Soumission chimique : des mesures pour tenter d’endiguer un phénomène en augmentation
Le procès des viols de Mazan vient de s’achever. Le visage courageux et désormais emblématique de Gisèle Pélicot a mis en lumière le phénomène de la soumission chimique.
Hasard du calendrier, c’est au lendemain de la proclamation du verdict dans cette affaire que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a dévoilé un ensemble de mesures qui visent à prévenir la soumission chimique.
Celle-ci est définie par "l'administration d'une substance psychoactive à une personne, sans qu'elle en ait connaissance ou sous la contrainte, dans le but de commettre un délit ou un crime, comme un vol, une agression sexuelle, un viol…", rappelle l’agence française. Dans le cas des viols de Mazan, c’étaient les benzodiazépines qui étaient incriminées. Leurs propriétés amnésiantes, sédatives et désinhibitrices, "les rendent particulièrement dangereuses dans ce contexte", souligne l’ANSM.
L’affaire de Mazan est symbolique d’un problème qui est en forte expansion. Ainsi, selon la dernière enquête nationale "soumission chimique", les signalements en rapport avec ce phénomène sont en augmentation "exponentielle". Cette enquête est menée tous les ans depuis 2003, à partir des signalements remontés par les 13 centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) et avec l’aide du réseau des toxicologues experts.
Les derniers résultats rapportent un total de 1 229 signalements de soumission chimique suspects en 2022, contre 727 en 2021 et 539 en 2020, soit une augmentation de 69% par rapport à 2021. Parmi les signalements analysés en 2022, 97 cas sont considérés comme vraisemblables. Mais ces chiffres sont probablement bien inférieurs à la réalité, car ces situations nécessitent d’avoir conscience a posteriori de ce qui s’est passé, et ensuite d’avoir le courage de faire des démarches de signalement.
Le pic de signalements a eu lieu en juillet 2022 (n=132) pendant la période estivale (fête de la musique, festivals...) ; et c’est la région Ile-de-France qui est la plus touchée avec 51,4% des cas (n=632) suivie par les Hauts-de-France (n=245 ; 19,9%). "Cette augmentation exponentielle des signalements est à mettre en perspective avec le mouvement européen de libération de la parole #balancetonbar #MetooGHB, lancé dès l’automne 2021, ainsi qu’avec la réouverture des discothèques en février 2022... le tout en parallèle du déploiement du plan gouvernemental 'antiGHB'", affirment les auteurs de l’enquête. En 2022, il s’agissait d’agressions sexuelles dans 58,4% des signalements suspects, suivies des tentatives de soumission chimique (9,6%), des vols (7,1%), et des violences physiques (5,1%).
En outre, on constate que, dans la majorité des cas, ce sont des médicaments psychoactifs qui sont impliqués (56,7%). Il peut s’agir d’un antihistaminique, un sédatif, une benzodiazépine, un antidépresseur, un médicament opioïde, la kétamine…. Dans certains cas, la substance est non médicamenteuse : MDMA, cocaïne, 3-MMC, GHB et ses dérivés ou l’alcool. La substance est ajoutée à une boisson, à de la nourriture, ou encore injectée avec une seringue.
Dans ce contexte, l’ANSM a souhaité renforcer l’information et la prévention du phénomène de soumission chimique. Elle a donc décidé de prendre de nouvelles mesures. Celles-ci concernent principalement les laboratoires qui commercialisent des médicaments susceptibles d'être détournés à des fins de soumission chimique.
Modifier l’aspect du médicament pour alerter les victimes potentielles
L’idée est de rendre détectables les médicaments qui seraient administrés à l’insu d’une personne, afin d’éviter leur détournement. Cela pourrait se faire à l’aide de changements portant sur l’aspect visuel du produit (colorant ou texture inhabituelle), ou l’ajout d’un goût ou d’une odeur identifiable. "Nous avons d’ores et déjà échangé avec les représentants des laboratoires dans le cadre de notre comité d’interface (CI) car l’engagement à travailler le sujet repose sur une démarche volontaire de leur part, affirme l’ANSM. L’objectif est de pouvoir modifier les AMM, puis les médicaments effectivement mis sur le marché, sur la base des propositions des industriels et des discussions collégiales qui suivront, le suivi de ce dossier s’organisant en toute transparence dans le cadre de notre CI."
Des solutions à long terme sont aussi en cours de discussion "pour que les nouveaux médicaments qui seront mis sur le marché intègrent d'emblée ces caractéristiques permettant de rendre leur détournement plus détectable". Et des échanges sur ce sujet sont aussi prévus au niveau européen, de façon partager les initiatives qui permettent d’améliorer les bonnes pratiques.
"En cette fin d’année, nous rappelons également les mesures de prévention, en particulier en milieu festif, et l’importance de la vigilance solidaire", ajoute l’agence du médicament.
Références :
D’après un communiqué de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, 19 décembre)
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