A l’issue de deux journées de débat, la chambre haute du Parlement a adopté ce mercredi soir la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels par 235 voix pour contre 80 voix contre. Le texte porté par le député Horizons Frédéric Valletoux a été profondément remanié depuis le vote en première lecture de l’Assemblée nationale le 15 juin dernier. L’examen de cette PPL s’est en effet déroulé dans un contexte de reprise du dialogue entre l’Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux, fermement opposés aux mesures coercitives qui pouvaient être intégrés au texte. Un calendrier dénoncé par les parlementaires.
Heureux que ma #PPL pour "améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionn" vienne d'être adoptée à l'instant par le @Senat par 235 voix contre 80.
— Frédéric Valletoux (@fredvalletoux) October 25, 2023
Merci à @aur_rousseau & @agnesfirmin de leur engagement pour défendre les avancées de ce texte. pic.twitter.com/keeEPLQ3ZP
Finalement, les sénateurs ont fait le ménage dans le texte initial, après un premier coup de balai de la commission des Affaires sociales du Sénat. Celle-ci avait déjà supprimé l’adhésion automatique des professionnels de santé à une CPTS. L'article 3 du texte prévoyait que "l'ensemble des professionnels de santé" et des centres de santé deviennent "membres" de la CPTS de leur territoire, "sauf opposition de leur part". Il précisait que ces derniers pouvaient "à tout moment" s'en "retirer". Une mesure contre laquelle s’était "fermement" opposé l’Ordre des médecins.
Plusieurs amendements visant à instaurer un conventionnement sélectif ont été rejetés par les sénateurs, qui ont fermé la porte à toutes les tentatives de régulation à l’installation des médecins. Sur le dossier de la permanence des soins, la majorité sénatoriale de droite et du centre et le ministère de la Santé se sont accordés sur un dispositif visant à permettre aux directeurs des ARS de désigner les établissements privés et leurs soignants pour qu'ils assurent des gardes. Toutefois, la contrainte par les ARS ne se fera qu’en "dernier recours" et "en cas de carences persistantes". Le déplacement d’un praticien dans un autre établissement que le sien ne pourra se faire que sur la base du volontariat.
Les sénateurs ont voté des dispositions visant à limiter à une fois tous les dix ans l’octroi de certaines aides à l’installation et d’exonérations fiscales au bénéfice des professionnels de santé, en vue de lutter contre le nomadisme. En outre, ils ont durci l’encadrement de l’intérim médical.
Limiter le recours aux certificats
Le texte a aussi été enrichi. Les sénateurs ont, notamment, limité le recours aux certificats médicaux pour la pratique sportive, en instaurant un questionnaire remplaçant le certificat de non contre-indication pour les majeurs, et voté le remplacement du certificat médical pour congé enfant malade par une attestation sur l’honneur. Objectif : redonner du temps médical aux médecins. Des mesures saluées par le syndicat de jeunes généralistes et remplaçants Reagjir, dans un communiqué. Le Sénat a également étendu l’expérimentation de la signature des certificats de décès par les infirmières à l’ensemble du territoire national. "Il revoit, par ailleurs, ses modalités de financement en les alignant sur celles actuellement appliquées aux médecins", stipule l’amendement de la rapporteure Corinne Imbert, qui a reçu le feu vert des sénateurs.
Extension du CESP
En outre, le Sénat a tenu à élargir le contrat d’engagement de service public (CESP) "aux étudiants de pharmacie et de maïeutique". Il permet également "aux étudiants de chirurgie dentaire et de toute autre spécialité médicale" de bénéficier d’indemnités de logement et de déplacement de la part des collectivités, dont le bénéfice était jusqu’ici limité aux étudiants de troisième cycle de médecine générale.
Les sénateurs ont enfin voté une expérimentation de l’option santé dans les lycées situés dans les zones sous-dotées.
Manque d'ambition
Si la PPL Valletoux ainsi remaniée a été adoptée, les sénateurs ont quasi unanimement déploré son "manque d'ambition". "Toutes les mesures ambitieuses de ce texte ont été rejetées", a regretté la sénatrice socialiste Émilienne Poumirol. "Quelle déception que le texte que nous allons voter n'ait même rien à voir avec celui arrivé dans notre chambre !", a déploré l'écologiste Anne Souyris.
Le président de la commission des Affaires sociales du Sénat, Philippe Mouiller, a quant à lui, évoqué une "liste de mesures" qui "par leur manque de vision globale" ne répondent pas aux enjeux d'accès aux soins. Finalement, "ce texte ne va satisfaire personne", a lancé la sénatrice communiste Céline Brulin. "Je crains que les patients – mais aussi les médecins qui eux-mêmes souffrent de la désertification médicale – se retrouvent tout aussi démunis demain qu’ils ne l’étaient ce soir."
"Le tour de force de cette proposition de loi est d’avoir fait du soignant le cœur du problème, alors qu’il devrait être une partie de la solution", a de son côté déclaré le sénateur Les Républicains, Jean Sol. "Heureusement", la chambre haute "a remis du bon sens" et supprimé des mesures "inutilement irritantes vis-à-vis des professionnels de santé", poursuit-il. "Force est de constater que les sénateurs ont entendu la colère des médecins contre plusieurs articles de cette loi", a salué Reagjir, citant entre autres "l'obligation de pourvoir tous les terrains de stage en zone sous-dotée pour la 4e année d’internat de médecine générale".
Députés et sénateurs doivent désormais s'accorder sur un texte commun en commission mixte paritaire (CMP).
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