Dermatite atopique : un facteur d’échec scolaire ?

07/06/2021 Par Romain Loury
Dermatologie
Chez l’enfant, la dermatite atopique, source d’irritation et de douleur, peut constituer un frein à la réussite scolaire. Deux études récentes révèlent son impact, qui s’accroît avec la sévérité de la maladie. 

Les enfants atteints de dermatite atopique sont-ils plus à risque d’échec scolaire ? C’est ce que suggèrent deux études, l’une danoise (1), l’autre américaine (2), récemment publiées dans la revue Jama Dermatology. Comparant 5 927 personnes atteintes de dermatite à un échantillon apparié de la population danoise, la première d’entre elles révèle que ces patients sont 50% plus à risque de ne pas dépasser le niveau collège, 16% de ne pas aller au-delà du lycée. Chez ceux qui y parviennent, la différence s’estompe à l’université. 

Quant à la seconde étude, elle montre que les troubles de l’apprentissage s’accroissent avec la sévérité de la dermatite atopique. Par rapport aux enfants les moins touchés (score POEM inférieur à 2 sur une échelle de 0 à 28), ceux atteints d’une dermatite légère (POEM compris entre 3 et 7) ont 72% plus de risques d’avoir des problèmes d’apprentissage. Chez ceux atteints d’une dermatite sévère à très sévère (POEM supérieur à 17), le risque est multiplié par 3,1. 

La dermatite atopique a-t-elle donc une incidence directe sur les difficultés scolaires ? Le lien « me semble plausible, mais il faut être prudent sur l’interprétation », commente le Dr Sébastien Barbarot, dermatologue au CHU de Nantes. Ramené à l’ensemble de la population danoise, l’impact de la dermatite atopique, dans la première étude, s’avère au final assez faible en valeur absolue : seuls 2,5% des enfants atteints de dermatite ne dépassent pas le niveau collège, contre 1,7% en population générale. Tous niveaux d’étude confondus, la différence n’atteint que 3,5% entre les deux groupes. De plus, l’association observée par les chercheurs danois est largement atténuée lorsqu’ils intègrent les facteurs sociaux, en menant la comparaison au sein des fratries. 

Quant à l’étude américaine, Sébastien Barbarot la juge « assez convaincante », d’autant que l’association observée demeure après prise en compte des facteurs sociaux. L’étude recèle toutefois une faiblesse majeure : les troubles de l’apprentissage ne sont pas...

mesurés de manière objective, mais rapportés par les parents des enfants analysés. Au final, « les deux études mises bout à bout posent des questions intéressantes, et suggèrent que nous devons être plus attentifs à ce sujet » dans la prise en charge des enfants atteints de dermatite atopique, indique le dermatologue nantais. 

 

Troubles du sommeil, de l’attention 

Quant aux mécanismes à l’œuvre derrière cette éventuelle association, plusieurs explications émergent. Notamment le fait que la dermatite, maladie très irritante, pourrait troubler le sommeil des enfants, et donc diminuer leur concentration. C’est « une maladie qui entraîne des troubles de l’attention. Ces enfants sont plus souvent anxieux, plus souvent dépressifs », explique Sébastien Barbarot. Autre possibilité, la dermatite atopique pourrait être associée à une inflammation systémique, agissant notamment sur le système nerveux. Enfin, « ces enfants ont de plus grandes difficultés à s’intégrer dans un groupe du même âge, ce qui peut impacter leurs performances scolaires », ajoute-t-il. 

Interrogée sur les résultats des deux études, Stéphanie Merhand, directrice et fondatrice de l’Association française de l’eczéma, dit ne pas « vraiment être étonnée ». « Les troubles du sommeil, le manque de concentration, parfois la douleur, ont des conséquences cognitives sur ces enfants », indique-t-elle. Quant à la stigmatisation, elle conduit fréquemment l’enfant à se désintéresser de l’école, parfois à développer une « phobie scolaire », elle-même source d’échec. 

Ces souffrances scolaires ressortent d’ailleurs de l’enquête EclA Junior, réalisée début 2020 par l’association auprès de 664 couples parents/enfants âgés de 6 à 11 ans. Elle révèle le fréquent sentiment de mal-être de ces enfants à l’école : « 15% des enfants atopiques, voire 51% dans les cas sévères, doivent subir au moins une fois par semaine les moqueries de leurs camarades », allant parfois jusqu’à des bagarres, indique l’association. Un tiers des enfants (69% des cas sévères) « déclarent avoir été mal à l’aise, malheureux ou tristes au cours des sept derniers jours du fait de leur maladie ». Et 22% d’entre eux (67% des cas sévères) évoquent des problèmes de sommeil au cours des sept derniers jours. Près de la moitié des enfants (46%) disent ne jamais discuter de leur dermatite atopique avec leurs amis. La question de l’eczéma en milieu scolaire sera abordée lors de la conférence en ligne organisée le 5 juin par l’association, à l’occasion de la Journée nationale de l’eczéma, ouverte à tous après inscription sur associationeczema.fr.  

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