Des recommandations pour l’HTA de l’enfant et de l’adolescent

19/01/2021 Par Corinne Tutin
Cardio-vasculaire HTA
Rédigé par la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) et présenté lors des 40èmes Journées de l’hypertension artérielle (9 décembre 2020), ce document, précise le dépistage, les étiologies à rechercher, et la démarche diagnostique et thérapeutique à mettre en place. Il est conseillé de mesurer la pression artérielle annuellement chez tous les enfants de plus de 3 ans.

Un groupe d’experts, réuni à l’initiative de la SFHTA, vient d’élaborer des recommandations pour les HTA de l’enfant et de l’adolescent*. Ces HTA pédiatriques semblent en effet avoir augmenté de fréquence ces dernières décennies. « Et, leur diagnostic peut paraitre plus complexe que chez l’adulte car il nécessite de recourir à des abaques », indique le Pr Béatrice Duly-Bouhanick**, endocrinologue d’adultes au CHU de Toulouse et coordinatrice du groupe de travail de la SFHTA.  Le texte, qui a bénéficié d’une relecture par des membres des sociétés de cardiopédiatrie, de néphrologie pédiatrique, et d’endocrinologie et de diabétologie pédiatriques, propose une abaque simplifiée avec des repères tensionnels pour détecter l’HTA chez l’enfant, en fonction de l’âge mais aussi du sexe ; car des petites différences de seuil existent entre filles et garçons. Ces HTA pédiatriques sont définies par une pression artérielle (PA) atteignant ou dépassant le 95e percentile (stade 1 au-delà de ce seuil, stade 2 au-delà du 95e percentile + 12 mm Hg). Par ailleurs on considère que la PA est élevée entre les 90e et 95e percentiles. Les recommandations conseillent de mesurer au moins une fois par an la pression artérielle chez les enfants de plus de 3 ans, l’HTA étant le plus souvent asymptomatique. Avant 3 ans, la PA sera prise en cas de faible poids de naissance, de pathologie rénale ou cardiaque, de transplantation, de maladies comme la neurofibromatose ou la sclérose tubéreuse de Bourneville pouvant se compliquer d’HTA, d’exposition au plomb... Généralement secondaire avant 6 ans L’enfant sera idéalement assis depuis 5 minutes et au calme, pieds posés sur le sol, « ce qui n’est pas toujours facile à obtenir au cabinet », reconnaît le Pr Duly-Bouhanick. « Il est indispensable que la mesure soit faite au bras droit, car ce site est épargné en cas de coarctation aortique, et non au bras gauche, comme on le fait souvent chez l’adulte ». La mesure devra aussi, bien sûr, être réalisée avec... un brassard de taille adaptée, de préférence par technique auscultatoire, car les tensiomètres oscillométriques surestiment la PA. En cas de chiffres anormalement élevés, elle sera vérifiée lors de 2 autres consultations à un mois d’intervalle, sur un mode plus rapproché en cas de risque élevé. La mesure ambulatoire de la PA (Mapa) est recommandée chez les enfants mesurant plus d’1 m 20 mais pas chez les plus petits, car elle peut être mal tolérée. L’automesure tensionnelle à domicile ne sera utilisée que pour suivre une HTA connue, car on manque de valeurs de référence pour établir le diagnostic. En cas de PA élevée ou d’HTA, l’examen clinique devra être complet pour rechercher, par exemple, des tâches cutanées café au lait (neurofibromatose), des angiomes (sclérose tubéreuse de Bourneville), des signes d’hyperthyroïdie ou d’hypercorticisme. Il faudra aussi mesurer la PA aux 4 membres et ausculter les pouls (leur amoindrissement aux membres inférieurs étant un signe de coarctation aortique), rechercher un souffle cardiaque, abdominal (sténose de l’artère rénale), une éventuelle masse (polykystose, néphroblastome) ... Le bilan minimal associera un ionogramme sanguin, une créatininémie avec mesure du rapport protéinurie/créatininurie, une évaluation de la filtration glomérulaire, la recherche d’une hématurie et sera complété par un bilan métabolique en cas de surpoids ou d’antécédents familiaux de dyslipidémie (glycémie à jeun, cholestérol total et HDL et LDL, triglycérides, Asat et Alat).
Ensuite, selon le contexte, on demandera l’avis d’un cardiopédiatre, d’un néphropédiatre, ou d’un endocrinopédiatre. « On manque de données chiffrées mais l’impression est qu’avant l’âge de 6 ans, les HTA sont plus souvent secondaires, alors qu’elles sont plus fréquemment essentielles chez les plus grands en particulier lorsqu’existe un surpoids », ajoute le Pr Duly-Bouhanick. Deux tiers des HTA secondaires sont d’origine cardiaque (coarctation aortique) ou rénale (néphropathie, uropathie, maladie rénovasculaire, néphroblastome, polykystose...). Les principaux examens réalisés sont l’électrocardiogramme, l’échocardiographie (pour rechercher systématiquement une hypertrophie ventriculaire gauche en plus d’une coarctation aortique), l’échographie rénale avec doppler artériel (pour déceler une sténose artérielle, une hypoplasie, une tumeur rénale). L’endocrinopédiatre sera consulté en cas d’HTA monogénique endocrine familiale, de signes d’hypercorticisme, d’anomalie de taille pouvant évoquer un syndrome de Turner ou une acromégalie, de goitre, d’hyperadrénergie (suspicion de phéochromocytome), d’obésité sévère. Un traitement progressif Le traitement associera toujours l’application des règles hygiéno-diététiques. « Il est important d’encourager les jeunes, notamment en cas de surpoids, à avoir une activité physique qui abaisse les chiffres tensionnels, d’adopter un régime de type DASH (pour Dietary Approaches to Stopping Hypertension) riche en fruits et légumes, pauvres en acides gras saturés, qui a lui aussi démontré sa capacité de réduire la pression artérielle », rappelle le Pr Duly-Bouhanick. Le traitement médicamenteux, qui repose sur les inhibiteurs calciques de longue durée d’action ou les IEC et sartans, ne sera initié qu’en cas de persistance de l’HTA malgré... ces mesures, ou d’HTA de stade 2, symptomatique, avec une atteinte d’organe cible, de diabète associé, dans certaines HTA secondaires. L’objectif recherché est une PA inférieure au 75e percentile, ou même au 50e percentile en cas d’insuffisance rénale ou de protéinurie.  « Il faut vérifier chez les adolescentes sous IEC ou sartan que la contraception est bien prise pour éviter toute grossesse », souligne le Pr Duly-Bouhanick. Ces jeunes filles hypertendues ne devront pas recevoir de contraception œstro-progestative, qu’elle qu’en soit la forme (comprimés, anneau vaginal, patch) mais une contraception microprogestative ou, éventuellement, un dispositif intra-utérin au cuivre (en l’absence de contre-indication gynécologique). *HTA de l’enfant et de l’adolescent. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. www.sfhta.eu Le Pr Duly-Bouhanick déclare n’avoir aucun lien d’intérêt   

Les Journées de l’hypertension artérielle ont également fait le point, pour leur 40e anniversaire, sur les actualités concernant l’HTA. Les hypertensiologues ont ainsi discuté des relations entre HTA et infection Covid-19 et abordé le traitement des HTA résistantes.

HTA et Covid
« Le Sars-CoV-2 se fixant sur les cellules sur l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2, on craignait que les patients hypertendus soient plus sensibles à l’infection. Une vaste enquête danoise sur 400 000 sujets a montré que ce n’est pas le cas », explique le Pr Jean-Pierre Fauvel*, président de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA). La même conclusion a été obtenue dans l’enquête française Flahs, ayant pris en compte les réponses de 6 000 adultes vivant en France métropolitaine dont 2 % infectés par le Covid-19. Les hypertendus présentent, en revanche, un risque accru de développer une forme grave lorsqu’ils sont infectés. « Mais, après ajustement sur l’âge, l’odds ratio n’est que de 1,3 chez les patients hypertendus », précise le Pr Fauvel. « Le surrisque concerne surtout, en fait, les patients ayant développé une insuffisance rénale ou cardiaque. Il est essentiel en tout cas que les malades n’arrêtent pas leurs médicaments antihypertenseurs. En effet, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) n’ont pas d’action délétère sur l’évolution du Covid-19 et pourraient même avoir peut-être un petit effet positif sur elle », souligne le Pr Fauvel.

HTA résistantes
La question des HTA résistantes a été abordée lors de cet e-congrès. « Les véritables HTA résistantes sont rares, environ 5 %, et leur diagnostic demande de toujours interroger la question de l’observance thérapeutique », rappelle le Pr Fauvel. « Il est important dans les HTA à risque de ne pas trop tarder à débuter le traitement et d’éviter l’inertie thérapeutique, car en devenant plus rigides, les vaisseaux artériels deviennent moins sensibles à la vasodilatation ». Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (i-SGLT2) intéressent les hypertensiologues car, la baisse de la pression artérielle de 2 à 3 mm Hg qu’ils induisent, participe à leur importante capacité de protéger la fonction rénale et la fonction myocardique. Des antagonistes de l’endothéline et des inhibiteurs de l’aminopeptidase A et de la néprilysine font, par ailleurs, l’objet d’essais cliniques dans l’HTA. « Néanmoins, explique le Pr Fauvel, les industriels pourraient les proposer en premier lieu pour traiter des patients avec une insuffisance rénale ou une insuffisance cardiaque, plutôt qu’avec des patients avec une HTA où l’on dispose d’un arsenal thérapeutique déjà riche et pour laquelle les prix fixés risquent d’être plus bas ».
« La dénervation rénale a fait la preuve de son innocuité pour l’artère rénale, alors qu’on avait auparavant des inquiétudes à ce sujet. Cependant, ajoute le Pr Fauvel, elle n’a pas forcément un grand avenir dans l’HTA résistant,e car son efficacité correspond à celle d’un médicament. Il n’est pas certain que prendre 3 médicaments au lieu de 4 soit recherché par les patients. En revanche, ce geste, qui peut se pratiquer sur une journée en ambulatoire, pourrait être intéressant dans des HTA débutantes en permettant au patient d’éviter d’avoir à prendre un médicament anti-hypertenseur pendant 5 à 10 ans », pense le Pr Fauvel.
*Le Pr Fauvel déclare n’avoir aucun lien d’intérêt

                 

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