022, Paris). Ces patients impliqués, jeunes et porteurs d’une maladie chronique, sont alors plus compliants aux traitements, au suivi, plus en mesure de prévenir les complications évitables.   Exposome dominant Les causes de la RCH sont inconnues. La physiopathologie, complexe et multifactorielle, associe une réponse immunitaire inadéquate (aux microbes venus de l’intestin devenu “poreux“) et des altérations de la barrière intestinale (perméabilité augmentée, expression anormale des protéines de jonction et du mucus). Moins d’un tiers des patients ont une histoire familiale de RCH et la part de l’environnement (mode de vie urbain, polluants, climat, tabagisme, activité physique, microbiote intestinal, épigénétique), et de l’exposome, est à l’évidence bien plus lourde que celle de la génétique dans le déterminisme de la maladie. Cette contribution limitée fait qu’une recherche de gènes de susceptibilité est inutile à toutes les étapes, diagnostic, réponse au traitement ou évolution. Les interactions du microbiote et de l’immunité initient le processus inflammatoire et lésionnel, l’amplifient et le chronicisent : les cytokines pro-inflammatoires produites seront la cible des anti-TNF, IL-12 ou 23, etc.   Diagnostic topographique « La classification topographique de Montréal, qui détermine le mode de surveillance, a été retenue : E1 pour une rectite si l’atteinte ne dépasse pas la charnière ; E2 pour une colite gauche (qui ne s’étend pas au-delà de l’angle colique gauche) ; et E3 pour une pancolite (au-delà de l’angle gauche) » signale le Dr Stéphanie Viennot (Caen). Une iléocoloscopie totale est indispensable au diagnostic, assortie d’au moins 2 biopsies par site (zone saine et pathologique). La RCH est caractérisée par une atteinte continue, ascendante débutant dans le bas rectum, sans intervalle de muqueuse saine, mesurée sur l’aspect de la trame vasculaire, la présence de saignements, d’érosions et d’ulcères. Une réévaluation endoscopique est nécessaire pour juger de la cicatrisation, mais aussi objectiver une rechute, une corticodépendance ou résistance et bilanter avant une éventuelle colectomie. L’activité de la RCH, légère, modérée ou sévère, est mesurée sur le nombre journalier de selles sanglantes, le pouls (moins ou plus de 90/mn), la température, l’hémoglobinémie, la protéine C-réactive (la CRP, un marqueur de sévérité uniquement, qui est normal pour 70 % des patients RCH) ; le cut off de la sévérité étant placé au nombre de selles sanglantes (plus ou moins 6/jour) et 30 mg/L pour la CRP. La rémission clinique est définie par 3 selles ou moins par jour, une absence de saignement rectal et d’incontinence anale (ou urgence défécatoire). La disparition de toute inflammation macroscopique signant la cicatrisation muqueuse. Au diagnostic, les symptômes doivent être évocateurs (dont les urgences défécatoires), évoluant depuis plus de 6 semaines, et les diagnostics différentiels écartés (voyages, rectite liée à une IST, etc.). A cette étape, la biologie permet d’évaluer l’activité et la sévérité de la RCH (NFS plaquettes, CRP, calprotectine fécale, bilan hépatique, etc.) ainsi que la microbiologie, qui est à demander à l’occasion du diagnostic et d’une poussée (coproculture, recherche de Clostridium difficile, d’une réactivation CMV). « A noter, ajoute le Dr Viennot, que la calprotectine fécale, qui évalue l’inflammation intestinale, est une alternative non invasive à l’endoscopie ».   Salicylés en première intention « Quant à la surveillance endoscopique (qui n’est pas utile à chaque poussée) d’une possible dysplasie, elle doit s’exercer pour plus d’efficacité après 6-8 ans d’évolution, et d’emblée en cas de cholangite sclérosante primitive, souligne le Dr Aurélien Amiot (Gastro Cité, CHU Bicêtre, Créteil), associée à des biopsies ciblées et aléatoires, et à une évaluation de la résécabilité en cas de lésions ». La fréquence du dépistage est annuelle selon les facteurs de risque, tous les 1 à 3 ans en cas de cumul de facteurs de risque modéré. Enfin, une chémoprévention/chimioprophylaxie par les salicylés (5-ASA) permet de réduire l’incidence du cancer colorectal chez les patients RCH ayant des facteurs de risque (pancolite et maladie ancienne). « Pour 40 % des patients, la maladie reste calme tout au long de leur vie avec un traitement classique (corticoïdes et salicylés) », observe le Pr David Laharie (CHU de Bordeaux). Le traitement d’induction de la rectite (E1 ; grade A) repose sur les suppositoires de 5-ASA (1 g/jour) ; les 5-ASA locaux sont plus efficaces que les corticostéroïdes topiques et l’association 5-ASA oraux et topiques plus efficace que les topiques seuls. En cas de rectite réfractaire (grade C), on peut proposer une corticothérapie systémique, un immunosuppresseur et/ou une biothérapie. Sur des poussées légères à modérées de colite (E2), on utilise les 5-ASA en combinaison, lavement (1 g/j) et per os (4 g/j) ; cette combinaison étant plus efficace que le lavement ou le traitement oral seul. Les 5-ASA topique sont aussi supérieurs aux corticoïdes topiques. Sur une poussée légère à modérée de pancolite (E3), là encore, c’est l’association 5-ASA en lavement (1 g/j) et per os (4 g/j) qui prévaut, avec des corticoïdes systémiques en cas d’échec ou d’intolérance aux 5-ASA ; les corticoïdes systémiques étant indiqués dans les poussées sévères de pancolite.   Traitement d’entretien « Une colite aiguë grave oblige à une hospitalisation pour une corticothérapie intraveineuse (0,8 mg/kg/j) sans délai, indique le Pr Laharie, associée à une hydratation, une anticoagulation systématique et un bilan préalable à une éventuelle 2nde ligne de traitement… ». Le traitement d’entretien d’une colite corticosensible (fréquence des selles et CRP, ce qui est le cas 3 fois sur 5) repose sur les 5-ASA (niveau de preuve faible) pour les patients naïfs ou sinon, les thiopurines ou une biothérapie. En cas d’échec (dès J3), le traitement médical de 2è ligne en alternative à la colectomie peut être l’infliximab ou la ciclosporine (grade A), voire une colectomie de sauvetage pour les plus fragiles où la chirurgie s’avère une option plus raisonnable. Quand la RCH est corticodépendante, on peut envisager pour les patients naïfs d’immunosuppresseur (IS) la thiopurine ou les anti-TNF. En cas d’échec, il faut en analyser les raisons avant de proposer un autre IS. Sachant que la combothérapie est plus efficace qu’une monothérapie. En cas de corticorésistance (2 semaines à pleine dose sans effet), l’association infliximab+thipurine est indiquée. « La rémission ne peut être maintenue en l’absence de traitement d’entretien (risque multiplié par 5 dans les 2 ans) et ce, pour tous les patients, sauf peut-être certaines formes de rectite. Le choix du traitement de fond prend en compte notamment l’extension de la RCH, la fréquence et l’intensité des poussées, le profil de sécurité des molécules et la prévention du carcinome colorectal ; l’objectif étant ici une cicatrisation durable (grade B) sans corticoïdes », relève le Dr Guillaume Bouguen (Service des maladies de l’appareil digestif au CHU de Rennes). En 1ère intention, on utilisera les 5-ASA oraux (2 g/j) pour les colites gauches et pancolites, et les topiques (3 g/semaine) pour les E1. Ce traitement sera maintenu au long cours, à vie pour les 5-ASA, et sur une durée prolongée pour les biothérapies.

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