Eular 2020 : Covid, thromboses, addictions… des risques mieux connus dans les rhumatismes inflammatoires

06/07/2020 Par Corinne Tutin
Rhumatologie

Les risques associés aux médicaments rhumatologiques semblent limités en cas d’infection Covid-19 et les anti-TNF pourraient même avoir un effet favorable. Mais, il faut surveiller les complications thrombo-emboliques et l’addiction aux opioïdes chez ces patients.  Le congrès virtuel européen de rhumatologie (Eular) a permis de présenter de nouvelles données épidémiologiques. Certaines plutôt rassurantes, d’autres moins. Côté plutôt positif, les informations concernant les risques d’infection par le Sars-CoV-2 associés à la prise de médicaments rhumatologiques. Une étude des premiers 600 patients rhumatologiques de 40 pays, infectés entre le 24 mars et le 20 avril 2020, répertoriés dans le registre de la Covid-19 Global Rheumatology Alliance, révèle après ajustement pour de multiples paramètres (sexe, âge, tabagisme, diagnostic rhumatologique, comorbidités...) que les traitements de fond (méthotrexate, anti-paludéens), seuls ou associés à un biomédicament, n’accroissent pas le risque d’hospitalisation*. Il en est de même pour les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et l’administration d’anti-TNF s’est même traduite par un risque d’hospitalisation pour infection Covid-19 réduit (odds ratio de 0,40, p = 0,01). Seule l’administration d’une corticothérapie à raison de plus de 10 mg/j de prednisone a paru majorer la probabilité d’hospitalisations (odds ratio de 2,05, p = 0,03). Malgré tout, comme les malades rhumatologiques touchés par le Covid-19 ont été assez peu nombreux jusqu’ici, « il reste des incertitudes quant à la meilleure façon de les prendre en charge dans ce contexte infectieux », a admis lors d’une conférence de presse en ligne organisée le 3 juin, le président de l’Eular, le Pr lain B. McInnes (Glasgow, Grande-Bretagne). A noter que dans ce registre, 46 % des patients rhumatologiques infectés par le Sars-CoV-2 avaient été hospitalisés et le taux de décès a atteint 9 % (55 patients). Ces pourcentages ne sont toutefois pas forcément représentatifs de la « vraie vie », car il est vraisemblable que les cas d’infections bénignes ont été moins souvent colligés que les plus sévères.

  Intérêt des anti-TNF sur le risque thrombo-embolique Une autre découverte intéressante est que les anti-TNF pourraient réduire le risque thrombo-embolique. Ce qui pourrait d’ailleurs, mais c’est à vérifier, expliquer leur effet favorable en cas d’infection par le SARS-CoV-2. L’analyse de plus de 11 000 patients avec une polyarthrite rhumatoïde (PR) du registre allemand Rabbit a ainsi mis en évidence...

un nombre d’événements thrombo-emboliques veineux majeurs abaissé de moitié après administration d’anti-TNF en comparaison des traitements de fond synthétiques conventionnels, a indiqué le Dr Martin Schäfer (Centre allemand de recherche sur le rhumatisme, Berlin). Or, le risque thrombo-embolique veineux est globalement multiplié par 2 ou 3 dans la PR par rapport à la population générale du fait de l’inflammation chronique. En outre, les inhibiteurs de JAK, utilisés dans la PR, ont été suspectés dans des études d’accroître ce risque thrombo-embolique veineux. Allant plus loin, une étude de cohorte, menée sur 4 6311 patients par le Dr Viktor Molander (Karolinska Institutet, Stockholm), a révélé que le risque thrombo-embolique dans la PR est, en fait, étroitement corrélé à son niveau d’activité. « Ainsi, la probabilité de complications thromboemboliques veineuses est de 1,1 % sur un an en cas de score DAS 28 (évaluant l’état de 28 articulations) supérieur à 5,1 mais de 0,5 % dans une PR en rémission ». Ces résultats incitent à suivre attentivement les patients avec des PR très actives.

  Un risque d’addiction aux opioïdes Autre point à surveiller chez les patients avec un rhumatisme inflammatoire, la consommation d’opioïdes. Celle-ci semble, en effet, très répandue (75 % de prescription contre 43 % pour les 4700 témoins), vient de montrer une autre étude conduite par le Dr Olafur Palsson  (Landspitali University Hospital, Reykjavik)  chez 359 patients avec une PR, 217 avec une SPA, 251 avec un rhumatisme psoriasique et 113 avec une arthrite indéterminée. De plus, ce recours aux opioïdes ne décroît pas après administration d’un anti-TNF. On aurait pourtant pu penser que ces biomédicaments soulagent bon nombre de douleurs rhumatismales en limitant l’inflammation. Avec le temps, ces médecins islandais ont même constaté une tendance à l’augmentation des doses d’opioïdes chez les patients rhumatismaux. Ce qu’ils interprètent comme une possible tolérance aux opioïdes. Le risque d’addiction aux opioïdes concerne aussi les patients arthrosiques, et est majoré de 10 % chez les plus âgés, de 6 % chez ceux de milieu défavorisé, de 4 % chez les femmes, et de 1 % chez les ruraux, vient de conclure l’étude Catalonia. « Entre 2007 et 2016, la consommation d’opioïdes s’est accrue de 15 à 25 % chez les malades arthrosiques catalans », a déploré le Dr Junging Xie (Université d’Oxford), qui a recommandé d’éviter cette classe thérapeutique chez les patientes âgées vivant dans des zones défavorisées. *Gianfrancesco M, et al. Ann Rheum Dis 2020 ; 0 :1-8.  

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