Covid-19 et maladies rhumatologiques : une aggravation sous rituximab et inhibiteurs de JAK

12/07/2021 Par Corinne Tutin
Rhumatologie

Les rhumatologues ont largement évoqué les problèmes liés à l'épidémie de Covid-19, effets des traitements rhumatologiques, associations avec des affections comme la maladie de Horton lors de la version digitale du congrès de l'Alliance européenne des associations pour la rhumatologie (Eular), qui a eu lieu du 2 au 5 juin 2021. Ainsi, deux études de registre internationale et française rapportent un pronostic aggravé de l’infection Covid-19 chez les patients avec une polyarthrite rhumatoïde (PR) traités par le rituximab. Dans l'un de ces registres, le nombre de décès était aussi doublé sous inhibiteur de JAK en comparaison des anti-TNF.   Des données récentes provenant d'un large registre mis en place, en mars 2020, avec le concours financier de l'Eular (The Covid-19 Global Rheumatology Alliance physician-reported registry) suggèrent que l'utilisation de certaines biothérapies pourrait avoir un effet défavorable sur l'évolution de l'infection Covid-19. « Sur 2 869 patients infectés par le Sars-CoV-2 entre le 24 mars 2020 et le 12 avril 2021 avec une polyarthrite rhumatoïde (PR), 237 recevaient de l'abatacept, une protéine de fusion CTLA-4 modulant l'activité des lymphocytes T, 364 du rituximab , un anticorps anti-CD20, 563 des inhibiteurs de janus kinase (JAKi) (tofacitinib, baricitinib, upadacitinib), 317 des inhibiteurs d'interleukine 6 (tocilizumab, sarilumab) et 1388 des anti-Tumor necrosis factor (TNFi) (infliximab, étanercept, adalimumab, certolizumab pégol, golimumab) », a indiqué le Dr Jeffrey Sparks (Brigham and Women's Hospital, Boston, États-Unis). Les investigateurs ont exclu les inhibiteurs de l'IL 1 de l'analyse car seuls 4 patients recevaient cette classe thérapeutique. Un score de sévérité de la maladie a été établi, après classement des patients en 4 catégories (1. non hospitalisés, 2. hospitalisés sans oxygénothérapie 3. hospitalisés avec oxygénothérapie ou ventilation 4. décédés).

Aucune augmentation de la gravité de l'infection Covid-19 n'a été relevée chez les patients traités par inhibiteurs d'IL 6 ou abatacept en comparaison de ceux traités par anti-TNF. « Ce qui est rassurant, car on pouvait craindre une altération de la réponse anti-virale avec l'abatacept, compte tenu de son mécanisme d'action », a souligné le Dr Sparks.   En revanche, une aggravation plus fréquente a été observée sous traitement par rituximab en comparaison de celui par anti-TNF (odds ratio de 4,15 après ajustement pour l'âge, le sexe, les comorbidités, l'activité de la PR, l'utilisation de corticoïdes ou de traitements de fond conventionnels) et il en a été de même pour les patients ayant reçu des inhibiteurs de JAK (odds ratio de 2,06).  Ces différences importantes avec les anti-TNF, quant à la sévérité de l’infection, persistaient au même niveau après exclusion des patients porteurs de cancer ou de pneumopathie interstitielle, lesquels étaient plus nombreux dans le groupe rituximab (odds-ratio de 4,34). Globalement le nombre de décès a été plus de quatre fois plus important sous traitement par le rituxamab et doublé en cas d'utilisation d'inhibiteur de JAK. Pour le rituximab, ces données n'ont pas étonné les investigateurs, car des résultats similaires avaient déjà été rapportés.  En revanche, elles les ont surpris s'agissant des inhibiteurs de JAK car, a ajouté le Dr Sparks, « le baricitinib a démontré une efficacité pour traiter l'infection Covid-19 ». Comme la comparaison a été faite...

contre les anti-TNF, il est toutefois possible « qu'une partie des résultats soit expliquée par un effet positif des anti-TNF sur l'infection Covid-19 », a mentionné le Dr Sparks. Des essais en cours permettront peut-être de répondre à cette question. De nouvelles données de la cohorte française RMD, recueillies entre mars et novembre 2020 sur 1 090 patients infectés par le Covid-19 avec une maladie rhumatologique, principalement une PR, sont aussi défavorables au rituximab.  Après ajustement, une plus grande fréquence d'infections sévères (hospitalisation ou décès) a été constatée chez les 63 patients ayant reçu du rituximab par rapport à ceux traités par d'autres médicaments (34,9 % versus 11,2 %, p < 0,001)*.  « La différence restait importante lorsque la comparaison était faite avec les chiffres relevés chez les 495 patients non traités mais éligibles pour le rituximab, 34,9 % contre 14,3 % », a signalé le Dr Jérôme Avouac (Hôpital Cochin, Paris). Le taux de mortalité était également plus élevé dans le groupe rituximab (20,6 % contre 7,4 %). Mais, dans ce cas, l'analyse a montré que « ceci était relié aux facteurs associés », a reconnu le Dr Avouac. Par ailleurs, ces auteurs ont relevé que les patients sous rituximab, ayant développé une infection Covid-19 sévère (n =20) ou décédés (n = 11), avaient reçu leur dernière injection de rituximab dans un délai plus court par rapport à l’apparition des symptômes d’infection que les autres patients traités par cet anti-CD20 mais ayant présenté une infection moins grave. La question, qui se pose, est de savoir « s'il faut switcher les patients avec une PR sous rituximab vers d'autres biothérapies, ce d'autant que la réponse vaccinale à la Covid-19 pourrait être plus faible sous rituximab que sous d'autres médicaments », a précisé le Dr Sparks.  Le Dr Avouac a recommandé la prudence, « en particulier chez les patients rhumatologiques avec des comorbidités ». *Avouac J, et al. Lancet Rheumatol. 2021 Jun;3(6):e419-e426. Epub 2021 Mar 25.  

Que disent les recommandations de l'Eular ?
Pour l’Eular, il n'existe pas pour le moment d'élément de preuve conduisant à penser que les patients avec une maladie rhumatologique ou musculo-squelettique présentent un risque accru d'être infectés par le Covid-19  ou même ont un pronostic aggravé, a expliqué le Pr Robert Landewé (Centre rhumatologique d’Amsterdam), qui a fait partie du groupe de travail ayant élaboré les recommandations 2021 pour la prise en charge des patients rhumatologiques en contexte d’épidémie Covid-19. Ces patients respecteront donc les mêmes mesures de prévention que l'ensemble de la population. En l’absence de signes évoquant la possibilité d’une infection Covid-19, ils poursuivront leur traitement habituel (anti-inflammatoires non stéroïdiens, antalgiques, corticoïdes, traitements de fond conventionnels, biothérapies, médicaments de l'ostéoporose). En cas d'infection Covid-19 légère, le traitement corticoïde sera continué à la dose la plus faible possible, mais les décisions pour les traitements de fond seront prises au cas par cas. En cas de Covid-19 sévère, l'utilisation de traitements immunosuppresseurs conventionnels ou biologiques devra faire l’objet d'une décision multidisciplinaire.

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