Grève des médecins : liberté fondamentale ou devoir de continuité des soins ?
La dernière étude de l’Ordre (1) sur la permanence des soins ambulatoires (PDSA) montre une hausse de la participation des médecins à ce dispositif, avec une amélioration de la couverture territoriale. Deux jurisprudences récentes nous rappellent, toutefois, la nécessité pour les médecins d’assurer la continuité des soins indispensables et la sécurité des patients.
La première affaire concerne un groupement hospitalier, dont le directeur avait collectivement réquisitionné les agents, en vue d’instaurer un service complet et non un service minimum, dans le cadre d’un mouvement de grève. De son côté, le syndicat CGT de cet établissement soutenait que ces réquisitions limitaient l’exercice de leur droit de grève, que son directeur n’avait pas justifié le caractère indispensable des réquisitions pour sauvegarder le service minimum alors que le droit de grève présente le caractère d’une liberté fondamentale. En sachant que le droit de grève doit concilier la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l’intérêt général. Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, dans une décision du 22 avril 2024, « la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels de la Nation ou du pays ». Et le Conseil d’Etat, dans sa décision, de rejeter la requête de ce syndicat, après avoir jugé que les réquisitions contestées ne constituaient pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève mais répondaient à la nécessité d’assurer la continuité des soins indispensables et la sécurité des patients.
La seconde affaire concerne une clinique, accusée de ne pas avoir organisé la continuité obstétricale et chirurgicale des soins, en l’absence d’établissement d’une liste de garde de jour des gynécologues-obstétriciens. Dans ce dossier, un nouveau-né devait présenter de graves lésions à la suite d’un accouchement en urgence après une rupture utérine. Après plusieurs mois de procédure, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 28 février 2024, a retenu la responsabilité du médecin pour avoir pratiqué la césarienne trop tardivement, mais également celle de la clinique pour n’avoir pas organisé de planning précisant qui était le médecin de garde en journée, ce qui a compliqué l’identification du médecin responsable et complexifié la prise en charge de l’enfant. Cette responsabilité « in solidum » permet à la victime d’obtenir réparation de l’intégralité de son préjudice en poursuivant l’un des coauteurs, ce qui constitue pour elle une garantie de solvabilité. Comme le rappelle l’article D.6124-44 du Code de la santé publique, une clinique doit « organiser la continuité obstétricale et chirurgicale des soins tous les jours de l’année, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans l’unité d’obstétrique ».
Permanence des soins ambulatoires 2023 : www.conseil-national.medecin.fr
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