Il aura tout tenté, jusqu’au bout, pour faire partie des 9.757 étudiants en médecine qui passeront, de lundi à mercredi prochains, les redoutées épreuves classantes nationales informatisées (ECNI). Jonathan, 30 ans, se bat devant la justice depuis plus d’un an contre ce qu’il considère être “une simple erreur administrative”, qui l'empêche de pouvoir s’inscrire à l'examen et faire son internat en France. Le Champenois, qui a réalisé avec succès son externat à l’université de Brno, en République tchèque, avait pourtant pour projet de s’installer comme généraliste dans une zone sous-dotée. Alors que le droit français impose de s’inscrire au concours l’année de l’obtention du diplôme du deuxième cycle, le carabin, au bord du burn-out et perturbé par la crise Covid, avait fait le choix de rentrer en France en 2021 pour préparer celui de 2022, sans savoir qu’il sortait du cadre légal. Lecteurs, vous avez été nombreux à nous demander de ses nouvelles. A deux jours de l’échéance, voici une lettre rédigée par Jonathan. "C'est fichu. Les ECN, ce sera sans moi. Je ne pourrai jamais faire mon internat en France. Ma deuxième requête en référé a été rejetée sans même passer par une audience. J'ai toujours une requête sur le fond en cours, mais je n’ai pas encore eu de réponse et le concours commence lundi… Je voudrais rappeler que je ne suis pas originaire d'une famille de médecins. Mes parents se sont sacrifiés pour payer mes études de médecine. J'ai moi-même dépensé la quasi-totalité de mes économies. Lors des démarches que j’ai engagées depuis l’obtention de mon diplôme en République tchèque, j’ai été contacté par un juriste qui m'assure que je suis en train de subir une discrimination et qu'il est possible de se plaindre auprès de la Cour européenne des droits de l'homme. La France n’a pas le droit de me refuser la poursuite de mes études à partir du moment où mon diplôme tchèque est reconnu. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la France est condamnée pour ce motif selon lui (il existait une loi qui interdisait aux étudiants ayant raté leurs deux essais à la première année de médecine en France de pratiquer même s'ils avaient obtenu leur diplôme à l'étranger, loi qui a été condamnée par la CEDH). Cependant, l'article R632-5 n'existe plus, et cela me prendrait énormément de temps et d'argent. Je ne pense pas que ça vaille le coup.
J’ai aussi sollicité plusieurs députés depuis mon retour en France. Je n’ai toujours aucune réponse. Les élus concernés font exprès de faire la sourde oreille. L'Assemblée nationale a pourtant l'obligation de répondre aux questions écrites déposées à l'hémicycle, mais ils ignorent tout de ce sujet particulier. Il y a d'ailleurs d'autres questions écrites sur le même sujet, pareillement sans réponse. Les députés qui m'ont, eux, accordé leur soutien m'ont exprimé leur incrédulité face à cette situation… "Le coup de grâce est venu d'Olivier Véran" Le coup de grâce est venu du ministère de la Santé. Un des politiques qui me soutient, qui connaît personnellement Olivier Véran, a fait en sorte que mon dossier soit posé sur son bureau quand il était encore ministre et lui a expliqué ma situation. Ce dernier a refusé d'intervenir, répétant les mêmes arguments que le Centre national de gestion, soit le fait qu’il aurait fallu que je m’inscrive aux ECN français l’année de l’obtention de mon diplôme tchèque, en 2021, et non cette année.
Ces arguments sont d'une hypocrisie à faire grincer des dents. D'un côté, le CNG dit que des centaines d'étudiants européens ont pu s'inscrire sans problème, et qu'il n'y a donc aucun souci avec cette réglementation. De l'autre, l’instance a avoué elle-même, lors de mon audience, que des dizaines d'étudiants se font avoir chaque année et sont recalés des ECN sur la base des mêmes motifs. En gros, que mon cas n'était pas inhabituel. J'ai été contacté par plusieurs personnes dans la même situation que la mienne suite à l’article publié sur Egora. On a tous des raisons différentes, certaines tout aussi injustes que la mienne, voire pires, mais le résultat est identique pour tout le monde. C'est triste à dire, mais lors de ma sixième année j'étais au bord du burn-out. Entre les stages et les examens de fin d'année, j'étais submergé par le stress et le travail. "Je me suis mis à détester ce pays qui s'efforce de détruire ma vie" Personnellement, je suis tellement écœuré par cette situation que je me suis mis à détester mon pays, moi qui suis pourtant très fier d'être Français. Pour la première fois de ma vie, j’ai refusé de voter à l'élection présidentielle. Une vengeance insignifiante envers des politiciens et un pays qui s'efforcent de détruire ma vie. J'ai décidé de ne pas me laisser faire. Je suis finalement à la recherche d'une formation en médecine générale à l'étranger. J'ai dû emprunter de l'argent pour en payer les frais, et j'espère pouvoir trouver un pays qui m'acceptera. Et si jamais j'arrive à devenir médecin généraliste un jour, je ne compte pas revenir pratiquer en France. Ils peuvent continuer à se plaindre des déserts médicaux si ça leur chante."
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