Licenciement

Licenciement : des documents couverts par le secret médical peuvent-ils être utilisés contre un médecin ?

D'après un arrêt de la Cour de cassation du 29 mai 2024, la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu’elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi. 

23/09/2024 Par Nicolas Loubry
Licenciement

Une médecin gynécologue-obstétricienne est engagée comme salariée par une clinique mutualiste, le 1er octobre 2012. Elle reçoit une lettre de licenciement le 27 janvier 2017, fondée sur des fautes médicales. Elle conteste cette rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud’homale. Après plusieurs mois de procédure, la cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 16 novembre 2022, annule ce licenciement, le déclarant dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamne cet établissement à verser à cette médecin des dommages et intérêts. Pour considérer que ce licenciement n’était pas fondé, la cour d’appel de Bordeaux, après avoir constaté que les pièces produites de part et d’autre permettaient d’identifier une patiente de cette médecin, a retenu que la production de ces pièces constituait une violation du secret médical.

Secret médical et preuve d’une accusation

Saisie en dernier recours, la Cour de cassation a tenu à rappeler, dans son arrêt du 29 mai 2024, que "le droit de se constituer des preuves dans le cadre d’une procédure judiciaire ne peut justifier cette violation dès lors que la lettre de licenciement et les procès-verbaux auraient pu être cancellés et en déduit que l’utilisation des pièces médicales constitue une atteinte disproportionnée aux droits du patient et que le licenciement ne peut être justifié par ces pièces". Pour sa défense, et pour justifier le bien-fondé de sa décision de licencier cette médecin salariée, la clinique soutenait qu’elle pouvait produire en justice les pièces médicales d’une patiente démontrant les fautes de cette médecin, licenciée à raison de ces fautes, sans qu’il puisse lui être opposé le droit du patient au respect du secret médical.

Dans sa décision, la Cour de cassation a tenu à rappeler les dispositions de l’article L.1110-4 du code de la santé publique selon lesquelles le secret médical couvre l’ensemble des informations concernant un patient venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel d’une clinique ou d’un établissement hospitalier. Et la Cour de cassation d’en conclure qu’aux termes des articles L.1234-1 et L.1235-3 du Code du travail, « la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu’elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi ».

La cour d’appel de Bordeaux a jugé que ce licenciement n’était pas fondé, après avoir constaté que les pièces produites permettaient l’identification d’une patiente en retenant que la production de ces pièces constituait une violation du secret médical alors qu’aucun accord de la patiente n’avait pu être établi ni même allégué. Pour la Cour de cassation, le droit de se constituer des preuves dans le cadre d’une procédure judiciaire ne peut justifier une violation du secret médical dès lors que la lettre de licenciement et les procès-verbaux auraient pu être cancellés ; l’utilisation de ces pièces médicales pouvait représenter une atteinte disproportionnée aux droits du patient alors que ce licenciement ne pouvait être justifié par ces pièces.

La Cour de cassation a ainsi reproché à cette cour d’appel de n’avoir pas recherché si la production des pièces litigieuses était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et si l’atteinte au secret médical n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi. Cette affaire a ainsi été renvoyée devant la cour d’appel de Toulouse où elle sera rejugée.    

 
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