Des anomalies du microbiote impliquées dans l’hépatotoxicité de l’alcool
Les chercheurs confirment qu’il existe un lien entre alcoolisme et modification du microbiote intestinal, ce qui ouvre des perspectives thérapeutiques à court terme.
Le 4e Café des Chercheurs organisé par la Fondation pour la recherche en alcoologie (FRA), qui s’est tenu le 20 septembre à Paris, a porté sur les liens existant entre maladie alcoolique du foie et microbiote intestinal. On constate en effet une inégalité des individus face au risque de développer une pathologie hépatique sévère en cas de consommation d’alcool. Ainsi, si le risque de développer une cirrhose croît avec la quantité d’alcool consommée par jour, elle ne concernerait, au final, que 20 % des buveurs excessifs. Pour Anne-Marie Cassard (chercheur à l’Inserm), "à consommation d'alcool équivalente en quantité et en durée, la majorité d’entre nous ne développera que des lésions peu sévères et seule une minorité évoluera vers une hépatite sévère, une fibrose, une cirrhose ou un carcinome hépatocellulaire". Le Dr Cosmin Voican (hépatologue à l’hôpital Antoine- Béclère, Clamart, 92) ajoute : "l’inégalité des individus devant l’hépato-toxicité de l’alcool suggère l’intervention d’autres cofacteurs tels que le microbiote intestinal, le surpoids, l’alimentation, la modalité d’alcoolisation ou le sexe féminin". Cette hypothèse est renforcée par des données récentes qui nous permettent aujourd’hui d’en connaitre un peu plus sur le rôle du microbiote dans ce domaine. Les nouvelles modalités d’exploration du microbiote intestinal, et en particulier le séquençage haut débit, mettent en effet en évidence des liens forts et directs entre microbiote et maladie alcoolique. Des altérations du microbiote (dysbiose) ont été observées lors de l’exposition chronique à l’alcool aussi bien chez l’animal que chez l’homme. D’après le Pr Emmanuel Haffen (CHU de Besançon), "les liens entre dysbiose et alcool sont complexes. Néanmoins, il apparaît clairement que la consommation régulière d’alcool est associée à une altération du microbiote et de la barrière digestive qui induit augmentation de la translocation bactérienne et provoque ainsi en cascade une activation des processus inflammatoires". La dysbiose entrainerait un défaut d’étanchéité de la barrière intestinale, qui induirait un état sub-inflammatoire chronique, qui lui-même ferait le lit des dommages liés à l’alcool au niveau local mais aussi cérébral. Inversement, la dysbiose pourrait préexister au mésusage de l’alcool et favoriser l’émergence de comportements inadaptés à l’égard de l’alcool. "Il apparaît que cette augmentation de la perméabilité de la barrière digestive est corrélée à la sévérité des symptômes anxieux et dépressifs et à l’intensité du craving à l’alcool lors du sevrage", ajoute E. Haffen, qui poursuit : "les liens entre dysbiose, inflammation et dépendance à l’alcool suggèrent la possibilité d’interventions thérapeutiques qui ciblent directement le système digestif et le microbiote en particulier. Reste à explorer aujourd’hui l’impact des prébiotiques et probiotiques sur la maladie alcoolique". La possibilité de modifier le microbiote à des fins thérapeutiques dans l’alcoolisme est donc porteuse de nombreux espoirs. Pour Anne-Marie Cassard, "il reste raisonnable de penser que nous serons en mesure d’améliorer l’évolution de la maladie en modifiant le microbiote, ce que nous commençons à savoir faire".
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