"Se soigner est devenu le Far West, la bourse ou la vie !" : ce médecin appelle les politiques à "se réveiller"
Alors qu'a débuté, ce lundi 28 octobre, l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 à l'Assemblée nationale, le Dr Frédéric Paing, généraliste et vice-président du collectif Santé en danger, appelle les décideurs politiques à faire preuve de "courage". "Soit le financement nécessaire au système de santé est réellement adopté et assumé, soit [ils] doivent assumer le choix sociétal glaçant de ne plus soigner tout le monde à tout âge", écrit-il dans une tribune envoyée à Egora.
"La discussion du budget 2025, et plus particulièrement la discussion du PFLSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) incite à la réflexion. Depuis 2020, sans succès, les ministres de la Santé défilent. Encore groggys de la suffisance et du mépris de l’ineffable et impéritieux Véran, prototype des Rastignac de la start up nation, nous découvrons - vraiment ? - que le président Macron avec son 'quoi qu’il en coûte' s’est pris pour Midas : las, contrairement au roi phrygien, il a gardé la tête sous le bonnet et le Pactole a disparu.
Le système de santé, exsangue, est pris dans cette tourmente. À la moindre demande pour améliorer le système de soins, l’on nous répond aujourd’hui que les caisses sont vides. Français trompés, soignants dupés, citoyens leurrés, la réalité est surtout la mise en danger des patients. Que nos gouvernants se réveillent ! Aujourd’hui, se soigner est devenu le Far West : la bourse ou la vie !
Retards de diagnostics et prises en charges trop tardives se multiplient faute de médecins généralistes, ou en raison de délais irréels de consultation chez le spécialiste, ou encore avec un accès aux plateaux techniques spécialisés impossible rapidement y compris pour des pathologies galopantes ne s’accommodant pas du moindre délai (cancer du pancréas, par exemple).
Ainsi, le pronostic vital des Français est trop fréquemment engagé : la fermeture de nombreux services d’urgences, la non-hospitalisation (alors même qu’elle est médicalement nécessaire et justifiée) et le retour à domicile (faute de lits disponibles) sans les moyens que les nécessités médicales et morales requièrent, sont des anomalies inacceptables, d’incompréhensibles anachronismes.
Il est intolérable de laisser les soignants sans moyens pour les patients
À cette alerte maintes fois répétée est systématiquement opposé un déni facile et condescendant sous couvert de soi-disant 'cas particuliers' ou 'épiphénomènes' : que nenni ! Il n’en est rien : l’exception que décideurs et responsables veulent nous 'vendre' est devenue la règle que nous vivons quotidiennement ! In fine, la réalité est la plus forte et s’impose à tous.
Vœu pieux d’idéaliste sûrement, l’heure est néanmoins au courage politique : soit le financement nécessaire au système de santé est réellement adopté et assumé, soit nos décideurs politiques doivent assumer le choix sociétal glaçant de ne plus soigner tout le monde à tout âge. Ce courage politique est indispensable car il est intolérable de laisser les soignants sans moyens pour les patients avec cette injonction paradoxale néanmoins réitérée, caractéristique de la déconnexion (volontaire ?) et/ou de l’ignorance de technocrates dont l’image de la ruralité sont les prés de Saint-Germain, de faire toujours mieux avec moins…
Ainsi, la perte de sens de leur fonction incite toujours plus de soignants à abandonner le système de santé qui a tant besoin d’eux. Des solutions existent, même au plan financier, à commencer par la suppression d’abscons comités Théodule ou d’obscures officines, autant dispendieux qu’inefficients : par exemple, en ces temps de disette, la création, en mars 2024, du comité d’histoire des administrations chargées de la santé présidé par Mme Bachelot et fort de 36 membres, était-elle indispensable ? Mais encore, la mise en place de ratios de patients par soignant a fait ses preuves : ainsi, en Australie, l’instauration de ces ratios a permis une diminution de la morbi-mortalité et des ré-hospitalisations précoces, une amélioration de l’attractivité des postes de soignants hospitaliers, le tout entraînant une diminution des dépenses de santé et ce, de façon plus importante que l’investissement financier initial pour le personnel. Des dizaines d’autres solutions existent mais, structurellement, ne peuvent être initiées en l’absence d’une loi programmatique de santé aux objectifs quinquennal et décennal, a minima.
Mais avant de déployer les solutions, la question princeps n’est pas celle des moyens mais celle d’un choix de société, philosophique : est-il moral et acceptable d’imaginer une restriction, une limitation des soins ? N’est-il pas insupportable de devoir se poser cette question, au simple prétexte que la 7ème puissance économique mondiale n’aurait plus 'les moyens' N’est-il pas urgent de se ressaisir et de ne pas réduire la vie humaine à un coût mais plutôt à remettre celle-ci au-dessus de toute autre considération, a fortiori financière ?
'L’inviolabilité de la vie humaine est le droit des droits', disait Victor Hugo."
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