Comment traiter l'hypertrophie bénigne de la prostate : les recos de l'AFU
L’Association française d’urologie (AFU) a publié lors de son 11ème congrès annuel, qui s’est déroulé à Paris du 21 au 24 novembre 2018, un rapport sur l’hypertrophie bénigne de la prostate qui met en avant l’intérêt d’un traitement personnalisé. L’âge, la présence de comorbidités, la possibilité de préserver la sexualité, font partie des critères de choix du traitement.
L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) concerne 2 millions d’hommes en France, et chaque année 100 000 nouveaux cas de troubles urinaires liés à une HBP sont constatés. L’Association française d’urologie (AFU) vient de publier un rapport sur cette pathologie, qui détaille la prise en charge à proposer à ces patients et souligne l’intérêt d’une approche thérapeutique personnalisée correspondant à leurs attentes, les armes thérapeutiques étant aujourd’hui nombreuses dans cette pathologie.
L’activité physique a des effets favorables
L’hygiène de vie est importante dans l’HBP. Il est ainsi conseillé aux malades d’avoir un régime alimentaire moins énergétique comportant moins de viandes rouges et de produits laitiers et suffisamment de légumes riches en caroténoïdes (tomates, carottes…), "des niveaux élevés d’antioxydants, polyphénols, vitamines, minéraux et fibres pouvant jouer un rôle important dans la modification des voies inflammatoires associées à la pathogénèse de l’HBP", mentionne le texte. Avoir une alimentation moins énergétique permettra aussi de lutter contre le syndrome métabolique, qui peut être associé à l’HBP. Quatorze études ont, par ailleurs, souligné les relations entre exercice physique et symptômes du bas appareil urinaire d’HBP. Ainsi, l’activité physique a des effets favorables sur les signes cliniques par différents mécanismes encore mal explicités : diminution du syndrome métabolique, réduction du tonus sympathique, atténuation des dommages oxydatifs…
Le bilan devra systématiquement comporter un interrogatoire pour évaluer l’importance et le type des symptômes urinaires, le retentissement sur le sommeil, la sexualité, ce d’autant que l’HBP peut s’associer à une dysfonction érectile en raison de mécanismes physiopathologiques communs (syndrome métabolique avec facteurs de risque cardiovasculaire, baisse de testostérone…) mais aussi, si la prostate est volumineuse, en raison de lésions par étirement des nerfs innervant la verge ou de troubles vasculaires locaux. On pratiquera systématiquement un examen clinique complet avec toucher rectal, une analyse d’urines, une débit-métrie, et une mesure du résidu post-mictionnel.
Tenir un calendrier mictionnel sur 3 jours
"Il faut penser à rechercher un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (Saos) en particulier grâce à l’échelle de somnolence d’Epworth, ce trouble présent chez 5 à 15 % de la population adulte pouvant favoriser les troubles urinaires nocturnes par modification de sécrétion de l’hormone anti-diurétique", explique le Pr Grégoire Robert (CHU de Bordeaux). On demandera au patient de tenir un calendrier mictionnel sur 3 jours pour comprendre les mécanismes d’une nycturie, et on lui conseillera de ne pas boire plus de 1,5 l et 2 l d’eau par jour, d’éviter une prise de boissons le soir, et d’uriner avant de se coucher. Le traitement médical pourra reposer sur la phytothérapie et les alpha-bloquants, les inhibiteurs de la 5-alpha réductase pour diminuer le volume prostatique, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (Ipde5) qui pourront améliorer certains symptômes urinaires en sus de corriger une dysfonction érectile associée. Les médicaments ayant des effets variables sur la sexualité (diminution du volume de l’éjaculation avec les alpha-bloquants, possible réduction de la libido et de l’érection avec les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase qui agissent sur le métabolisme de la testostérone), il est important de prendre en compte les souhaits des patients, "de plus en plus nombreux à désirer conserver une sexualité la plus complète possible", rappelle le Pr Alexandre De la Taille (CHI de Créteil, 94). La nycturie peut être favorisée par l’inversion de diurèse, qui peut apparaître au cours du vieillissement (production de davantage d’urine la nuit que le jour). Son traitement le plus efficace est représenté par la desmopressine. Mais, ce médicament ne peut être proposé qu’avant 65 ans.
Essor des intervention mini-invasives
Sur le plan interventionnel, la grande nouveauté est qu’à côté des techniques de traitement habituelles (résection transurétrale de prostate, vaporisation et énucléation laser, et parfois encore adénomectomie), se développent aujourd’hui des alternatives mini-invasives dont l’un des objectifs est souvent de préserver la sexualité, notamment en évitant les éjaculations rétrogrades post-opératoires. Les principales d’entre elles sont les techniques Urolift, et Rezum, qui offrent l’avantage de pouvoir éventuellement être réalisées sous anesthésie locale en une dizaine à une vingtaine de minutes, l’aquablation, l’embolisation des artères prostatiques. La technique endoscopique Urolift consiste à écarter les lobes prostatiques, grâce à la pose de 2 à 6 implants dans la partie antéro-latérale de chaque lobe pour créer un chenal antérieur et lever l’obstruction sous-vésicale. Deux études, Lift et BPH6, ont conclu à l’absence d’altération des éjaculations avec cette méthode. Mais, elle ne peut être utilisée en cas d’HBP du lobe médian ou de volume prostatique dépassant 80 cc. La thermothérapie endoscopique par Rezum a pour principe de détruire les tissus adénomateux prostatiques en injectant en leur sein grâce à une aiguille creuse de la vapeur d’eau chauffée par radiofréquence. Plusieurs essais ont suggéré qu’elle permettrait une amélioration fonctionnelle intéressante avec préservation de la sexualité. Malgré tout, le rapport de l’AFU estime indispensable la mise en place d’une étude randomisée contre résection transurétrale pour la développer. L’aquablation est une technique robot-assistée, pratiquée sous contrôle échographique, qui consiste à détruire le tissu prostatique adénomateux grâce à un jet d’eau à haute pression. L’embolisation des artères prostatiques est un acte de radiologie interventionnel effectué en ambulatoire et sous anesthésie locale, par voie fémorale le plus souvent, grâce à des microsphères de 250 à 400 µm. Elle débouche après geste bilatéral ou unilatéral (en cas de difficulté technique), sur une nécrose localisée avec réduction de 20 à 30 % du volume prostatique diminuant l’obstruction urinaire sans modifier la sexualité. Une étude publiée par les sociétés anglaise de radiologie et d’urologie, ayant comparé 216 embolisations à 89 résections transurétrales prostatiques a rapporté un taux d’amélioration symptomatique non inférieur après embolisation avec une durée d’hospitalisation plus courte. Mais, l’étude révèle aussi qu’"il s’agit d’un acte techniquement complexe nécessitant un apprentissage spécifique". Les échecs d’embolisation sont le plus souvent dus à des artères prostatiques de faible calibre, tortueuses, à l’athérosclérose. Depuis le 25 avril 2018, le NICE* britannique reconnaît dans ses recommandations de prise en charge cette possibilité thérapeutique "sous condition de consentement des patients, d’évaluation des résultats, et de formation adéquate des radiologues impliqués". *National Institute for Health and Care Excellence, www.nice.org.uk
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