Covid-19 : le point sur les nouvelles pistes de traitement

29/01/2021 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
Les espoirs les plus prometteurs sont portés par des médicaments anciens tels que la colchicine, des immunosuppresseurs d’apparition plus récente, ou encore par le développement de premiers traitements spécifiques, tels que les anticorps synthétiques.

  La connaissance de l’infection par le Sars-CoV-2 a largement progressé - même s’il persiste encore de nombreuses inconnues ; et avec elle, la prise en charge des patients. Si, pour la grande majorité des cas, le traitement est symptomatique, basé en particulier sur le paracétamol, et l’évitement des anti-inflammatoires sauf s’ils sont déjà utilisés pour une autre maladie, plusieurs données ont récemment été publiées sur les pistes les plus avancées.   Phase préhospitalière : la colchicine réduit complications et décès La colchicine n’en finit pas de nous étonner. Après son indication historique dans le traitement de la goutte, et plus récemment en cardiologie, cet anti-inflammatoire pourrait bien devenir le premier traitement oral permettant d’éviter les complications du Covid-19, et constituer ainsi un traitement majeur dans la lutte contre cette infection.

Cet espoir est apporté par la publication de l’étude ColCorona le 23 janvier dernier, réalisée par l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM). ColCorona est une étude clinique « sans contact » qui s’est déroulrée à domicile, auprès de personnes non hospitalisées ayant plus de 40 ans. Il s’agit d’une étude randomisée, à double insu et contrôlée par placebo. Elle a été menée au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud ainsi qu’en Afrique du Sud. Les patients, étaient traités dès la confirmation du diagnostic de Covid-19, soit par colchicine (0,5 mg deux fois par jour pendant 3 jours et une fois par jour pendant les 27 jours suivants), soit par placebo pendant 30 jours. Des évaluations de suivi par téléphone ou vidéo ont eu lieu aux jours 15 et 30 après la randomisation. Il s’agissait de la plus grande étude à l’échelle mondiale testant un médicament administré oralement chez les patients non-hospitalisés ayant une infection par le Sars-CoV-2. Au total, 4 488 participants ont été inclus dans cet essai. Sur l’ensemble de ces patients, la colchicine a permis de réduire le taux d’hospitalisation et de décès de 21%. Et les résultats apparaissent encore meilleurs lorsque l’analyse porte sur les 4 159 patients ayant un test PCR positif de Covid-19, prouvant l’origine de l’infection. Ils montrent, en effet, que le traitement permet d’abaisser de façon statistiquement significative le risque d’hospitalisations de 25%, le besoin de ventilation mécanique de 50%, et les décès de 44%. « Notre étude a montré l’efficacité du traitement utilisant la colchicine pour prévenir le phénomène de « tempête inflammatoire majeure » et réduire les complications liées au Covid-19 », déclare le Dr Jean-Claude Tardif, directeur du Centre de recherche de l’ICM, professeur de médecine à l’Université de Montréal et chercheur principal de l’étude ColCorona. « Nous sommes heureux d’offrir le premier médicament oral au monde dont l’utilisation pourrait avoir une incidence importante sur la santé publique et potentiellement prévenir les complications de la Covid-19 chez des millions de patients ». L’étude ColCorona est en cours de soumission dans une revue scientifique ; ses résultats complets devraient être publiés prochainement.   La piste des anticorps monoclonaux pour les formes légères à modérées Autre bonne nouvelle pour la prise en charge du patient en phase préhospitalière : la combinaison de deux anticorps de synthèse semble efficace. Ces deux molécules associées, le bamlanivimab (2800mg) et l’étesevimab (2800mg) développées par le laboratoire Lilly a, en effet, réduit de manière significative les hospitalisations et les décès liés à l’infection chez des patients récemment diagnostiqués présentant des symptômes légers à modérés. Le bamlanivimab et l’étesevimab sont deux anticorps monoclonaux humain recombinants neutralisant dirigés contre la protéine de pointe du Sars-CoV-2.

Plus de 1 000 patients (1 035) ont été inclus dans l'essai de phase 3 Blaze-1, randomisé versus placebo. Au cours de l’étude, 11 événements (décès et hospitalisations) sont survenus parmi les patients sous traitement, contre 36 événements parmi les patients sous placebo, soit une réduction du risque de 70% (p = 0,0004). Dix décès au total ont été déplorés, tous survenus chez des patients prenant le placebo. La combinaison thérapeutique s’est aussi montrée statistiquement efficace sur tous les paramètres secondaires, et en particulier la charge virale, la résolution des symptômes... Le profil de tolérance du traitement était acceptable avec un nombre d’événements indésirables similaires dans les 2 groupes. Le bamlanivimab seul est déjà autorisé pour une utilisation d'urgence comme traitement pour les patients à haut risque atteints de Covid-19 léger à modéré aux États-Unis. En revanche, ces traitements ne sont pas actifs dans la 2ème phase de la maladie, lorsque les patients sont déjà hospitalisés.  

De plus, les premiers résultats de l'essai en cours Blaze-4 semblent montrer que des doses plus faibles de bamlanivimab et d’étesevimab apportent la même efficacité que les fortes doses utilisées dans Blaze-1 (700 mg et 1400 mg, contre 2800 mg pour chacune des 2 molécules dans Blaze 1). Lilly prévoit d'explorer des doses encore plus faibles de bamlanivimab et d'étesevimab, car cela permettrait de « maximiser l'approvisionnement disponible pour traiter plus de patients, permettre un dosage sous-cutané et potentiellement réduire la charge sur le système de santé et les patients grâce à des temps de perfusion réduits » affirme le laboratoire. En effet, une des limitations à l’utilisation de ces traitements réside dans la complexité et le temps requis pour leur administration (perfusion de 60 mn), reconnait Lilly, qui ajoute « travailler avec la FDA pour réduire potentiellement les temps de perfusion jusqu'à 16 minutes ».

Un traitement similaire (REGN-COV2), composé de deux anticorps synthétiques, le casirivimab and imdevimab, est aussi développé par le laboratoire Regeneron. Utilisé par l’ancien président américain Donal Trump, il a ensuite été autorisé, en novembre, par la Food and Drug Administration (FDA) américaine pour le traitement des formes légères à modérées chez les patients ayant un risque élevé de développer une forme sévère de la maladie. L’Allemagne a annoncé en janvier vouloir autoriser aussi un tel traitement. Dans une étude publiée le 17 décembre dans The New England Journal of Medicine, ce traitement a montré une efficacité sur la charge virale, chez 275 patients non hospitalisés. En outre, le laboratoire a affirmé, le 27 janvier, que plusieurs études - dont une indépendante, réalisée par des chercheurs de l’Université de Columbia (Etats-Unis) - , que ce cocktail d‘anticorps reste actif contre les variant britannique et sud-africain, même si ce dernier semble réduire la puissance de neutralisation du casirivimab. A noter, que l’étude américaine suggère que le bamlanivimab serait inactif contre les variants sud-africain, et brésilien.   Phase hospitalière : arrêt de l’évaluation du remdesivir Les données récentes concernant la prise en charge des formes graves de la maladie, c’est-à-dire nécessitant une hospitalisation, sont moins positives. Le traitement de ces patients repose actuellement sur l’oxygénothérapie et les corticoïdes (en particulier la dexaméthasone), qui sont recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces derniers permettent de réduire la mortalité de plus de 20%. S’y ajoute aussi une prévention des thromboses par anticoagulation systématique. Cependant, si des traitements se sont montrés initialement prometteurs, très peu de molécules ont démontré une efficacité. Pour preuve, trois des bras que contenait l’essai européen Discovery sur 4 ont été arrêtés. Cet essai randomisé multicentrique lancé dès mars 2020 par l’Inserm visait à tester initialement : le lopinavir/ritonavir, le lopinavir/ritonavir plus IFN–1a, l’hydroxychloroquine et le remdesivir. En juin 2020, le bras hydroxychloroquine a été arrêté pour manque d’efficacité, ainsi que les deux bras contenant du lopinavir/ritonavir, pour des raisons d’efficacité et de sécurité. Et tout récemment, une analyse intermédiaire portant sur l’évaluation de l’efficacité de l’antiviral remdesivir chez 776 patients a montré l’absence de preuve d’efficacité de ce traitement à 15 ainsi qu’à 29 jours. En outre, les experts des comités de surveillance des données et de la sécurité (DSMB) ont considéré que l’inclusion de patients supplémentaires ne permettrait pas de conclure. En conséquence, les DSMB ont recommandé de suspendre le recrutement des patients dans ce bras thérapeutique. Echec de l’anakinra dans les formes moyennes ou modérées Une déception a aussi été apportée par la publication des résultats de l’essai Corimuno-ANA-1, qui visait à évaluer l’anakinra, un immunosuppresseur anti-IL-1, chez des patients hospitalisés avec une pneumonie Covid-19 moyenne ou modérée sous oxygène, mais non admis en réanimation. Au total 153 patients ont été inclus et 116 randomisés (âge médian 66 ans ; 70% d’hommes) dans cet essai en ouvert, multicentrique. Ils présentaient tous un diagnostic de Covid-19 confirmé par RT-PCR ou par un scanner pulmonaire, une pneumopathie avec des symptômes respiratoires nécessitant une oxygénothérapie mais sans recours à une assistance ventilatoire, ainsi qu’une CRP supérieure à 25 mg/L. Les patients ont été randomisés pour recevoir soit l’anakinra (200 mg par voie intraveineuse deux fois par jour, de J1 à J3 ; 100 mg deux fois par jour à J4 ; 100 mg une fois par jour à J5) en plus du traitement usuel, soit le traitement usuel seul.  Les résultats ont montré que l’anakinra n’a pas amélioré l’évolution des patients. En effet, à J4, 36% des patients du groupe anakinra s’étaient aggravés, contre 38% du groupe avec un traitement usuel. Les chiffres étaient aussi similaires dans les 2 groupes à J14, avec 47% et 51% (respectivement dans les 2 groupes) de patients ayant besoin de ventilation assisté, ou décédés. Et à J90, les taux de décès étaient de 27% et 25%. Enfin, des évènements indésirables graves sont apparus chez 46% patients dans le groupe anakinra et 38 % dans le groupe traitement usuel.

Les auteurs concluent que des études ultérieures sont nécessaires pour tester l’efficacité de l’anakinra dans des groupes de patients avec une infection Covid-19 plus sévère.   Arrêt prématuré de l’essai avec le tocilizumab dans les formes sévères De même, une étude parue le 20 janvier dans le British Medical Journal (BMJ) a douché les espoirs liés à l’utilisation du tocilizumab chez les patients présentant une forme sévère de la maladie. En effet, cette première étude versus placebo conduite avec cet immunosuppresseur qui cible l’interleukine 6, déjà indiqué dans la polyarthrite rhumatoïde, a mis en évidence, auprès de 129 patients Covid-19 hospitalisés dans un état grave, que le traitement n’était pas plus efficace que les soins standards à une échéance de 15 jours, et était même associé à un accroissement de la mortalité. Ainsi, 28% des patients du groupe tocilizumab ont dû être placés sous ventilation artificielle ou sont décédés, contre 20% dans l'autre groupe. Et le taux de décès a été calculé à 17% dans le groupe de patients traités par tocilizumab, contre 3% dans l'autre groupe ; cette constatation ayant, entrainé l’interruption de l'essai.

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