En grève

Opposé à la nouvelle convention, ce généraliste fait la grève de la PDSA : "Je suis réquisitionné tous les mois"

Le 29 décembre 2022, le Dr Vincent Torzini, généraliste à Chauvigny (Vienne), entamait une grève de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour s'opposer au projet de convention médicale de l'Assurance maladie. Si le texte conventionnel a depuis été signé par une majorité de syndicats – et s'applique donc pour les cinq prochaines années, le médecin a souhaité poursuivre son mouvement de protestation pour faire entendre "son désaccord". Ce qui lui vaut son lot de réquisitions…

14/08/2024 Par Louise Claereboudt
Permanence des soins
En grève

Lundi 12 août, dans la matinée. Alors que le Dr Vincent Torzini est en consultation avec un patient, on frappe à sa porte. C'est la gendarmerie. Elle lui apporte l'arrêté de réquisition lui signalant qu'il doit assurer une garde de 20h à minuit le lendemain. Le généraliste, installé à Chauvigny depuis un peu plus de trois ans, n'est pas surpris. L'agence régionale de santé l'avait prévenu qu'il serait sollicité. C'est presque devenu une habitude. Depuis le 29 décembre 2022, le praticien de 36 ans observe une grève de la PDSA. Aussi, dès que son tour est venu au tableau de garde, l'ARS l'appelle et lui demande s'il est toujours gréviste "Je lui réponds oui, évidemment !", sourit le praticien, un brin provocateur. "A chaque fois je suis réquisitionné." Dans son secteur, chaque médecin qui s'est porté volontaire pour la PDSA réalise en moyenne une garde par mois en semaine, et une garde de week-end par trimestre. L'été, un peu plus, "car certains confrères ne sont pas remplacés"

Vincent Torzini a commencé cette grève de la PDSA lancée par Médecins pour demain et soutenue par plusieurs syndicats de médecins en décembre 2022 pour dénoncer le projet de convention de la Cnam. Une dizaine de médecins de la Vienne, sur les près de 400 qui exercent dans le département, y ont pris part également. Un an et demi après l'émergence de ce bras-de-fer, "les négociations ont abouti et on n'est toujours pas d'accord avec ce qui a été signé et validé", explique le généraliste, à la tête de l'Union des médecins de la Vienne, un collectif lancé en même temps que les Comeli. "Une consœur jeune maman et engagée dans le bureau de Médecins pour demain m'avait sollicité pour monter ce projet. Depuis le début [des négociations], je suivais toutes les grèves. En tant que jeune installé, je savais que ces conditions d'exercice allaient me concerner plus longtemps que d'autres médecins."

Lui aussi a adhéré à Médecins pour demain, mais n'a aucun rôle dans le bureau, indique le généraliste. Il a également embrassé par la suite diverses actions, comme la fronde tarifaire. Depuis septembre dernier, le généraliste applique un dépassement d'honoraires de 5 euros sur toutes ses consultations, sauf pour les patients CMU, les patients victimes d'un accident du travail ou ceux dont il sait qu'ils rencontrent des difficultés financières. "Je le fais avec tact et mesure", assure le généraliste. "Au début, j'ai beaucoup discuté avec les patients pour leur expliquer, maintenant je ne dirais pas que c'est entré dans la norme, mais presque." Cela lui a tout de même valu un courrier salé de sa CPAM en décembre dernier, "pour Noël". Mais qui n'a abouti à rien. "Je pense qu'il y a eu des consignes de laisser tomber durant les négos. Peut-être qu'en fin d'année, lorsqu'ils vont revaloriser officiellement la consultation, ils nous sanctionneront", pense le père de famille.

"Il faut arrêter de se coucher"

Le soir où les partenaires conventionnels ont annoncé la signature du projet de la Cnam, le 31 mai dernier, Vincent Torzini, dépité, a décidé de se syndiquer à l'UFML, "seul syndicat à n'avoir pas signé", et a fait le choix de maintenir ses différentes actions pour "montrer [son] désaccord", qu'il s'agisse de la désobéissance tarifaire ou de la grève des gardes. "Il faut arrêter de vouloir se coucher en permanence, il faut s'affirmer", martèle le trentenaire. "Ça ne fait rien bouger du tout, concède Vincent. Je n'ai pas l'impression que ça émeuve beaucoup en haut lieu. Comme on est réquisitionnés ça ne se voit pas, la permanence des soins est assurée. Ça doit emmerder les gendarmes, l'ARS et la préfecture parce qu'ils doivent faire des papiers, mais c'est tout. Avec mes confrères grévistes, on s'est posé la question d'arrêter, mais comme il n'y avait pas de contrainte pour nous, et que ça ne change rien, on a décidé de poursuivre pour l'instant."

Le généraliste collectionne ainsi les avis de réquisition. Il en a "une vingtaine" dans ses tiroirs. "C'est un souvenir, plaisante-t-il, avant de reprendre sérieusement. C'est une preuve officielle, ça montre que j'ai fait ma garde, si jamais j'ai un souci avec la Sécu." Il ne se dit pas du tout "lassé" de ce mouvement, qui s'éternise. "Le coup de fil de l'ARS ça permet de vous rappeler que vous avez une garde. Parfois on oublie dans le train-train quotidien, explique-t-il. Et puis ça permet de se mettre à jour sur les papiers au cabinet. Ce n'est pas du temps perdu." Cela surprend tout de même les patients, reconnaît-il, "surtout ceux qui sont dans la salle d'attente et voient passer des gendarmes". Mais "s'ils ont des questions, ils savent qu'ils peuvent me les poser, je n'ai rien à cacher", soutient le médecin, l'esprit contestataire.

C'est en partie pour ses patients que le jeune généraliste a tapé du poing sur la table en 2022. "J'aime prendre mon temps avec les patients, discuter, échanger. Je ne m'interdis pas de passer 30 ou 45 minutes parfois avec un patient quand je sens qu'il y a quelque chose à creuser. Or le fait d'avoir un tarif bloqué assez bas est très contraignant, parce que, de fait, on s'interdit ce genre de chose. Je trouve que cela limite mon indépendance dans ce que je peux faire avec mes patients, ça limite aussi la prévention, car ça prend du temps, on ne le fait pas sur un coin de table en deux minutes", déplore Vincent Torzini, animé par son métier.

Le praticien trouve aussi le tarif du G est "largement insuffisant" compte tenu du coût du matériel médical, "de plus en plus élevé". "Un électrocardiogramme ça coûte cher, or le tarif d'un électrocardiogramme n'a quasiment jamais été revalorisé depuis le passage en euros. C'est pour cela, je pense, que de plus en plus de généralistes refusent de s'équiper. C'est un investissement. Pareil pour l'informatique, il faut le tenir à jour. On nous demande de faire des téléconsultations, de la télé-expertise… mais il faut s'équiper. Si on veut aussi compléter notre pratique en s'équipant d'un échographe, par exemple, ça chiffre encore… Avec des tarifs aussi bas, on ne peut pas faire le pari d'investir là-dedans, c'est incompatible", juge le médecin.

"La convention, je n'y crois pas, ajoute le Dr Torzini. Pour moi, elle ne va rien m'apporter de plus, si ce n'est me faire perdre de l'argent." Il pointe notamment le "magnifique forfait médecin traitant" : "Alors oui la Sécu a revalorisé la somme due pour chaque patient, mais seulement si vous les voyez. Si vous avez une patientèle plutôt jeune, vous les voyez une fois par an, grand maximum. Ce sont des patients qui ne vous rapporteront bientôt plus rien. C'est à mes yeux une astuce qu'ils ont trouvée pour qu'on prenne plus de patients, mais si on prend plus de patients, on a moins de temps à leur accorder…", considère le praticien. Lui a décidé de cesser de prendre de nouveaux patients, sauf des proches de patients déjà suivis par exemple, afin de se préserver de la course à l'abattage. Il compte déjà 1900 patients dans sa patientèle MT. 

Il confie d'ailleurs avoir pensé au déconventionnement. "C'est une idée dans un coin de ma tête, ce n'est pas un projet abouti." Mais avec la nouvelle convention en vigueur, un médecin qui renonce au conventionnement ne pourra adhérer de nouveau à la convention que "dans un délai de 2 ans à compter de la date de résiliation". "Ils ont bien verrouiller le problème, fustige Vincent Torzini. La convention est plus une prison qu'une convention". "Il faut être sûr de son choix", explique le jeune installé.

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