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"On sera encore une fois les nantis qui acceptons les 30 euros" : pour les médecins d'Egora, la convention... c'est "non"

Alors que les six syndicats représentatifs des médecins libéraux ont jusqu'au mardi 28 mai pour se prononcer sur le projet d'accord conventionnel, les lecteurs d'Egora ont déjà tranché : à près de 80%, ils rejettent la proposition de la Cnam, qui ne permet selon eux qu'un "rattrapage" de l'inflation au prix de "contraintes toujours plus fortes". Déplorant la perte d'indépendance de l'exercice, de nombreux lecteurs réclament désormais un espace de liberté tarifaire.

24/05/2024 Par Aveline Marques
Assurance maladie / Mutuelles
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Février 2023. Unanimes, les syndicats médicaux décident de rejeter l'accord conventionnel proposé par la Cnam et son "contrat d'engagement territorial" (CET), entrainant la profession vers le règlement arbitral et une maigre augmentation du tarif de base du médecin généraliste. Une décision alors soutenue par 86% des lecteurs d'Egora. Alors que la Cnam propose désormais d'augmenter le G à 30 euros, cette fois sans contrepartie individuelle mais contre des engagements "collectifs", le rejet est presque aussi massif : 79% des 390 lecteurs (en grande partie des médecins généralistes) qui se sont exprimés cette semaine se positionnent contre la signature de l'accord.

"Que de contraintes pour 30 euros qui rattrapent à peine l’inflation", regrette ainsi Céline F., généraliste, dont le commentaire fait échos avec celui de nombreux confrères. "Ce n'est pas un effort, ce sont des miettes. Ceux qui les prennent sont appelés 'pigeons'", ironise Thierry V. "D'accord, ça fera un peu de beurre dans les épinards pendant 1 an ou 2, le temps que l'inflation, à peine compensée, ne nous dépasse inexorablement. Puis nous serons de nouveau la tête dans le guidon, à essayer de ne pas finir écrasés entre les attentes des patients, les injonctions des administrations, la recherche de l'équilibre financier et de notre propre équilibre mental et physique, afin de ne pas s'enfoncer dans le burn-out", déplore Sonesadeth L.

Pour les lecteurs, même s'ils ne sont pas "opposables", les dix objectifs "collectifs" d'amélioration de l'accès aux soins (réduire le nombre de patients en ALD sans médecin traitant, augmenter les installations...) et les quinze programmes de pertinence et de qualité des soins pèsent trop lourd dans la balance. Pour Lilia B., généraliste, cette convention est non seulement "inacceptable sur le plan déontologique", car elle implique une "financiarisation des décisions médicales", mais elle entraine aussi une "dégradation de la qualité des soins" : les médecins vont devoir voir plus de patients tout en diminuant leurs prescriptions, résume-t-elle. Son confrère, Laurent G., liste les points "rédhibitoires" : "pas de liberté tarifaire, que des contraintes concernant des aspects que l'on ne maîtrise pas, avec toujours plus de dépendance vis-à-vis d'un assureur obligatoire qui prend de plus en plus de pouvoir, pas de revalorisation de la lettre clé C, une remise à niveau du G très insuffisante pour anticiper les six ans à venir, un supplément de complexité des cotations…."

De nombreux praticiens considèrent d'ailleurs que la Cnam empiète encore un peu plus sur l'exercice libéral. "Si on part du principe que les médecins ont des comptes à rendre à la Sécu, c’est accepter l’idée que la médecine n’est plus libérale. Moi je n’ai de comptes à rendre qu’à mes patients. La Sécu n’est que le comptable de l’argent de nos patients", assène Frédéric L. Pour retrouver un peu de "liberté", plusieurs commentateurs soutiennent la proposition d'un espace de liberté tarifaire pour tous. "C'est la seule solution à mon sens si les caisses sont vides : ouvrir le secteur 2 avec des accords avec les mutuelles", approuve Jennifer L.

"Choc de répulsivité"

Les lecteurs déplorent plus largement l'absence du "choc d'attractivité" promis. Tanguy L., généraliste, parle même de "choc de répulsivité". "Les jeunes ne vont pas plus s'installer avec cette convention minable et les médecins à l'âge de la retraite vont jeter l'éponge et l'auront bien mérité, présage-t-il. Certains médecins installés vont certainement déplaquer voire se déconventionner."

Certains lecteurs déplorent un "mépris" pour la profession de la part des tutelles… mais aussi de la population. "Nous constituons une profession essentielle qui malgré tout est totalement méprisée et sous-payée au regard de notre formation de nos responsabilités et de notre utilité", se désespère Anne-Flore B., généraliste. Un médecin vasculaire, sous le pseudo Doc Triste et désabusé, se dit "navré de cette situation où la population est liguée contre nous via la propagande d'Etat..." "Est-ce que ne pas signer représenterait un réel blocage pour l'assurance maladie ? Je ne sais pas, interroge Tatiana L., généraliste. Mais ça montrerait notre totale opposition et refus. Parce que là, médiatiquement et pour la population, on sera juste encore une fois les nantis qui acceptons les 30 euros, alors que la réalité est bien moins rose."

"En rebelles, nous ne sommes pas crédibles"

Rares sont les confrères, donc, qui militent pour l'acceptation de cet accord. "On a déja perdu deux ans de la précédente proposition même si le CET étant une extrême ligne rouge", plaide Hadrien F. "On ne saura jamais combien de temps on a perdu en se radicalisant sur des prétentions tarifaires illusoires (les 50 euros), et des menaces de déconventionnement irréalistes, auxquelles la grande majorité des généralistes n'a jamais vraiment cru. Au plus nous partagions le doux frisson de la rebellion, lance PetitBobo. C'est dès maintenant qu'il faut préparer les prochaines négociations…sérieusement, car en rebelles-couteau-entre-les-dents, nous ne sommes pas crédibles. Autant en être conscients."

"La convention est-elle satisfaisante, revalorisante tant sur le plan financier que déontologique ? Clairement, non, reconnaît Alain D. Faut-il pour autant se saborder alors qu’actuellement nous n’aurons rien de plus? Pour ma part il faut signer, continuer le combat par des avenants et labourer le terrain politique, journalistique et sociétal par un lobbying sincère, nécessaire, éthique." Le combat ne fait que commencer.

 



 

 
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