L’étude MyPeBS, à laquelle peuvent participer les médecins généralistes, vise à évaluer l’intérêt d’un dépistage ciblé en fonction du niveau de risque de la femme par rapport un dépistage classique.
Le 1er décembre commencera le recrutement pour le grand essai européen de dépistage ciblé du cancer du sein (MyPeBS pour My Personnal Breast cancer Screening). Celui-ci inclura 85 000 femmes âgées de 40 à 70 ans, dont 20 000 en France. Les généralistes sont appelés à y participer, au même titre que les radiologues et les gynécologues, souligne le Dr Suzette Delaloge (Institut Gustave Roussy), coordinatrice de l’étude. Egora.fr : Pourquoi cet essai ? Dr Suzette Delaloge : Notre idée est de moduler le dépistage pour diminuer ses inconvénients chez les femmes à bas risque et mieux dépister les cancers chez celles à haut risque. Les données récentes indiquent que ces dernières ont également des cancers plus agressifs. Elles devraient bénéficier de dépistages plus fréquents, avec des techniques peut-être plus sensibles, comme l’IRM, en s’inspirant du dépistage mis en place pour les femmes à très haut risque génétique de cancer du sein. Le dépistage adapté est un succès majeur pour ces femmes, chez qui ont dépiste essentiellement des cancers de stade 1 aujourd’hui. Comment le risque sera-t-il évalué chez les femmes qui, après tirage au sort, seront dans le groupe dépistage ciblé ? Par des scores mathématiques calculés à partir de caractéristiques bien validées : âge, antécédents familiaux, antécédents personnels d’imprégnation hormonale, IMC, antécédents de biopsie pour une lésion bénigne, densité mammaire, évaluée sur une précédente mammographie. Il s’y ajoute un génotypage sur prélèvement salivaire, pour rechercher un panel de 300 polymorphismes liés au risque de cancer du sein. Le score permet de distinguer 4 niveaux de risque : -faible (<1 % dans les 5 ans, moins que le risque moyen d’une femme de 45 ans) La prochaine mammographie est proposée après un délai de 4 ans. - moyen (entre 1 et 1,66%, équivalent à celui d’une femme de 50 à 60 ans). Le schéma classique d’une mammographie tous les 2 ans est maintenu. - élevé (entre 1,67 % et 6 % à 5 ans, équivalent à une femme qui a des antécédents de cancer du sein), une mammographie est réalisée tous les ans. - très élevé (> 6%), situation très rare, qui correspond aux... femmes ayant un profil de risque de type génétique. Elles seront adressées à une consultation de génétique et auront une IRM tous les ans. De plus toutes les femmes qui ont des seins denses auront une échographie à chaque mammographie. Celles ayant une histoire typique de prédisposition génétique ne sont pas incluses dans l’étude. Dans le cas où la mammographie est proposée après 4 ans, y a-t-il une autre surveillance prévue, comme la palpation ? Palpation et autopalpation ne sont pas particulièrement recommandées car aucune étude n’a pu prouver leur utilité. Mais tous les ans il y aura une sensibilisation des femmes au cancer, par des messages sur le portail de l’étude, pour leur expliquer quels symptômes il faut surveiller et comment réagir. On a pu démontrer que cette autosurveillance permet un diagnostic plus précoce. Comment seront recrutées les femmes ? Cela se fera dans le cadre du dépistage organisé, dans 30 départements. Les femmes seront recrutées par des radiologues, des généralistes ou des gynécologues volontaires pour participer à l’étude. Elles peuvent également proposer elle-même leur participation. Elles trouveront les informations sur le site de l’étude (mypebs.eu) et, si elles sont éligibles, devront prendre rendez-vous avec un des médecins participants. Nous allons faire beaucoup d’informations avec des affiches et des prospectus dans les cabinets médicaux et les structures de gestion vont envoyer un flyer à toutes les femmes de 50 à 70 ans. Pour les femmes de 40 à 50 ans, la Cnam, transmettra les fichiers aux structures de dépistage organisé. C’est important parce que la question majeure concerne cette tranche d’âge. Nous sommes également en train de recruter un maximum de médecins. Des messages ont été envoyés à certains généralistes et on attend les autorisations pour les envoyer à tous. Qu’est-ce que cela implique pour les généralistes ? Tous peuvent être investigateurs. Il suffit de nous contacter via le site et de valider en ligne une petite formation aux bonnes pratiques cliniques. L’idée est que ce soit simple, que les médecins n’aient pas un logiciel compliqué à utiliser, parce que l’on veut vérifier que cette approche est faisable en pratique. Leur rôle est d’expliquer à la patiente les incertitudes actuelles du dépistage, d’expliquer l’étude et de lui proposer d’y participer. Des tablettes leur sont fournies. Si une femme accepte de participer, le médecin lui remet la tablette pour qu’elle entre elle-même un certain nombre de données, idéalement dans la salle d’attente. Ensuite le médecin la revoit, fait la randomisation et lui remet son programme. Si le tirage au sort invite la femme au dépistage ciblé, il lui donne également un kit de prélèvement salivaire et lui explique comment s’en servir, en quelques mots. Il récupère le kit et un service viendra le chercher. Cela demande environ une heure aux femmes qui entre dans l’étude et, pour les médecins, 20 mn environ par patiente. Ils ont une petite rémunération : 30 euros par patiente incluse, 50 pour le dépistage ciblé. Une deuxième visite est prévue pour les femmes du groupe dépistage ciblé, afin que le médecin leur explique leur niveau de risque et leur remette leur programme de dépistage pour les 4 années à venir. L’annonce d’un risque élevé ne risque-telle pas de générer une grande angoisse ?
Dans l’étude préparatoire Riviera, menée auprès de 30 généralistes, gynécologues et radiologues, 97 % des femmes souhaitaient participer. 448 ont eu une évaluation du risque, sans génotypage. Globalement les données de satisfaction étaient bonnes, même quand on leur annonçait qu’elles étaient à haut risque. Cela n’apparaissait pas très stressant. Les médecins étaient également satisfaits, même si ça leur prenait un peu de temps. Le critère de jugement principal de MyPeBS est la non infériorité du dépistage ciblé sur l’incidence des cancers de stade 2 ou plus. Si ce critère est atteint, le dépistage ciblé se substituera-t-il au dépistage actuel ? Non, on ne pourra probablement changer que s’il y a réellement une supériorité du dépistage ciblé. C’est le principal objectif secondaire. En théorie, on a toutes les chances de l’observer. Normalement, grâce à cette stratégie, on devrait diminuer de 25 à 30 % l’incidence des cancers de stade 2 et plus. Il y a d’autres critères de jugement secondaires, comme le retentissement psychologique, les faux positifs… C’est l’ensemble de ces critères qui dira comment faire dans le futur. Le programme est financé par l’UE, qui nous demande de faire à l’issue de cette étude une proposition. Les résultats sont attendus dans 6 à 7 ans.
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