Un médecin qui, par sa faute, fait perdre à son patient une chance de guérison ou de survie engage sa responsabilité. Il pourra être tenu de réparer le préjudice subi par son patient : un préjudice spécifique, distinct du préjudice final, constitué par la chance perdue. En matière de responsabilité médicale, cette notion de perte de chance est souvent invoquée lorsqu’un praticien n’a pas respecté son devoir d’information. Comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 décembre 2020, ce devoir d’information porte notamment sur les « risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soin ». Si ces risques se produisent et s’il s’avère que le professionnel de santé omet de transmettre ces informations au patient, ce dernier peut se prévaloir d’un préjudice. Celui-ci est d’ordre moral et est distinct des atteintes corporelles dont le patient a été victime.
Selon un autre arrêt, cette fois-ci du Conseil d’Etat, du 20 novembre 2020, la méthode de calcul de la perte de chance liée à un défaut d’information s’apprécie en fonction de trois critères : l’état de santé du patient et son évolution prévisible, les alternatives thérapeutiques existantes et tout autre élément de nature à révéler le choix du patient. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a conclu que si, au regard de ces trois éléments, la victime informée aurait quand même entrepris l’opération, elle ne pouvait dès lors se prévaloir d’une perte de chance à raison d’un défaut d’information. Ainsi, en cas de défaut d’information ou d’information insuffisante, la jurisprudence admet l’indemnisation d’une perte de chance de se soustraire à une intervention et donc à la réalisation du risque, sous réserve que le défaut d’information ait eu une influence sur le consentement à l’acte médical, ce qui ne sera pas le cas si l’intervention était inéluctable. La perte de chance dans d'autres domaines Alors que plusieurs candidats à l’élection présidentielle ont évoqué le concept de perte de chance lorsqu’un patient n’a pas accès à un médecin de garde ou vit dans un désert médical, d’autres préjudices proches de la perte de chance peuvent être invoqués dans d’autres domaines. Lorsqu’un étudiant en médecine, à la suite d’un accident de la circulation dont il a été victime, n’a pu, en raison de cet accident, valider le stage d’interne en médecine de six mois, l’obligeant à décaler de six mois sa possibilité d’exercer, il a subi un préjudice pouvant s’apparenter à une perte de chance. Comme l’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 13 juin 2019, ce préjudice résultant du démarrage tardif de son activité professionnelle ne s’analysait pas en une perte ou une diminution de revenus, mais correspondait uniquement aux désagréments liés au décalage de six mois du début de son activité professionnelle. Ce préjudice devait ainsi être pris en compte car l’intéressé avait commencé à exercer en tant que médecin en mai 2014 alors que sans l’accident, qui l’a empêché de valider son stage d’interne, il aurait commencé à exercer dès le mois de novembre 2013.
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