Contrairement à ce que l’on pensait, les urines contiennent de nombreuses espèces bactériennes, dont la composition varie avec le sexe et l’âge. Le microbiote urinaire semble exercer un rôle métabolique et protecteur contre les infections. Une session a été consacré à ce thème lors du 114ème congrès de l’Association française d’urologie (AFU), qui a eu lieu du 18 au 20 novembre 2020. On pensait jusqu’ici que l’urine était stérile. En fait, « les analyses reposant, le plus souvent sur le séquençage des ARN ribosomaux 16 s bactériens ont détecté plus de 50 genres et plus de 100 espèces bactériennes à l’intérieur de celle-ci et on trouve des bactéries dans plus de 90 % des urines classées stériles en culture traditionnelle », a expliqué le Pr Jean-Philippe Lavigne qui dirige le laboratoire de microbiologie au CHU de Nîmes. Ce microbiote est très diversifié avec présence de bactéries de la flore fécale, cutanée et vaginale. Les taxons majoritaires sont représentés par des bactéries à croissance lente et les lactobacilles sont prédominants. Empreinte caractéristique de chaque individu, ce microbiote urinaire varie aussi entre sexes et selon l’âge. Chez l’homme, il est riche en Corynebacterium présents dans le microbiote cutané. Chez la femme, il comporte une quantité particulièrement importante de lactobacilles, qui dans le microbiote vaginal jouent un rôle protecteur contre les vaginoses bactériennes et les infections urinaires et sexuellement transmissibles. Cette quantité de lactobacilles s’abaisse chez les femmes âgées. « Le microbiote urinaire semble avoir à la fois un rôle de protection contre les infections urinaires, de maturation de la barrière épithéliale avec stimulation des défenses immunitaires et une fonction métabolique contribuant à dégrader certains composés toxiques », a complété le Pr Lavigne.
Plusieurs études ont décrit des relations entre sa composition et l’hyperactivité vésicale, la sensibilité aux infections urinaires, les cystites interstitielles, les prostatites chroniques et le syndrome d’algie pelvienne, a ajouté le Pr Albert Sotto, chef du service d’infectiologie au CHU de Nîmes. Chez les blessés médullaires avec une vessie neurologique, sa composition diffère selon l’ancienneté de la lésion et le mode de vidange vésicale (miction spontanée, sonde...). Par ailleurs, son influence a été suspectée dans les cancers de prostate et de vessie. « Mais, pour l’instant, rien n’est prouvé », a rappelé le Pr Sotto. Le lien entre microbiote et cancer de vessie devra cependant être précisé car on sait que certains germes comme Schistosoma hæmatobium, l’agent de la bilharziose, favorisent le développement de cette tumeur, tandis que le BCG en est un traitement. Il sera, dans l’avenir, important de mieux comprendre les interactions entre bactéries pathogènes et bactéries commensales (synergies/antagonismes) et de davantage s’intéresser aux infections pluribactériennes, plus fréquentes chez les personnes âgées et en cas d’immunodépression. « Lorsqu’on isole une bactérie à l’ECBU, les techniques d’analyse révèlent souvent l’existence de communautés polymicrobiennes de diversités variables », a expliqué le Pr Sotto. « Ceci pourrait nécessiter d’être beaucoup plus exhaustif dans les ECBU en détaillant toutes les bactéries présentes », a complété le Pr Lavigne. Des études de cohorte devront aussi être mises en place pour suivre l’évolution du microbiote urinaire au cours du temps, naturellement et après antibiothérapie, laquelle semble diminuer les lactobacilles au profit des germes uropathogènes chez les patients âgés.
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus