Refus des règles sanitaires, antivax... L'Ordre pointe une hausse des agressions de médecins à cause de la crise Covid

26/07/2022 Par Sandy Bonin
Violence
1.009, c'est le nombre de déclarations d'incidents violents recensés par l’Observatoire de la sécurité des médecins en 2021. Un chiffre bien en deçà de la réalité selon le Conseil national de l'Ordre et Ipsos qui estiment que seuls 30% en moyenne des incidents sont rapportés. L'instance ordinale appelle tous les médecins victimes à signaler leur(s) agression(s) afin de mieux sensibiliser les pouvoirs publics à la violence subie par les praticiens.  

 

"Cet observatoire, c'est la face visible de l'iceberg. Il y a une grosse lacune au niveau des déclarations. La plupart des fiches d'incidents concernent les médecins libéraux. Il y a un gros travail à faire au niveau des établissements hospitaliers qui préfèrent régler leurs problèmes en interne", reconnaît le Dr Jean-Jacques Avrane, président du conseil départemental de l'Ordre de la ville de Paris, nouvellement élu au Conseil national, en charge de la sécurité des médecins. "Les incidents sont à déclaration non obligatoire. On estime que seuls 30% sont signalés", précise le médecin généraliste parisien qui présentait ce mardi 26 juillet les résultats de cette 19ème enquête annuelle réalisée avec l'institut Ipsos recensant les violences subies par les praticiens.  

Ainsi, en 2021, 1.009 actes de violence à l'encontre des médecins ont été rapportés à l'instance ordinale. Un chiffre en hausse par rapport à 2020, année lors de laquelle seuls 955 incidents ont été recensés mais qui a été marquée par les confinements.

 

Parmi les spécialités, les médecins généralistes sont les plus touchés par ces agressions (61% des incidents rapportés, alors que les médecins généralistes représentent 43% du corps médical en activité). Les cardiologues, les psychiatres ou encore les ophtalmologues figurent également parmi les spécialités les plus attaquées. "Il s'agit de praticiens dont les rendez-vous sont difficiles à avoir", avance le Dr Avrane pour tenter de trouver une explication.  

En 2021, les actes de violence ont concerné les médecins partout où ils exercent sur le territoire. Ainsi 51% ont eu lieu en centre-ville, 22% en banlieue, et 21% en milieu rural. 

 

Les patients sont les agresseurs dans la moitié des cas

Les patients sont dans 54% des cas les agresseurs, tandis que dans 84% des situations, le médecin est la victime. Si les violences avec arme ne concernent que 2% des incidents recensés, l'Ordre rapporte qu'en 2021, trois médecins ont été agressés avec un revolver, trois autres à l'aide...

d'un couteau, trois avec une béquille, un avec une bombe lacrymogène et un avec un caillou.   

 

 

Dans 70% des cas, les incidents concernent des agressions verbales ou des menaces. Les violences physiques représentent 9% des incidents recensés, tandis que les vols ou tentatives concernent 10% des violences.  

Refus de prescription ou d'arrêt de travail, reproche relatif à la prise en charge ou encore temps d'attente jugé excessif sont les principaux motifs d'agression. "C'est à l'image de ce qui se passe dans notre société : les gens ont de moins en moins de freins quand ils n'arrivent pas à obtenir ce qu'ils veulent", résume le Dr Avrane. 

L'Ordre comptabilise désormais les motifs de "refus de respect des règles sanitaires" (masque, nombre de personnes), inexistants en 2020, ou encore "antivax" qui représentent respectivement 4% et 2% des causes d'agression. 59 des incidents rapportés ont ainsi eu pour cause la crise sanitaire, 35 concernaient un refus du respect des règles sanitaires et 24 étaient le fait de patients opposés à la vaccination. "La vaccination a généré de grosses tensions, c'est un sujet sur lequel il était très difficile de discuter", a constaté le conseiller ordinal qui a notamment relevé de "fortes tensions dans les centres de vaccination quand le pass sanitaire est devenu obligatoire". 

Face à cette hausse des incivilités et violences, le Dr Avrane insiste sur l'importance de déclarer les incidents à l'Ordre, soit en envoyant un mail au conseil départemental, soit directement en ligne. "Chaque conseil départemental a un référent sécurité", indique le conseiller ordinal qui explique que suite à chaque déclaration, les conseils rappellent les médecins pour leur expliquer la marche à suivre et les encourager à déposer plainte, le tout "sans paperasserie inutile". "Les médecins ne portent pas plainte car ils ont peur des suites" de cette démarche, regrette le généraliste. "Les praticiens peuvent si besoin se faire domicilier au conseil départemental", souligne le conseiller. La plupart du temps, l'instance ordinale se porte partie civile "pour accompagner les médecins", ajoute Jean-Jacques Avrane. 

En 2021, seuls 32% des praticiens recensés par l'Observatoire de la sécurité des médecins ont déposé plainte. Une proportion qui tombe à 20% chez les médecins victimes d’agressions verbales. Plus du tiers des confrères victimes d’agressions physiques n’ont pas porté plainte, déplore l'Ordre. "Quand un médecin est agressé, c'est tous les patients qui sont touchés", pointe le Dr Avrane, qui souligne l'importance de déclarer ces incidents pour en analyser les causes et agir en lien avec les pouvoirs publics. 

 

 

Face à la hausse des incidents, le SML appelle à des actions rapides
Le syndicat des médecins libéraux appelle le Gouvernement à la prise de "mesures fortes" pour "protéger les médecins libéraux". Le SML avait été reçu par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, sur ce sujet en novembre dernier, dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Le syndicat appelle à "acter une impunité zéro pour les auteurs de violences, crimes et délits sur des médecins". Il recommande d'"encourager la surveillance vidéo dans les salles d’attente des cabinets médicaux" et souhaite "autoriser le médecin à se désengager des soins en cas d’incivilité sans obligation d’assurer la continuité de ces soins (sans que cela ne puisse être requalifié en refus de soins)". Enfin, il réclame de "généraliser les dispositifs permettant d’alerter les secours en cas de nécessité".
"Le sujet de la sécurité des médecins doit être une priorité pour le Gouvernement. L’insécurité nuit non seulement aux médecins, mais aussi aux patients, à l’accès aux soins et à l’attractivité de la médecine libérale", constate le SML. 

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