La perte de poids, le régime méditerranéen, et certaines supplémentations pourraient avoir un intérêt dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques, à l’inverse des régimes sans gluten ou sans lactose. Des recommandations sur cette thématique ont été présentées lors du 33e congrès français de rhumatologie qui était organisé sous forme digitale, du 13 au 16 décembre dernier. La Société française de rhumatologie (SFR) vient de concevoir des recommandations sur l’alimentation dans les rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC : polyarthrite rhumatoïde, polyarthrite rhumatoïde ou PR, spondylarthrite ankylosante et rhumatisme psoriasique). « Beaucoup de patients ont en effet une forte demande sur ce point et beaucoup d’informations plus ou moins sérieuses circulent dans les médias. Il est important d’indiquer aux patients ce qui est démontré et non démontré, en conservant une attitude d’ouverture car on sait que l’alimentation peut avoir une influence sur le système immunitaire digestif. Le texte prend aussi en compte les surrisques d’ostéoporose ou de maladie cardiovasculaire constatés chez ces malades », explique le Pr Claire Daïen (CHU de Montpellier), qui a coprésidé avec le Pr Jérémie Sellam (Hôpital Saint Antoine, Paris) le groupe de travail à l’origine de ces recommandations. La première préconisation est d’accompagner les patients avec un RIC en surpoids ou obèses à perdre du poids. « Le niveau de preuve d’un intérêt de cette mesure pour contrôler l’activité du rhumatisme inflammatoire n’est pas excellent, grade C, admet le Pr Daïen, car peu d’essais cliniques randomisés contrôlés ont été réalisés sur ce thème ». « Mais, quelques études rétrospectives ont mis en évidence une réduction de l’activité des RIC avec la perte pondérale ». Par ailleurs, les liens entre inflammation et surpoids sont admis, les adipocytes fabriquant des cytokines à activité inflammatoire. Et, on sait que le surpoids et l’obésité jouent un rôle dans la PR et le rhumatisme psoriasique. Enfin, la perte pondérale a des effets bénéfiques cardio-métaboliques et psychologiques.
Pas de preuve d’efficacité des régimes "sans" Certains patients avec un RIC se soumettent à des régimes d’exclusion sans gluten, ou sans lactose, parfois sur recommandations de médecins. En fait, ces régimes « sans » ne doivent pas être proposés pour réduire l’activité du RIC. « Lorsqu’un patient a adopté un régime d’exclusion, il faudra néanmoins rester à son écoute, expliquer les niveaux de preuve, éventuellement proposer des alternatives, l’accompagner pour éviter des effets délétères », conseille le Pr Daïen. Pour le régime sans gluten, les études qui ont conclu à son intérêt sont très anciennes, portent sur des nombres très limités de patients et associent souvent d’autres mesures nutritionnelles (régime végétalien, jeune...). « Les preuves ne sont donc pas suffisantes pour proposer un tel régime, en l’absence de maladie cœliaque ». Ce d’autant « qu’un régime sans gluten s’accompagne d’effets...
cardiovasculaires délétères, probablement parce qu’il entraîne une moindre consommation de fibres alimentaires protectrices et que les aliments sans gluten proposés par les industriels sont des aliments transformés souvent plus salés, et plus gras », ajoute le Pr Daïen. « Si le patient a de lui-même adopté un régime sans gluten, il faudra d’abord voir s’il en a tiré des bénéfices. Si ce n’est pas le cas, on lui conseillera d’arrêter ce régime d’exclusion. Si, par contre, il a constaté une amélioration, on pourra voir avec lui si en réintroduisant peu à peu certains aliments, il observe des manifestations rhumatologiques, l’objectif étant d’atteindre un régime le plus équilibré possible et d’éviter un possible retentissement social », propose le Pr Daïen. « Pour le lactose, il n’existe aucune étude randomisée ni même d’étude préclinique mettant en évidence l’efficacité d’un régime d’exclusion ». Il ne faut donc pas conseiller un régime sans produit laitier chez ces patients, qui ont besoin d’apports en calcium suffisants car ils sont fortement exposés à l’ostéoporose. Les laitages fermentés, yaourts ou fromages sont, par ailleurs, une source intéressante de probiotiques et leur prise est associée à une diminution du risque cardiovasculaire, de la fréquence de certains cancers, une augmentation de la masse osseuse et, peut-être, une réduction du risque fracturaire. Se soumettre au jeûne ou adopter un régime végétalien ne permet pas non plus de contrôler l’activité d’un RIC. De même, il n’y a pas d’indication à proposer, dans ce cadre, une supplémentation vitaminique (B9, D, E, K) ou en oligoéléments (sélénium et/ou zinc) « car les études n’ont pas mis en évidence d’effet clinique significatif ». Mais, bien sûr, on supplémentera en vitamine D les patients carencés pour prévenir une ostéoporose. Aucune étude contrôlée n’a également permis d’étayer un effet positif de substances parfois proposées en pharmacie pour protéger les articulations, comme le fer, le magnésium, le manganèse, le thé... Effet antalgique des acides gras essentiels polyinsaturés En revanche, quelques études de bonne qualité car randomisées en double aveugle contre placebo ont montré qu’une supplémentation de plus de 2 g/j en acides gras essentiels polyinsaturés, principalement en oméga-3 d’huiles de poisson, peut diminuer douleur, raideurs chez des patients avec une PR. On pourra donc la proposer aux patients avec une PR, et probablement d’autres RIC en cas de demande. Plus généralement, on conseillera une alimentation de type méditerranéen, qui a démontré un petit bénéfice sur les symptômes articulaires, et surtout a des effets cardio-métaboliques protecteurs chez ces patients à risque cardio-vasculaire majoré. Certaines supplémentations (safran, cannelle, ail, gingembre, sésamine, concentré de grenade) pourraient avoir un effet bénéfique sur l’activité de la PR au vu d’études cliniques randomisées bien faites contre placebo. « Cependant, le nombre de patients dans ces études était faible, et ces résultats n’ont pas été répliqués. Les données sont donc actuellement trop limitées pour recommander ces supplémentations en pratique courante. Mais, les patients qui le désirent pourront essayer ces produits pour évaluer s’ils en tirent des effets bénéfiques », mentionne le Pr Daïen. Le rôle du microbiote intestinal est certainement très important dans ces rhumatismes inflammatoires. Reste que pour l’instant, les résultats obtenus dans les RIC avec les probiotiques sont discordants, parfois positifs, dans d’autres cas, négatifs. Il est difficile d’en tirer des conclusions, car les souches utilisées diffèrent d’un essai à l’autre, les doses aussi. « En attendant que la recherche clinique progresse, on ne peut donc à ce jour conseiller cette prescription ». *Le Dr Daïen déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt.
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus