Ostéoporose: le déficit de prise en charge persiste

19/01/2022 Par Brigitte Blond
Rhumatologie

La prévention primaire et secondaire de l’ostéoporose est largement perfectible. Au-delà des conseils d’hygiène de vie, universels, les médicaments peuvent être indiqués pour un certain temps, les patients étant dûment informés des effets attendus, y compris indésirables. Ce thème a été développé lors du 34ème Congrès français de rhumatologie, qui a eu lieu du 12 au 14 décembre à Paris. Le Pr Bernard Cortet*, rhumatologue au CHU de Lille, fait le point.     Egora-le Panorama du médecin: L’ostéoporose souffre-t-elle réellement d’un déficit de prise en charge ? Pr Bernard Cortet : Après une fracture nécessitant une hospitalisation, 15 % des patients reçoivent un traitement anti-ostéoporotique (initié dans l’année), davantage (20 %) quand il s’agit de fractures vertébrales, 15 % pour une fracture de poignet, 14 % pour le bassin et 10 % pour un col du fémur. Or toutes les fractures de poignet ne sont pas de fragilité et à l’inverse celles du col fémoral le sont toutes… Vertèbres, col, fémur et bassin sont des fractures sévères par nature; et étant donné l’âge moyen de survenue de ces fractures, les patients concernés, dès que le T-score est <-1 sur l’un des sites, devraient être tous traités… J’ai participé par ailleurs à une étude sur la façon dont les médecins généralistes appréhendent le résultat d’une densité minérale osseuse (DMO) de patients ayant reçu des biphosphonates pendant 2 ans et jusqu’à 5 ans. Qu’en font-ils ? Proposent-ils de poursuivre le même traitement ou le suspendent-ils avant les 5 ans conseillés (pour qu’il ait un effet significatif sur les variations de DMO et le risque fracturaire). Ou le modifient-ils si les résultats escomptés sont insuffisants ? Leur avis et sa logique étaient confrontés à ceux de deux experts rhumatologues. La relative bonne nouvelle est que les médecins généralistes font ce qu’il faut dans 60 % des cas, mais le traitement est initié à bon escient dans seulement 40 % des cas : les femmes qui étaient traitées ne devaient donc pas l'être dans 60 % des cas. En revanche, lorsque le traitement était initié à bon escient, le médecin traitant avait à la seconde DMO la bonne attitude là encore et ce, dans 70 % des cas. Un autre travail français, Evelia, a évalué les circonstances de diagnostic et la prise en charge des patientes avec fracture vertébrale ostéoporotique par les médecins rhumatologues et généralistes. Le diagnostic de fracture était établi lors d’une consultation à l’initiative de la patiente dans 40 % des cas, en raison de douleurs rachidiennes essentiellement. 44 % des femmes vues par le rhumatologue avaient au moins deux fractures, versus 26 % en médecine générale. Une mesure de la DMO était faite dans 64 et 34 % des cas respectivement. De plus, un traitement spécifique de l'ostéoporose a été mis en œuvre par 95 % des rhumatologues et 75 % des généralistes, principalement des bisphosphonates (per os plus fréquemment en médecine générale). Enfin, en cas de fractures multiples, le tériparatide était prescrit dans 60 % des cas pour les rhumatologues, contre 0 % en médecine générale.

  Que sait-on des effets indésirables des biphosphonates ? Les résultats d’un travail réalisé à partir de la base de données de la pharmacovigilance donnent quelques indications. Ainsi, sur 2250 cas rapportés d’événements indésirables survenus au décours d’un traitement par l’acide zolédronique prescrit pour le traitement de métastases osseuses ou d'une ostéoporose, 50 % d’entre eux sont des ostéonécroses de mâchoire dans le premier cas de figure alors qu’elles ne surviennent que dans 6 % des cas de prescription de ce biphosphonate quand il est pris pour une ostéoporose. Par ailleurs, le ratio ostéonécrose de mâchoire/autres évènements indésirables est plus important pour l’alendronate ou le risédronate versus l’acide zolédronique. Si l’on se fie à la pharmacovigilance, l’incidence des ostéonécroses est très faible, un peu plus élevée pour l’acide zolédronique versus l’alendronate ou le risédronate. Elle est manifestement sous-estimée et l’on admet de manière caricaturale qu’en vraie vie, l’incidence serait multipliée par 10. Nous disposons de facteurs prédictifs de cet événement ou de son aggravation : le fait de prendre de la cortisone, de fumer, la durée du traitement par biphosphonates, d’avoir une PR simultanément (ce qui est rare). Ce risque augmenté avec la durée du traitement doit faire discuter, lors de chaque réévaluation, le rapport bénéfice/risque d'un traitement par biphosphonates.   Y-at’il de nouvelles données d’efficacité ? Une étude en vie réelle (P. Bosco-Lévy et al, Bordeaux), basée sur les données de l’Assurance maladie (SNDS), a évalué l’efficacité, chez des femmes ménopausées, des différents traitements antiostéoporotiques sans toutefois les comparer. Le tériparatide, les biphosphonates oraux et l’acide zolédronique protègent à l’évidence d’une fracture vertébrale, éminemment ostéoporotique. Pour les fractures de hanche et autres fractures non vertébrales (côtes, poignet ou bassin), seul le dénosumab aurait un effet significatif (avec une réduction du risque de 20 %, versus, pour information, 70 % dans les essais cliniques pour les fractures vertébrales), l’acide zolédronique et le tériparatide étant neutres. Paradoxalement, le risque serait augmenté avec les biphosphonates oraux (alendronate et risédronate). Certes, même dans les études qui ont conduit à la mise à disposition des médicaments, les effets sur la réduction du risque de fractures non vertébrales sont plus modestes (versus les fractures vertébrales), mais peut-être ici les patients les plus sévères n’étaient pas naïfs de traitement : l’efficacité d’un anti-ostéoporotique est alors plus difficile à mettre en évidence… En outre, ces renseignements concernent les fractures ayant conduit à une hospitalisation (les plus sévères ?) ce qui est le cas d’à peine 10 % des fractures vertébrales.   *Le Pr Cortet déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Alexion, Amgen, Expanscience, Ferring, Kyowa-Kirin, Lilly, MSD, Novartis, Roche diagnostics, Sublimed, UCB, Viatris.

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