"Un généraliste prescrit 740 000 € de dépenses par an… est-on capables de saisir ces leviers ?" : le patron de la Cnam face à la CSMF
"Ces négociations conventionnelles, je souhaite les engager rapidement", a martelé Thomas Fatôme vendredi soir, face à une assemblée de 250 médecins réunis par la CSMF à l’occasion de son Université d’été à Arcachon. Pour le directeur de la Cnam, la revalorisation du tarif de la consultation de base de 1.5 euro à compter du 1er novembre "n’est qu’une étape". "Il faut aller plus loin, l’Assurance maladie va mettre de l’argent en plus pour la revalorisation de la lettre clé, c’est évident", a-t-il déclaré.
Priorité, pour Thomas Fatôme : renforcer l’attractivité de la médecine libérale. "L’enjeu clé, c’est de maintenir cette capacité des 50000 généralistes à prendre en charge tous les jours des centaines de milliers, voire 1 million de patients", a-t-il lancé. "Arrêtons de parler de médecin généraliste, il faut parler de médecin traitant, de médecin de famille, a appelé le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Il faut arriver à rendre le métier de médecin traitant attractif. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. On a des territoires avec 33 MG pour 100000 habitants et - ça a été dit par le ministre - ce qu'il y a de plus dur c'est la charge mentale, c'est de se dire qu’on n’arrive pas en prendre en charge les insuffisants cardiaques, les insuffisants rénaux, les insulinodépendants, ça nous donne envie d'arrêter le métier." D’autres modes d’exercice apparaissent plus enviables aux généralistes : centres de soins programmés, plateformes de téléconsultation, centres de santé départementaux ("8500 euros pour 35 heures, sans garde"), a alerté le syndicaliste.
A l’instar du ministre Aurélien Rousseau qui l’a précédé sur la scène du Palais des congrès d’Arcachon, le directeur de la Cnam a reconnu que l’accent avait été trop mis ces dernières années sur les soins non programmés (SNP). "C'est vrai qu'on a dépensé beaucoup d'énergie et de discussions sur un sujet qui doit être secondaire", a-t-il considéré, indiquant au passage que les SAS ne seront probablement pas généralisés à la France entière en 2024... "Il faut remettre l’église au centre du village. L'appui au médecin traitant et le lien avec le deuxième recours, c’est plus important que les soins non programmés", a-t-il insisté. Et de fustiger les centres de SNP, "a fortiori quand ils sont décorrélés d’une organisation des soins, d'une CPTS, d'une régulation". "Ce n'est pas notre projet, on doit lutter contre ça, parce que quelque part on détruit du temps médical."
Pour Thomas Fatôme, l’attractivité "passe par le tarifaire, bien sûr, par les conditions d'exercice, par l'exercice aidé, par le numérique en santé". Le directeur de la Cnam a exprimé ses réserves sur la proposition de la CSMF de hiérarchiser les actes, avec une consultation de base à 30 euros et une consultation longue, nécessairement plus ponctuelle, plus complexe, à 60 euros. "Ça fait partie des solutions, a-t-il concédé. Mais collectivement, il faut avoir un certain courage, supprimer un certain nombre de choses, de majorations ; on ne peut pas garder les deux systèmes, d’un côté une hiérarchisation, de l’autre une nomenclature foisonnante."
Non à l’Optam pour tous
Il s’est montré en revanche franchement opposé à la création d’un "Optam pour tous", que la CSMF envisage comme "un espace de liberté tarifaire pour tous les médecins solvabilisé par les complémentaires santé". "En 1980, Raymond Barre a sorti le secteur 2 alors qu'il prônait une rigueur budgétaire parce qu'il n’était pas capable de solvabiliser les actes médicaux à leur juste valeur, a rappelé le Dr Philippe Boutin, président du Groupement européen des médecins libéraux. Même cause, même conséquence ?", a-t-il interpelé. "L'Optam a été construit pour...
engager une forme de régulation des dépassements d'honoraires, a répondu Thomas Fatôme. C'est un peu différent de faire de l'Optam un nouvel espace de liberté tarifaire, c'est pas la même logique", a-t-il pointé, considérant qu’avoir "dans notre pays un accès de premier recours (90% des MG) à tarif opposable" est un "bien précieux". "La réponse principale au problème pour l’Assurance maladie n’est pas d’aller mettre à la charge des patients des dépassements supplémentaires", a-t-il insisté. "Je préfère me battre pour avoir des marges de manœuvre financières pour revaloriser la lettre de base que d’aller vers des systèmes qui sont des pis-aller."
Et les marges de manœuvre "existent" pour le directeur de la Cnam : "pas en faisant de la maitrise comptable, mais en faisant de la qualité et de la pertinence". "Un médecin généraliste prescrit l'équivalent 740 000 euros de dépenses chaque année… est-ce que collectivement, ensemble, on est capables de travailler à saisir ces leviers ?", a-t-il lancé. Y a-t-il des "actes pas indispensables", des "examens de radiologie qui sont inutiles" ? Et de citer les dépenses d’IJ, qui progressent de 800 millions d’euros chaque année – soit "3 euros de C", les prescriptions d’antibiotiques qui restent en France supérieures de 20% à la moyenne européenne, ou encore les "60000 prescriptions d’IPP à des gamins de moins de 6 mois alors que c’est mauvais pour la santé".
Prescription d’antibiotiques par les pharmaciens
Pris à partie sur la prescription d’antibiotiques par les pharmaciens pour des cystites et des angines en cas de Trod positif, proposition de la Cnam reprise dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, Thomas Fatôme a rappelé qu’à côté des 9 millions d’angine comptabilisées chaque année, seuls 1 million de Trod étaient réalisés. "Les médecins n’ont pas le temps, etc.", a-t-il taclé. "1 million… 20% d’antibios en trop, donc cherchez l’erreur !", a-t-il lancé.
Alors que les syndicats de médecins libéraux appellent les praticiens à fermer leur cabinet à compter de ce vendredi 13 octobre, on ignore encore la date de reprise des négociations conventionnelles, la lettre de cadrage ministérielle se faisant toujours attendre.
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Etes-vous favorable à la création, sur le modèle de l'Optam, d'un espace de liberté tarifaire pour tous les médecins, solvabilisé par les complémentaires santé ?
Michel Rivoal
Non
Et si on regardait la vraie vérité: qui n’est pas couvert ? Y compris par la CMU-C Moins de 5% de la population en moyenne ! Oui ... Lire plus