“Dès que j’ai appris la création du centre de vaccination, je me suis dit qu’il fallait que j’y aille. Ça m’a semblé complètement naturel.” A 69 ans, Guillaume Henry, médecin généraliste retraité depuis quatre années, n’a pas hésité une seconde. S’il ne s’est pas porté volontaire pour venir en renfort des établissements de santé lors des précédentes vagues, par crainte d’attraper le Covid - souffrant d’une coronaropathie -, il a rejoint récemment ses confrères au centre de vaccination créé par le pôle de santé de Ifs (Calvados), structure qu’il a participé à fonder avec, entre autres, le Dr Battistoni, président du syndicat MG France.
Aujourd’hui vacciné avec Pfizer, le Dr Henry effectue quelques vacations dans le centre où il réalise les consultations pré-vaccinales des patients, à l’instar de son confrère, le Dr Louis Lebocey, 66 ans, généraliste retraité depuis deux ans. “C’est mon ami Jacques Battistoni qui m’a convaincu de venir”, explique cet ancien praticien, désormais élu municipal chargé de la solidarité internationale à Louvigny, une petite commune à quelques kilomètres de Caen (Normandie). “Je voulais m’assurer que ça fonctionnerait car je trouvais l'initiative intéressante. J’ai donc voulu participer pour que ça réussisse”, confie-t-il, ajoutant avoir “retrouvé [ses] réflexes” malgré des occupations plus politiques aujourd’hui.
“Se sentir utile”
C’est cette même envie d’apporter sa pierre à l’édifice qui a poussé Léo Uguet, 22 ans, étudiant en 5ème année de médecine à la faculté de Strasbourg, à se mobiliser au sein de la réserve sanitaire étudiante créée spécifiquement pour cette situation de crise. Pendant deux semaines, dès le mois d’avril 2020, le jeune homme s’est porté volontaire pour renforcer la réanimation du Nouvel hôpital civil (NHC). Une opportunité qu’il a saisie après que ses stages ont été annulés. Ce dernier s’occupait alors des toilettes et effleurages, du rangement des pharmacies, de la préparation des traitements et de la surveillance d’un patient Covid+.
“Sur tous les fronts”, l’étudiant, également volontaire à la régulation du Samu et secouriste à la protection civile, participant notamment aux transferts de patients en TGV, au printemps dernier, a décidé de...
reprendre du service depuis le mois d’avril 2021 en tant qu’aide-soignant en réa grâce à cette réserve étudiante. Un service dans lequel il se verrait bien, un jour, exercer. “Ça fait du bien de se sentir utile”, explique le jeune homme, payé comme un aide-soignant d’échelon 1, qui ne travaille que certaines nuits afin de pouvoir se rendre en cours l’après-midi.
“Au début de l’épidémie, on a monté ce petit groupe tripartite (avec un représentant de la faculté de médecine, moi-même, un représentant de la direction générale des hôpitaux universitaires de Strasbourg et un représentant des étudiants) parce qu’on s’est vite aperçu que les demandes de renfort partaient dans tous les sens, raconte le Pr Philippe Deruelle qui coordonne cette réserve sanitaire étudiante. Tel parent, médecin, sollicitait les étudiants. On a aussi commencé à voir des propositions financières. On s’est dit ‘Oulala, on va se retrouver dans une situation totalement désorganisée’. On a donc voulu centraliser les demandes.”
“Situation très tendue”
Une initiative locale qui a très vite montré son efficacité. “Au départ, on avait quasiment 300 étudiants volontaires. Ils n’étaient plus en stage. Aujourd'hui c’est un peu différent, on a beaucoup moins de volontaires car ils ne sont pas libérés de leurs obligations d’étudiants. Ils sont en cours. Les stages n’ont pas été arrêtés. Ils préparent leurs examens.” Selon Raphaël Strum, étudiant en 4e année et coordinateur chargé de traduire les besoins des hôpitaux en fonction des possibilités des étudiants, une quarantaine d’externes sont actuellement mobilisés aux urgences pour réaliser les frottis Covid et 10 autres, dont Léo, occupent des postes d’aides-soignants en réanimation.
Une mobilisation “très importante” des futurs médecins qui, déplore le Pr Deruelle, n’est néanmoins plus suffisante pour combler les besoins à l’hôpital. “Quand je vois ce qu’on nous demande pour la réserve sanitaire étudiante... On voit bien que les personnels sont en difficulté. De nouvelles unités Covid ont été ouvertes, il faut les remplir. Mais on ne peut pas inventer les soignants du jour au lendemain ! Même en un an, on ne peut pas former une infirmière de réanimation.” Sur la journée du lundi 26 avril, environ 160 personnes étaient hospitalisées pour une infection Covid-19, dont une cinquantaine en réanimation. “C’est une situation très tendue”, confie le PUPH de gynécologie-obstétrique.
Des volontaires laissés sans réponses
Si la responsable de la réserve sanitaire de Santé Publique France, Catherine Lemorton, a alerté...
il y a quelques semaines sur le manque de volontaires sur le plateau de BFMTV, signe, selon elle, de “l’épuisement des professionnels de santé”, “tous occupés”, plusieurs de nos lecteurs affirment s’être rapprochés de l’organisation mais n’avoir jamais reçu de réponse. “Je n'ai toujours pas été contacté par la Réserve sanitaire alors que les besoins existent”, déplore par exemple l’un d’entre eux. “C’est étonnant. C’est comme si on n’avait pas trouvé comment utiliser cette réserve”, s’interroge pour sa part le Dr Lebocey qui indique qu’“une amie sage-femme, qui fait partie de la réserve sanitaire, prête à intervenir, et qui s’est manifestée, n’a "toujours pas été sollicitée”.
Pour Raphaël Sturm, si les étudiants en médecine de Strasbourg ne se sont pas manifestés massivement auprès de la Réserve sanitaire nationale, c’est notamment parce qu’il existait déjà une organisation étudiante spécifique qui permettait la gestion des vacations dans les établissements de santé de la capitale alsacienne. “On a vite vu que la Réserve sanitaire nationale pour les étudiants n’allait pas très bien marcher”, reconnaît le Pr Deruelle pour qui “la proximité facilite la gestion” et “l’accompagnement” des jeunes volontaires. “Pour aller piocher dans un pool national, c’est un peu plus compliqué.”
En centre de vaccination, le constat est le même et la mobilisation se fait essentiellement “au bouche à oreille”. “Pour l’instant, on ne se sert pas de la Réserve sanitaire parce qu’on a des contacts directs avec des médecins”, explique le Dr Claude Leicher, président de la Fédération des CPTS, qui estime par ailleurs qu’“il y a manifestement une méconnaissance de l’usage possible de la réserve sanitaire, perçue comme étant plutôt une réserve sanitaire des établissements”.
Ce dernier ajoute : “Le seul médecin qui m’a dit qu’il était inscrit, m’a expliqué que les personnes qui lui avaient fait des propositions n’avaient pas lu les caractéristiques de son activité. Donc on lui a fait des propositions pas du tout cohérentes avec...
ce qu’il avait comme capacités opérationnelles en tant que médecin retraité.”
Dans la région de Valence, “nous avons 25% de médecins retraités qui participent à cette activité et qui font beaucoup de vacations”, précise l’ancien généraliste, retraité depuis fin 2018, qui salue la “mobilisation extrêmement importante de tous les collègues qui viennent de s’arrêter, retraités hospitaliers ou libéraux, et qui se sentent encore d’attaque pour rendre tel ou tel service”. Selon lui, 95% de la vaccination est actuellement faite par la ville grâce à ces nombreux bras.
Bientôt, à Strasbourg, une centaine d’externes (en 4e, 5e et 6e année) viendront également prêter main forte aux médecins, pharmaciens, infirmières et sages-femmes déjà présents dans les centres de vaccination et vaccinodromes, “quand on aura un peu plus de doses”, ironise le Pr Deruelle. Actuellement, les futurs médecins volontaires - autorisés à vacciner depuis la parution d’un décret le 27 mars dernier - suivent d’ailleurs une formation pour apprendre à réaliser des injections à l’issue de laquelle ils recevront un “certificat de vaccinateur”. Une nouvelle mission que les futurs médecins ont hâte de remplir.
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M A G
Non
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